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Avec le changement climatique, les pluies extrêmes s’intensifient et, à l’avenir, augmenteront le risque d’inondation

Posté le : 27 Nov 2024

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Malgré l’amélioration de la prévention, les inondations figurent parmi les catastrophes naturelles les plus dévastatrices. Ces évènements sont très médiatisés, et font également l’objet d’une désinformation en lien avec les effets du réchauffement climatique. Suite aux importantes inondations en Espagne en octobre 2024, un groupe de négateurs du changement climatique poste par exemple sur X : “Il y a 2 ans, l’#Espagne se vantait d’être le premier pays européen à avoir supprimé des barrages. Aujourd’hui, elle impute les #inondations au « changement climatique« . Pour d’autres, les inondations qui ont touché Valence seraient le résultat d’une manipulation délibérée du climat, comme le suggère Silvano Trotta, un propagateur de désinformation comme nous le montrions déjà en janvier 2024, dans ce post sur X : “Cette « centrale électrique » flottante a été vu du côté de Valence AVANT les inondations monstres….” Science Feedback a déjà consacré un article à ce sujet, qui démontre que cet épisode météorologique extrême (comme d’autres) n’est pas le résultat d’une manipulation humaine. Les inondations en Espagne sont la conséquence de pluies exceptionnellement fortes. Il est tombé en peu de temps plus de pluie que le sol ne pouvait en absorber. L’eau n’ayant nulle part où aller et s’accumulant sous l’effet des pluies torrentielles, des crues soudaines et dévastatrices se sont produites.

Existe-t-il un lien entre ces pluies extrêmes provoquant des inondations et le changement climatique lié aux activités humaines ? Nous explorons dans cet article les connaissances scientifiques existantes.

LA HAUSSE DES TEMPÉRATURES INTENSIFIE LE CYCLE DE L’EAU

Les gaz à effet de serre (GES) rejetés par les activités humaines provoquent une hausse des températures moyennes globales, comme nous l’expliquons dans cet article. Ce changement climatique affecte le cycle de l’eau, un processus continu et circulaire de transformation et transport de l’eau dans les différents compartiments de la planète : atmosphère, sols, végétation, océans, etc. Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) explique que « les conséquences du changement climatique sur les écosystèmes terrestres et les sociétés humaines se manifestent principalement par des modifications du cycle global de l’eau »[1].

Le principal processus physique à l’origine de ce phénomène est très bien connu des scientifiques. Les activités humaines, principalement par le rejet de GES, provoquent un réchauffement global comme l’écrit le GIEC dans son dernier rapport[2]. En moyenne à l’échelle du globe, l’atmosphère en surface s’est réchauffée de 1,1°C entre 1850-1990 et 2011-2020. Or lorsque l’air se réchauffe, il peut contenir plus d’humidité : une parcelle d’air peut contenir 6 à 7% de vapeur d’eau en plus par 1°C d’augmentation de la température[3]. « Le changement climatique a intensifié le cycle de l’eau de la planète, car le réchauffement de l’atmosphère permet de retenir davantage de vapeur d’eau. Cet effet est décrit par la relation Clausius-Clapeyron[1]”, explique à Science Feedback Ella Gilbert, chercheuse au British Antarctic Survey. C’est cette humidité qui tombe sous forme de précipitations, de sorte que l’augmentation de l’humidité atmosphérique peut entraîner une augmentation des précipitations. 

Ce processus physique explique en grande partie pourquoi le changement climatique a provoqué une augmentation mondiale des pluies extrêmes, note le Word Weather Attribution, une collaboration mondiale de climatologues. La plupart des études qui s’intéressent aux pluies extrêmes les définissent comme la quantité de précipitations maximales moyennes annuelles tombant en une journée. Certaines études adressent les pluies extrêmes comme les précipitations maximales annuelles sur une période de 5 jours.

On observe un changement du régime des précipitations extrêmes à l’échelle du globe depuis 1950. Le GIEC écrit dans son dernier rapport[4] :

La fréquence et l’intensité des précipitations extrêmes ont probablement augmenté sur une majorité des régions terrestres pour lesquelles une bonne couverture d’observation est disponible.

