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Que sait-on exactement du cadmium, ce métal toxique qui contamine les aliments ?

Posté le : 12 Sep 2025

Faudra-t-il se priver de chocolat ? Il contient une quantitĂ© excessive de cadmium, un mĂ©tal toxique, alertait UFC Que choisir fin aoĂ»t. “La France malade du cadmium”, titrait quelques semaines auparavant le journal Le Monde, rendant compte d’un courrier des mĂ©decins des Unions RĂ©gionales des Professionnels de santĂ© – MĂ©decins LibĂ©raux (URPS-ML) au gouvernement, qui alertent sur les dangers du cadmium prĂ©sent dans certains aliments, notamment fabriquĂ©s Ă  partir de cĂ©rĂ©ales, Ă©voquant dans les mĂ©dias une “bombe sanitaire”. Et soulignent en particulier que le cadmium pourrait ĂȘtre impliquĂ© dans la hausse du cancer du pancrĂ©as. De trĂšs nombreux mĂ©dias ont repris cette information. Quelques-uns sont cependant sceptiques, Ă©voquant mĂȘme un “coup de com”. Le ministĂšre de la SantĂ© a annoncĂ© dans la foulĂ©e que des tests de dĂ©pistage du cadmium seraient proposĂ©s en mĂ©decine de ville et remboursĂ©s, dans des conditions qui restent Ă  fixer. 

La question du cadmium dans les aliments n’est pas nouvelle, les Ă©tudes qui sont dĂ©crites ici datent de plusieurs annĂ©es. Que dit exactement la recherche Ă  propos du cadmium, de sa prĂ©sence dans les sols et dans l’alimentation, de sa toxicitĂ© sur l’humain et de son implication dans certains cancers dont celui du pancrĂ©as ?

À RETENIR :

  • Le cadmium est un mĂ©tal lourd prĂ©sent naturellement dans les sols, oĂč il peut ĂȘtre apportĂ© en excĂšs par les engrais agricoles ou la pollution industrielle, et se retrouve dans les aliments.
  • Le cadmium est toxique. Il s’accumule dans l’organisme oĂč il peut persister de 10 Ă  30 ans. Il peut avoir des effets nĂ©fastes sur les reins, les os, les poumons, le systĂšme cardiovasculaire et cĂ©rĂ©brovasculaire, le systĂšme immunitaire et le systĂšme reproductif
  •  Il est classĂ© “cancĂ©rogĂšne certain” par le Centre international de recherche sur le cancer. Il est associĂ© aux cancers bronchopulmonaires, et potentiellement aux cancers des reins, de la vessie et du pancrĂ©as.
  • Les crustacĂ©s, les abats, les biscuits sucrĂ©s, salĂ©s ou barres cĂ©rĂ©aliĂšres et le chocolat sont les aliments contenant le plus de cadmium, mais ce ne sont pas les plus consommĂ©s. Les cĂ©rĂ©ales (pain, biscottes) et les pommes de terre constituent l’essentiel de l’apport alimentaire en cadmium. Le principal apport non-alimentaire est le tabac.
  • Sur la base des consommations alimentaires, 0,6 % des adultes, 14,9 % des enfants (3 Ă  17 ans), jusqu’à 36 % chez les enfants de moins de 3 ans dĂ©passent la dose de rĂ©fĂ©rence. Le risque n’est cependant pas immĂ©diat chez les enfants. 
  • Chez les adultes, prĂšs de 47% de la population dĂ©passe la dose limite de cadmium dans les urines, selon une Ă©tude de l’ANSES 
  • La forte augmentation de la concentration de cadmium dans les aliments en France dans les 20 derniĂšres annĂ©es n’est pas expliquĂ©e Ă  ce jour. Une piste pour rĂ©duire le taux de cadmium est la sĂ©lection d’engrais agricoles phosphatĂ©s provenant de gisements pauvres en cadmium.
  • Une alimentation Ă©quilibrĂ©e est recommandĂ©e pour Ă©viter l’accumulation du cadmium dans l’organisme. 

Qu’est-ce QUE LE CADMIUM ?

Le cadmium est un mĂ©tal lourd, utilisĂ© dans l’industrie pour la fabrication de batteries de type Nickel-Cadmium (Ni-Cd), de pigments, de verre, dans la mĂ©tallurgie, etc. Il est un sous-produit de la production d’autres mĂ©taux comme le zinc. Il peut ĂȘtre prĂ©sent dans l’air et dans l’eau du fait de la combustion d’hydrocarbures, de rejets industriels, d’incinĂ©ration de dĂ©chets par exemple. Enfin, il est prĂ©sent dans les sols agricoles, naturellement mais aussi Ă  cause de l’apport d’engrais Ă  base de phosphate. Ceux-ci  sont fabriquĂ©s Ă  partir de roches contenant naturellement du cadmium en proportion diverse selon leur provenance (voir ci-aprĂšs).

Le cadmium est-il toxique ?

La toxicité du cadmium est avérée et confirmée par de nombreuses études.

À noter que les cas de toxicitĂ© aiguĂ« du cadmium par ingestion directe de cet Ă©lĂ©ment sont rares[1] . Les interrogations actuelles portent sur la toxicitĂ© chronique rĂ©sultant de l’exposition prolongĂ©e Ă  de faibles doses. Le cadmium s’accumule en effet dans l’organisme, sa demi-vie est de 10 Ă  30 ans (c’est le temps nĂ©cessaire pour que sa concentration dans le plasma sanguin diminue de moitiĂ©, utilisĂ© comme rĂ©fĂ©rence car la courbe d’élimination du cadmium n’est pas linĂ©aire)[2]. Il peut avoir des effets nĂ©fastes sur : 

  • Les reins : c’est lĂ  oĂč le cadmium s’accumule majoritairement. Il peut endommager les tubules, de petits tubes contenus dans le nĂ©phron, unitĂ©s qui filtrent le sang et produisent l’urine.
  • Les os : il interfĂšre notamment avec le mĂ©tabolisme du calcium et peut provoquer dĂ©minĂ©ralisation et ostĂ©oporose.
  • Le systĂšme respiratoire : les fumĂ©es et poussiĂšres (en particulier en milieu industriel) peuvent provoquer des affections pulmonaires.
  • D’autres effets sont documentĂ©s sur le systĂšme cardiovasculaire et cĂ©rĂ©brovasculaire, le systĂšme immunitaire et le systĂšme reproductif. 

Cadmium et cancer

Le cadmium a Ă©tĂ© classĂ© “cancĂ©rogĂšne certain” (groupe 1) par le Centre international de recherche sur le cancer (IARC).

Les cancers bronchopulmonaires sont ceux pour lesquels le lien avec le cadmium est le mieux Ă©tabli[3]. Ils rĂ©sultent de l’exposition aux fumĂ©es et poussiĂšres en milieu professionnel, chez les travailleurs de la mĂ©tallurgie par exemple, ou chez les populations exposĂ©es Ă  des pollutions issues de ces industries[4]

Une méta-analyse (synthÚse quantitative des résultats de plusieurs études) associe le cadmium au risque de cancer du rein (chez les travailleurs exposés en particulier)[5]. Pour le cancer de la prostate, les études sont moins concluantes. Ainsi, une méta-analyse ne trouve pas de lien probant[6]. Une étude menée en SuÚde sur plus de 40 000 hommes entre 45 et 79 ans indique une association modérée mais réelle avec le cancer de la prostate, surtout dans sa forme localisée[7].

Y a-t-il un lien entre cadmium et cancer du pancréas ?