En particulier, le GIEC note que les fortes précipitations ont probablement augmenté en Amérique du Nord, Europe et Asie, là où les données sont plus nombreuses. Le niveau de confiance est jugé “probable” en raison du manque de données d’observations suffisantes, en particulier à des échelles géographiques et temporelles plus petites (les conclusions sont robustes à l’échelle mondiale et annuelle, et beaucoup plus incertaines aux échelles infra-journalières et régionales). “[Cette hausse de la fréquence et de l’intensité des précipitations extrêmes] ne peut être expliquée que par la hausse des concentrations atmosphériques en gaz à effet de serre causée par les activités humaines”, synthétise le GIEC[1].

Le changement climatique affecte les précipitations extrêmes à travers d’autres processus. Il influence le régime des vents, la formation, l’évolution et la trajectoire des tempêtes, les taux de condensation, etc.[1], ce qui modifie la localisation et la fréquence des pluies extrêmes. Au final, pour chaque augmentation de 1°C de la température mondiale, la probabilité de voir apparaître des phénomènes météorologiques correspondant aux précipitations les plus violentes d’aujourd’hui est doublée[5]. Quant à l’intensité des précipitations extrêmes à l’échelle mondiale, elle suit la relation de Clausius-Clapeyron : elle augmente de 7% pour chaque degré de réchauffement[4].

D’AUTRES FACTEURS QUE LES PRÉCIPITATIONS EXPLIQUENT LA SURVENUE D’INONDATIONS

Mais les inondations sont un processus complexe qui dépend de nombreux facteurs : il est important de noter qu’au stade actuel des connaissances, il est difficile de séparer l’influence de chacun d’entre eux. Tout d’abord, il existe des fluctuations naturelles du régime des vents, qui rendent certaines régions exceptionnellement humides ou sèches pendant des mois, années ou même décennies[1]. Cela affecte les précipitations extrêmes à l’origine des inondations. Il est important de noter que cela ne remet pas en cause l’intensification du cycle de l’eau par le changement climatique : l’atmosphère étant plus chaude, elle est plus chargée en humidité. Le GIEC résume[1] : “Lorsque les conditions météorologiques naturelles entraînent des pluies abondantes et prolongées dans un climat plus chaud, l’intensité est accrue par la plus grande quantité d’humidité dans l’air [en raison du réchauffement climatique d’origine anthropique].

Par ailleurs, précipitations extrêmes et inondations sont deux choses distinctes. “Les inondations sont le résultat d’une interaction complexe entre l’hydrologie, le climat et la gestion humaine, et l’importance relative de ces différents facteurs varie en fonction du type d’inondation et de la région”, explique le GIEC[4]. Par exemple, alors que des pluies intenses tombant sur une forêt peuvent s’infiltrer sans causer d’inondation, elles peuvent provoquer des inondations importantes sur des sols très secs ou urbanisés (peu perméables). L’ingénierie des rivières et des bassins versants (par la construction de barrages, de digues, etc) peut à l’inverse diminuer le risque d’inondation lors de pluies extrêmes. Les activités humaines influencent donc également directement le risque d’inondation associé aux pluies extrêmes, comme le montre la figure 1. Une augmentation des précipitations extrêmes ne se traduit pas toujours par une augmentation des inondations, par exemple lorsque des mesures de prévention des inondations sont mises en place[6,7].

Figure 1 – Une multitude de facteurs influencent la survenue des inondations. Si les pluies extrêmes augmentent le risque d’inondation, l’urbanisation, l’état des sols ou encore la pollution aux particules (qui peut retarder la pluie mais fortifier les tempêtes) peuvent aussi influencer le risque en l’augmentant ou le diminuant. Source : dernier rapport du GIEC[1].

LES ÉTUDES D’ATTRIBUTION APPORTENT UNE PREUVE SUPPLÉMENTAIRE DE L’INFLUENCE DES ACTIVITÉS HUMAINES

Malgré les incertitudes évoquées précédemment, si le GIEC estime que la majeure partie de l’intensification observée des fortes précipitations terrestres est probablement liée à l’influence des activités humaines, c’est notamment grâce aux études d’attribution. “Depuis l’avant-dernier rapport d’évaluation, nous observons une plus grande proportion de terres présentant des précipitations extrêmes accrues, ainsi qu’une plus grande probabilité d’enregistrer des records de précipitations journalières, qui ne peuvent être expliqués que lorsqu’on tient compte des gaz à effet de serre émis par les activités humaines”, écrit le GIEC[4]. Ces études d’attribution s’appuient sur des modèles numériques du climat. Les scientifiques construisent ces modèles avec ou sans influence humaine : en comparant ces différents résultats à des observations historiques des variables du climat (comme les précipitations extrêmes), ils calculent la part de l’influence humaine sur l’intensité, la fréquence ou l’impact des événements météorologiques extrêmes[8].