Le cancer du pancrĂ©as est en progression : en France, entre 2010 et 2023, son incidence a augmentĂ© de 1,6 % par an chez les hommes et 2,1 % chez les femmes, selon l’Institut national du cancer (INCA). Cette progression peut-elle ĂȘtre attribuĂ©e pour partie au moins au cadmium ? Ce n’est pas dĂ©montrĂ© aujourd’hui. Mais plusieurs Ă©tudes sont menĂ©es sur l’association entre cadmium et cancer du pancrĂ©as. 

Par exemple, une revue systĂ©matique (qui fait la synthĂšse de nombreux travaux en tenant compte de leurs biais) parue en 2024 conclut Ă  un lien entre une exposition Ă©levĂ©e au cadmium et le cancer du pancrĂ©as, des poumons et de la vessie[8]. Une autre, publiĂ©e en 2025, constate une “association significative” entre cadmium et cancer du pancrĂ©as, avec un risque deux fois plus Ă©levĂ© de cancer chez les personnes exposĂ©es au cadmium par rapport Ă  celles qui ne le sont pas ou peu[9]. Les auteurs notent toutefois une hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des Ă©tudes examinĂ©es (diffĂ©rences dans les conceptions des Ă©tudes, les populations analysĂ©es, les mĂ©thodes de dosage) et le fait que de nombreux paramĂštres, dont le tabagisme, devront mieux ĂȘtre pris en compte dans des Ă©tudes ultĂ©rieures. 

Le cadmium DANS les aliments

Pour les enfants et les adultes non-fumeurs, la principale source d’exposition au cadmium est l’alimentation. Le cadmium se retrouve en effet dans de nombreux aliments. L’ANSES (Agence nationale de sĂ©curitĂ© sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a menĂ© trois Études de l’alimentation totale, EAT 1 (entre 2000 et 2004), EAT2 (2006 Ă  2011) et EAT-i (2010-2016), qui quantifient les substances contaminantes prĂ©sentes dans les aliments et l’exposition de la population qui les consomme. L’étude EAT 2 a ainsi recherchĂ© 445 substances dans 212 types d’aliments.

Cette derniĂšre Ă©tude indique ainsi (figure 1) que les concentrations les plus Ă©levĂ©es de cadmium – converties ici en microgrammes (ÎŒg : millioniĂšme de gramme) pour ĂȘtre plus aisĂ©ment comparĂ©es avec ce qui va suivre) se trouvent dans :

  • les crustacĂ©s et mollusques : 167 ÎŒg/kg (d’aliment consommĂ©)
  • les abats : 53 ÎŒg/kg
  • les biscuits sucrĂ©s, salĂ©s ou barres cĂ©rĂ©aliĂšres : 30 ÎŒg/kg
  • le chocolat : 29 ÎŒg/kg
Figure 1 – Concentration des principaux aliments par des contaminants inorganiques (en milligramme par kg), le cadmium (Cd) est la derniùre colonne. Source : ANSES

Cependant, ces aliments ne sont pas les plus consommĂ©s en quantitĂ©. Il faut plutĂŽt se pencher sur les cĂ©rĂ©ales (blĂ©, riz notamment). Elles ont de plus faibles teneurs en cadmium, mais constituent le principal facteur d’exposition dans la nourriture.

L’ANSES indique ainsi que chez les adultes et chez les enfants, les principales sources de l’exposition au cadmium sont :

  • les pains (22% de l’exposition) et produits de panification sĂšche (de type biscotte, pain suĂ©dois : 13 %)
  • les pommes de terre et apparentĂ©s (chips, frites) (12 % et 14 %, respectivement)

L’EFSA (AutoritĂ© europĂ©enne de sĂ©curitĂ© des aliments) a rĂ©alisĂ© Ă  l’échelle europĂ©enne une synthĂšse des Ă©tudes d’exposition, et parvient Ă  des rĂ©sultats similaires quant aux sources d’exposition. 