Ces études peuvent permettre de s’intéresser aux tendances globales mais aussi à des événements météorologiques extrêmes spécifiques. Dans cet article, Carbon Brief synthétise les études d’attribution publiées par les scientifiques. En novembre 2024, plus de 600 études sont répertoriées, couvrant presque 750 événements météo extrêmes. 178 concernent les pluies et inondations. Les conclusions de ces études montrent que plus de la moitié des pluies et inondations documentées ont été aggravées par le changement climatique, comme le montre la figure 2.

Figure 2 – Chaque point représente une étude d’attribution, il en existe 178 pour la pluie et les inondations (Rain & flooding). Plus de la moitié des études montrent une aggravation des événements par le changement climatique (en rouge). Les points bleus sont des études montrant une diminution de l’intensité ou la fréquence lorsque le changement climatique est pris en compte. En jaune, les scientifiques n’observent aucune influence du changement climatique. Source :Carbon Brief

Par exemple, une étude d’attribution publiée en 2023 dans la revue Climatic Change[9] s’est intéressée aux inondations ayant touché l’Allemagne et les pays du Benelux en juillet 2021 suite à des pluies intenses. Les scientifiques concluent qu’en raison du changement climatique, l’intensité d’un tel événement (c’est-à-dire la quantité maximale de pluie enregistrée en une journée pendant l’été) est augmentée de 3 à 19%, et la probabilité de survenue de 1,2 à 9 fois. Pour les inondations d’octobre 2024 en Espagne, les résultats sont encore préliminaires. L’analyse du World Weather Attribution a déterminé que « les fortes précipitations sur un jour, aussi intenses que celles observées, sont environ 12 % plus intenses et environ deux fois plus probables dans le climat actuel, qui est 1,3 °C plus chaud qu’il ne l’aurait été dans le climat préindustriel. » 

À L’AVENIR, LA FRÉQUENCE ET L’AMPLEUR DES INONDATIONS PLUVIALES AUGMENTERA

À l’avenir, le changement climatique va continuer à intensifier le cycle de l’eau et les retombées sur les précipitations extrêmes vont s’amplifier. Murray Scown, chercheur à l’université de Lund, précise à Science Feedback : “Les scientifiques sont convaincus que chaque réchauffement supplémentaire de 0,5°C entraînera une augmentation de l’intensité et de la fréquence des fortes précipitations.” Le GIEC conclut qu’un réchauffement de 2°C augmente l’intensité des précipitations extrêmes survenant chaque décennie de 14% et leur probabilité de 1,7 fois par rapport à un climat de référence sans influence humaine (voir figure 3).

Figure 3 – L’intensité (en bas) et la fréquence (en haut) d’un événement survenant une fois tous les 10 ans pendant la période 1850-1900 augmente à mesure que le réchauffement climatique augmente. Source : dernier rapport du GIEC[2]

À l’avenir, l’augmentation de la fréquence des précipitations extrêmes n’est pas linéaire : elle est plus importante pour les évènements les plus rares (voir figure 4). Pour un réchauffement de 4°C, à l’échelle globale, un événement décennal (tous les 10 ans) sera environ 3 fois plus fréquent, ou environ 4 fois plus fréquent pour un événement cinquantennal (survenant une fois tous les 50 ans)[4]. Notons que plus les quantités de pluies sont élevées, plus l’événement est rare.

Figure 4 – À l’avenir, les événements de précipitations extrêmes seront plus fréquents par rapport à la période 1850-1900, et ce d’autant plus que le réchauffement climatique est important. Les pluies extrêmes survenant une fois tous les 50 ans (en jaune) en 1850-1900 sont plus amplifiées par le changement climatique que celles survenant une fois tous les 10 ans (en violet). Source : dernier rapport du GIEC[4]

Et les projections climatiques sont robustes. Le dernier rapport du GIEC[4] synthétise :“Avec un degré de confiance élevé, l’augmentation prévue de l’intensité des précipitations extrêmes se traduit par une augmentation de la fréquence et de l’ampleur des inondations pluviales (liées aux eaux de surface et crues éclair), car les inondations pluviales résultent de l’intensité des précipitations qui dépasse la capacité des systèmes de drainage naturels et artificiels.”