À noter que la comparaison entre les deux Ă©tudes de l’ANSES montre que l’exposition au cadmium dans les aliments a augmentĂ© de 400 % en France en quelques annĂ©es, pour des raisons qui restent mal expliquĂ©es. « Pour le cadmium, les rĂ©sultats soulignent la nĂ©cessitĂ© de mener des Ă©tudes complĂ©mentaires sur la contamination pour identifier les raisons des augmentations observĂ©es (produits cĂ©rĂ©aliers notamment) » indique l’ANSES.

En 2016, l’ANSES a publiĂ© les rĂ©sultats de l’Ă©tude EAT-i, qui concerne l’alimentation infantile (0 Ă  3 ans). L’Ă©tude montre que pour cette classe d’Ăąge, l’exposition maximale au cadmium est le fait d’aliments trĂšs courants comme les pommes de terre (24 %), des lĂ©gumes (18 %) et des pĂątes (10 %).

Quelle quantité de cadmium absorbe-t-on ?

Selon l’étude EAT2, l’exposition moyenne de la population française au cadmium, calculĂ©e Ă  partir des donnĂ©es de consommation des aliments, est estimĂ©e Ă  : 

  • 0,16 ÎŒg/kg de poids corporel/jour chez les adultes 
  • 0,24 ÎŒg/kg de poids corporel /jour chez les enfants (0,22-0,27) 

Autrement dit, un adulte de 65 kg consomme 10,4 ÎŒg de cadmium par jour, ou 72,8 ÎŒg par semaine.

Un enfant de 25 kg consomme 6 ÎŒg de cadmium par jour, ou 42 ÎŒg par semaine.

En 2009, l’EFSA a Ă©tabli une valeur toxicologique de rĂ©fĂ©rence (VTR) du cadmium, c’est-Ă -dire la dose Ă  partir de laquelle des effets nĂ©fastes sont possibles. Cette VTR est de 2,5 ÎŒg par kg de poids corporel par semaine.

Un adulte de 65 kg ne doit donc pas dĂ©passer 162,5 ÎŒg par semaine, et 62,5 ÎŒg pour un enfant de 25 kg.  En moyenne, les normes ne sont donc pas dĂ©passĂ©es. 

Cependant, les études EAT-2 et EAT-i, sur la base des consommations alimentaires, constatent un dépassement de la quantité de cadmium recommandée chez :

  • 0,6 % des adultes 
  • 14,9 % des enfants (3 Ă  17 ans)
  • Jusqu’à 36% chez les enfants de moins de 3 ans
    Dans le détail : 15 % des enfants de 5-6 mois, 36 % des 7-12 mois et 29% des 13-36 mois.

Pour les enfants, le risque n’est cependant pas immĂ©diat selon l’ANSES, qui indique dans EAT 2 : « le risque de survenue d’effet indĂ©sirable est considĂ©rĂ©e comme faible, dans la mesure oĂč les effets retenus pour Ă©tablir la VTR sont prĂ©coces, non spĂ©cifiques et sont observĂ©s aprĂšs une exposition de l’ordre de 50 ans » 

Le cadmium est prĂ©sent dans le chocolat. En effet, il s’accumule dans les fĂšves de cacao, puis se retrouve dans les poudres, tablettes et autres produits chocolatĂ©s[10]

Dans son numĂ©ro de septembre 2025, UFC Que choisir indique Ă  partir de ses propres analyses que la moitiĂ© de la dose journaliĂšre (VTR) peut ĂȘtre atteinte chez un enfant qui aurait consommĂ© deux biscuits au chocolat, une tasse de chocolat chaud et un bol de cĂ©rĂ©ales au chocolat de marques connues.

La quantitĂ© de cadmium ingĂ©rĂ©e dĂ©pend cependant de la provenance du cacao. Les taux de cadmium relevĂ©s sont plus Ă©levĂ©s en AmĂ©rique du sud qu’en Afrique, aussi bien dans les fĂšves que dans les produits finis[11].

Figure 2 – Concentration moyenne de contaminants inorganiques dans les tablettes de chocolat noir, le cadmium (Cd) est la derniĂšre ligne (en ÎŒg/kg). Source : Bertoldi, (2016)

Une tablette de chocolat noir standard de 100 g provenant d’AmĂ©rique du sud contient donc en moyenne 61,5 ÎŒg de cadmium, soit plus du tiers de la VTR pour un adulte de 65 kg, et prĂšs de la totalitĂ© de la VTR pour un enfant de 25 kg

À noter qu’une rĂ©glementation europĂ©enne sur les teneurs maximales de certains aliments en cadmium, Ă©tablie en 2014 et rĂ©visĂ©e en 2021, prĂ©voit des valeurs maximales selon le type de prĂ©paration chocolatĂ©e.

Cadmium et tabac

Le cadmium est prĂ©sent dans le tabac. Il est en effet absorbĂ© par la plante dans le sol, qui le transfĂšre vers ses feuilles. Des Ă©tudes observationnelles, certaines anciennes et d’autres plus rĂ©centes, concluent Ă  une quantitĂ© de cadmium de 1 Ă  2 ÎŒg dans une cigarette standard, avec des variations possibles selon le produit[12]. Cependant, la quantitĂ© rĂ©ellement inhalĂ©e reprĂ©sente 10% Ă  30% de ce chiffre selon les Ă©tudes, soit 0,1 Ă  0,6 ÎŒg par cigarette. La consommation d’un paquet de 20 cigarettes quotidiennement apporte 1 Ă  6 ÎŒg de cadmium. À noter, en revanche, que les liquides utilisĂ©s pour les cigarettes Ă©lectroniques ne semblent pas exposer leurs utilisateurs au cadmium[13].

Combien de cadmium en réalité dans nos organismes ?

Deux Ă©tudes ont permis de mesurer l’imprĂ©gnation de la population française par le cadmium : l’Étude nationale nutrition santĂ© (ENNS) menĂ©e en 2006-2007 et l’Ă©tude ESTEBAN (Étude de santĂ© sur l’environnement, la biosurveillance, l’activitĂ© physique et la nutrition), menĂ©e entre 2014 et 2016 et publiĂ©e en 2021.

L’Ă©tude Esteban a portĂ© sur 2 503 adultes et 1 104 enfants, de 6 Ă  74 ans. PrĂšs de 156 000 Ă©chantillons (sang, plasma, sĂ©rum et urines) et prĂšs de 3 000 mĂšches de cheveux ont Ă©tĂ© collectĂ©s. Le cadmium a notamment Ă©tĂ© dosĂ© dans les urines pour Ă©valuer l’exposition chronique, puisque celui-ci s’accumule en prioritĂ© dans les reins.

Chez les enfants :

L’imprĂ©gnation calculĂ©e, en moyenne, est de 0,28 ÎŒg/litre d’urine chez les enfants (6-17 ans) (Ă©quivalent Ă  0,27 ÎŒg g -1 de crĂ©atinine, un indicateur qui permet de prendre en compte la dilution plus ou moins grande de l’urine) (Figure 3). 

Figure 3 – Distribution des niveaux de cadmium urinaire (ÎŒg L-1) des enfants ĂągĂ©s de 6 Ă  17 ans en France continentale (2014-2016). La deuxiĂšme colonne (MG) est la moyenne gĂ©omĂ©trique. Source : SantĂ© Publique France

Chez les enfants, indique SantĂ© Publique France, un seul facteur de risque a Ă©tĂ© identifiĂ© pour ce qui concerne le cadmium dans les urines, qui traduit l’exposition chronique : les cĂ©rĂ©ales du petit-dĂ©jeuner.  Les enfants qui consommaient presque 20 grammes par jour (19,56 g/j) de cĂ©rĂ©ales du petit-dĂ©jeuner ont une imprĂ©gnation par le cadmium augmentĂ©e de 8,63% par rapport aux enfants qui en consomment trĂšs peu (4,07 g/j, soit une augmentation modĂ©rĂ©e. Ă€ noter qu’une Ă©tude de 2011 indique une consommation de cĂ©rĂ©ales du petit-dĂ©jeuner par les enfants potentiellement supĂ©rieure, de l’ordre de 30g +/- 16 g[14].