LES NÉGATIONNISTES DU CLIMAT SIMPLIFIENT UN ÉVÉNEMENT MULTIFACTORIEL

Les inondations engendrent de nombreuses conséquences pour les populations. Elles affectent les récoltes agricoles, la santé humaine, les infrastructures, contribuent à la propagation de maladies liées à l’eau etc. Par exemple, le GIEC écrit que les inondations ont été associées à une augmentation de 22% du risque relatif de diarrhée en Chine[10]. Il est avéré que le changement climatique va à l’avenir contribuer à l’augmentation de la fréquence et l’intensité des pluies extrêmes et inondations, son atténuation (en limitant les émissions de GES) réduit ces impacts.

Si nombre de nos lecteurs recherchent des preuves scientifiques pour répondre à leur curiosité, tout le monde peut être victime de désinformation, en particulier sur des sujets complexes. Comme nous l’avons démontré dans cet article, les effets du changement climatique sur les inondations sont complexes et parfois incertains, il y a donc beaucoup de place pour la confusion. Malheureusement, c’est une cible facile pour les négationnistes du climat. Suite aux inondations dans la région de Valence en octobre 2024, de nombreuses fausses informations ont circulé. Par exemple, comme le rapporte Maldita.es, une carte de prétendus barrages démolis circule, alors que ce sont en réalité des barrages existants. Des posts sur les réseaux sociaux se basent sur cette fausse information pour affirmer que la prétendue démolition de ces barrages a provoqué les inondations, niant les retombées du changement climatique sur ces pluies extrêmes.

Ces types d’arguments ne sont pas étayés par des preuves scientifiques, mais plutôt par de fausses hypothèses. Dans le cas des inondations de Valence, l’hypothèse est que ce sont les infrastructures qui ont influencé la survenue de l’événement. Or, nous l’avons montré, les inondations sont influencées par de multiples facteurs (changement climatique, variabilité naturelle, urbanisation des sols, sécheresse du sol, etc.) et il est parfois difficile pour les scientifiques de les distinguer. Un raisonnement simpliste, imputant la cause à un seul facteur sans tenir compte des autres, ne tient pas compte du fait que notre système climatique est dynamique et complexe, en particulier à l’échelle mondiale. Malheureusement, ce type de sophisme est couramment utilisé par ceux qui diffusent des informations erronées sur le changement climatique. Pour lutter contre ce type de désinformation, posez-vous les questions suivantes :

  • Est-il possible que cet argument ou cette affirmation soit trop simple ? Pourrait-il ignorer que la science peut être complexe ?
  • Cite-t-il des sources fiables telles que des articles scientifiques évalués par des pairs ?

Si l’affirmation semble être une simplification excessive d’un sujet complexe et qu’aucune source fiable – telle que des articles évalués par des pairs – n’est citée, c’est le moment de mettre votre chapeau d’enquêteur et de chercher de meilleures informations. Si le sujet n’a pas encore été traité par Science Feedback, de nombreuses ressources fiables – telles que les rapports du GIEC et des revues scientifiques réputées dont les travaux ont été examinés par des pairs – offrent des conclusions scientifiques fondées sur des preuves qui tiennent compte des nuances de la science et de la complexité du climat de la Terre.

CONCLUSION

Les inondations pluviales sont influencées par de nombreux facteurs : les pluies extrêmes, mais aussi les fluctuations naturelles du climat, la sécheresse des sols, l’urbanisation, l’ingénierie des rivières, etc. Il reste difficile de distinguer l’impact du changement climatique sur les inondations contemporaines, en revanche les retombées du changement climatique sur les pluies extrêmes sont documentées.

L’une des principales manifestations du changement climatique est l’intensification du cycle global de l’eau. Lorsque l’air se réchauffe de 1°C, il peut contenir environ 7% plus d’humidité. On observe aujourd’hui une augmentation de la fréquence et de l’intensité des pluies extrêmes dans les régions où les mesures sont les plus fiables, et les scientifiques attribuent cette hausse à l’augmentation des gaz à effet de serre émis par les activités humaines. Les études d’attribution renforcent la confiance des scientifiques concernant le lien entre le changement climatique et les pluies extrêmes. Les projections climatiques futures sont plus robustes : plus les températures globales augmentent, plus la fréquence et l’intensité des précipitations extrêmes augmentent, et plus l’ampleur des inondations pluviales augmente. 

RÉFÉRENCES

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