Chez les adultes :

L’imprĂ©gnation calculĂ©e, en moyenne, est de 0,43 ÎŒg/litre d’urine chez les adultes (Ă©quivalent 0,57 ÎŒg g -1 de crĂ©atinine). Le cadmium urinaire augmente avec l’ñge (figure 4).

Figure 4 – Distribution des niveaux de cadmium urinaire (ÎŒg L-1) des adultes ĂągĂ©s de 18 Ă  74 ans en France continentale (2014-2016). La deuxiĂšme colonne (MG) est la moyenne gĂ©omĂ©trique. Source : SantĂ© Publique France

L’ANSES a dĂ©fini en 2019 une concentration critique de cadmium urinaire de 0,5 ÎŒg de cadmium par g de crĂ©atinine Ă  ne pas dĂ©passer Ă  60 ans, au risque d’effets sur le systĂšme osseux. L’étude Esteban montre que 47%, soit prĂšs de la moitiĂ©, de la population dĂ©passe ce seuil.  

À noter que les fumeurs ont une imprĂ©gnation supĂ©rieure : le niveau d’imprĂ©gnation moyen chez les fumeurs Ă©tait de 0,54 ÎŒg /l d’urine, contre 0,45 ÎŒg/l chez les ex-fumeurs et 0,37 ÎŒg/l chez les non-fumeurs (exposĂ©s ou non au tabagisme passif). Le tabac est la premiĂšre cause d’exposition hors aliments. Les consommateurs de fruits de mer ont Ă©galement une imprĂ©gnation supĂ©rieure. Dans l’étude, l’adulte chez qui le taux de cadmium le plus Ă©levĂ© (5,24 ug/g de crĂ©atinine) a Ă©tĂ© mesurĂ© est un homme fumeur et consommateur en quantitĂ© Ă©levĂ©e de pain, riz, pĂątes et produits de la mer.  

L’étude montre Ă©galement que les femmes ont des concentrations de cadmium plus Ă©levĂ©es que les hommes. SantĂ© publique France indique que des travaux montrent que la raison principale de ces niveaux plus Ă©levĂ©s chez la femme est une absorption intestinale accrue de cadmium alimentaire associĂ©e Ă  de faibles rĂ©serves de fer.

Le constat est le mĂȘme que pour les Ă©tudes d’alimentation : l’imprĂ©gnation en cadmium entre ENNS et Esteban a augmentĂ© de 40,6 %, et l’imprĂ©gnation par le cadmium de la population française est gĂ©nĂ©ralement plus Ă©levĂ©e par rapport Ă  d’autres pays d’Europe, pour des raisons qui restent Ă  dĂ©terminer. 

Réduire la quantité de cadmium : la piste des engrais

En France, le rĂ©seau de mesure de la qualitĂ© des sols (RMQS) a Ă©tabli la teneur en cadmium ainsi qu’en d’autres Ă©lĂ©ments (plomb, cuivre, nickel
) du sol sur tout le territoire, avec une maille de 11*11 kilomĂštres soit prĂšs de 2200 points de mesure. Les rĂ©sultats ont Ă©tĂ© publiĂ©s dans le rapport GISSOL en 2011. Une deuxiĂšme campagne de mesures est en cours. 

Certains sols calcaires ou crayeux prĂ©sentent naturellement des taux de cadmium Ă©levĂ©s, qui peuvent expliquer certaines des disparitĂ©s rĂ©gionales : c’est le cas de la Champagne, Charente, du Jura ou encore du sud du Massif Central. On observe Ă©galement des teneurs plus Ă©levĂ©es en cadmium autour de certains centres industriels (Hauts-de-France) (figure 5).

Figure 5 – Teneurs en cadmium en France mĂ©tropolitaine en mg/kg. Les couleurs indiquent les roches du sous-sol. La taille des points noirs indique les taux de cadmium. Source : GIS Sol

À l’échelle europĂ©enne, l’étude LUCAS (Land Use and area frame survey) a permis d’analyser plus de 20 000 Ă©chantillons de sol (figure 6). L’analyse des rĂ©sultats montre une corrĂ©lation entre l’épandage d’engrais et la quantitĂ© de cadmium dans le sol[15].

Figure 6 – Concentration en cadmium dans le sol (en microgramme par kilo), par rĂ©gion. Source : Ballabio et al., 2024

Une source de cadmium dans le sol est en effet l’apport d’engrais phosphatĂ©s pour l’agriculture. Ces engrais sont fabriquĂ©s Ă  partir de roches extraites de gisements naturels riches en phosphates. Il peut s’agir de roches sĂ©dimentaires ou de roches ignĂ©es (issues du volcanisme). La teneur en cadmium est beaucoup plus Ă©levĂ©e dans les roches sĂ©dimentaires que dans les roches ignĂ©es (figure 7).

Figure 7 – Teneur moyenne en cadmium dans les roches extraites des principaux gisements de phosphates mondiaux (en mg/kg, colonne “average Cd”) Source : Roberts, 2014

La France importe principalement des engrais phosphatĂ©s du Maroc, ce qui pourrait expliquer l’excĂšs de cadmium.  À noter cependant que l’apport en engrais azotĂ© dĂ©croĂźt fortement depuis les annĂ©es 1970. De plus, tout le cadmium du sol ne passe pas dans la plante. Une partie est en effet emportĂ©e par les pluies vers les riviĂšres et les nappes phrĂ©atiques. La quantitĂ© de cadmium qui est effectivement transfĂ©rĂ©e du sol vers les vĂ©gĂ©taux dĂ©pend de multiples paramĂštres du sol (pH, matiĂšre organique, etc.) Pour le cas du blĂ©, des outils de prĂ©diction de la conformitĂ© des rĂ©coltes aux teneurs maximales autorisĂ©es en cadmium sont en dĂ©veloppement. 

L’Union europĂ©enne a fixĂ© le seuil maximal Ă  60 mg de cadmium (Cd) par kg de P₂O₅ dans les engrais phosphatĂ©s. En 2015, l’ANSES a recommandĂ© d’abaisser ce seuil Ă  20 mg par kg pour attĂ©nuer l’imprĂ©gnation des sols.  

Conclusion

Le cadmium est un Ă©lĂ©ment toxique qui s’accumule dans l’organisme sur le long terme avec des effets potentiels sur la santĂ©. Les Ă©tudes montrent que la population française est largement imprĂ©gnĂ©e. L’alimentation et le tabac sont les principaux facteurs de contamination. 

Pour limiter ces risques, l’ANSES et d’autres agences de sĂ©curitĂ© sanitaire dans le monde prĂ©conisent notamment de varier son alimentation, afin de limiter les aliments riches en cadmium tout en maintenant un bon Ă©quilibre nutritionnel. Il est prĂ©fĂ©rable de consommer avec modĂ©ration les aliments riches en cadmium, comme les fruits de mer ou le chocolat.

Les raisons de l’augmentation des quantitĂ©s de cadmium dans la consommation humaine entre les Ă©tudes EAT1 et EAT2, et dans l’imprĂ©gnation rĂ©elle entre les Ă©tudes ENNS et Esteban, restent Ă  Ă©claircir. Une nouvelle Ă©tude de santĂ© liĂ©e Ă  la nutrition et l’alimentation, Albane, a Ă©tĂ© lancĂ©e en 2025. Elle permettra d’actualiser les connaissances sur l’exposition aux substances chimiques, notamment au cadmium. 

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