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Comprendre la causalité des événements indésirables après vaccination

Posté le : 16 Juil 2021

Introduction

Que ce soit dans les actualités ou sur les réseaux sociaux, la question de l’innocuité des vaccins contre la COVID-19 est omniprésente. En effet, la sécurité des vaccins fait l’objet d’une surveillance continue des autorités de santé, des chercheurs, et du public, en particulier en ce qui concerne les effets indésirables. 

Si la vigilance et l’information sur les risques possibles est cruciale, le débat autour de ce sujet a de nombreuses fois été instrumentalisé par divers acteurs des mouvements anti-vaccins, comme ont pu le documenter certains chercheurs[1]

Mener une discussion transparente, objective et rigoureuse à ce sujet s’est donc avéré difficile pour les médias et pour les experts en santé publique. Alors que de nombreux médias prenaient soin de ne pas imputer aux vaccins la survenue d’événements indésirables sans preuve, d’autres ont systématiquement mis en avant ces mêmes événements. Ils leur ont conféré ainsi une importance disproportionnée, suggérant que les vaccins en étaient la cause. 

Avant de continuer, il convient de mieux définir le terme “événement indésirable”, qui est parfois méconnu. Les expressions “événements indésirables”, “effets indésirables” ou « effets secondaires” sont souvent utilisées de manière interchangeable. Elles désignent pourtant des réalités bien distinctes dans le contexte de la santé publique

Le terme “événement indésirable” décrit un événement non souhaité qui peut affecter la santé d’une personne. Un événement indésirable peut se produire quelques temps après une exposition médicamenteuse, comme une vaccination, sans pour autant avoir été causé par celle-ci. Par exemple, une jambe cassée lors d’un accident de voiture survenu peu après une vaccination sera considérée comme un événement indésirable, mais la cause de la jambe cassée n’est évidemment pas la vaccination. 

En revanche, lorsque la responsabilité du vaccin a été démontrée, on ne parlera plus d’événement indésirable mais bien “d’effets indésirables” ou “effets secondaires”. Par exemple, certains vaccins peuvent contenir des protéines d’œuf qui déclenchent des réactions chez certaines personnes allergiques à l’œuf. Ces réactions allergiques sont considérées comme des effets secondaires car elles sont une conséquence directe de la présence de protéine d’œuf dans le vaccin. 

Par conséquent: comment peut-on déterminer si un événement indésirable est causé par un vaccin? Etant donné que les problèmes de santé tel que les inflammations du myocarde ou les caillots sanguins existaient bien avant l’existence des vaccins contre la COVID-19, comment les chercheurs peuvent-ils distinguer les véritables effets secondaires du vaccin des événements indésirables qui se produisent par malchance ou coïncidence ?

Une première étape: déterminer l’association

Pour établir une association causale entre un vaccin et un événement indésirable, il convient d’abord, en toute logique, de mettre en évidence une association entre les deux, puis, dans un second temps, d’en démontrer la nature causale. Pour cette raison, il est important de commencer par déterminer, si le vaccin est en effet associé à un événement indésirable. Et ce, avant de tenter d’en inférer la causalité. 

Pour mettre en lumière une association entre vaccin et événement indésirable, on peut faire appel à des outils statistiques. Si il s’avère que deux variables, par exemple le nombre de vaccination et l’incidence d’un événement indésirable, semblent être reliées entre elles d’une manière probablement non due à la simple chance (voir Figure 1), on pourra alors conclure à l’existence d’une association—qu’elle soit causale ou non. 

Figure 1. Diagrammes de dispersion montrant comment la présence ou l’absence d’association entre deux variables peut être observée graphiquement. Image tirée de ce document de l’Université d’Auckland.

Cependant, afin de suggérer une association entre le vaccin et un événement indésirable, il n’est pas suffisant de pointer du doigt le nombre d’événements qui se sont produits. Par exemple, il ne suffit pas d’observer des décès chez les personnes vaccinées pour conclure à une association. 

En effet, tout le monde, y compris les personnes vaccinées, meurent, pour de multiples raisons. Ainsi, plus une population donnée augmente en taille, plus le nombre de morts recensés sera important. Par conséquent, étant donné la grande taille de la population vaccinée, il est normal d’observer des décès ou des problèmes de santé dans cette population. Le chimiste Derek Lowe illustre ce phénomène dans un billet pour Science Translational Medicine

“Il s’agit de traiter des populations très larges, ce qui signifie que nous allons constater les même taux de mortalité et de morbidité que l’on voit dans les échantillons de grande taille. Par exemple, si vous prenez une population de 10 millions de personnes, et que vous frottez leurs avant-bras avec la main, vous pouvez vous attendre à observer 4000 crises cardiaques, 4000 AVC, plus de 9000 nouveaux cancers. Environ 14000 personnes de ces 10 millions de personnes vont mourir, toutes causes confondues. Personne ne le remarque, car c’est le nombre de personnes qui tombent malades et meurent en général.

Mais si vous prenez ces 10 millions de personnes, et que vous leur donnez un nouveau vaccin à la place des gestes de la main, il est fort probable que l’on commencera à attribuer au vaccin la responsabilité de ces crises cardiaques, cancers et morts. Ce que je veux dire, c’est que, si vous atteignez une population suffisamment grande, vous aurez vraiment des cas de personnes qui se font vacciner et qui tombent raides mortes le jour suivant (ce qui leur serait arrivé de toute façon si elles n’avaient pas reçu le vaccin). En revanche, il sera peut-être difficile de convaincre les proches de ces personnes de l’absence de responsabilité du vaccin. Post hoc ergo propter hoc est une des failles les plus puissantes de la logique humaine, et on ne risque pas de s’en débarrasser sous peu.“

Ce phénomène est aussi exprimé dans un article du site spécialisé dans la santé et la biomédecine STAT:

“Chaque jour, des gens meurent. Ces gens-là ont été victimes d’AVC ou de crises cardiaques, par exemple. On estime que chaque jour aux Etats-Unis, en moyenne, 110 personnes développent une paralysie faciale de Bell, et 274 autres un syndrome de Guillain-Barré, une forme de paralysie qui tend à se résorber avec le temps. La cause de ces événements n’est généralement pas connue. Mais lorsqu’ils surviennent peu de temps après une vaccination – surtout un nouveau type de vaccin – certaines conclusions seront immanquablement tirées. […]

Les crises cardiaques ont lieu en majorité le matin, cependant personne n’irait blâmer le petit déjeuner pour ça. Mais la crise cardiaque le matin après une vaccination contre la COVID-19? Ce serait une tout autre histoire.“ 

Autrement dit, ces événements indésirables se produisent déjà, de manière naturelle et à une fréquence donnée, dans la population non-vaccinée. Il est donc normal de les observer aussi dans la population vaccinée. Et plus cette population augmente, plus le nombre d’événements recensés augmentera. 

C’est pourquoi de nombreuses assertions sur la dangerosité des vaccins nous induisent en erreur (par exemple ici, et ici), car elles sont fondées uniquement sur la mortalité post-vaccination et ne prennent pas en compte la taille de la population ou la fréquence à laquelle ces événements indésirables se produisent d’habitude. 

Comme exemple d’un tel raisonnement fallacieux, nous pouvons citer le présentateur de la chaîne américaine Fox News, Tucker Carlson, qui a affirmé en mai 2021 que plus de 3000 personnes étaient mortes après avoir reçu le vaccin contre la COVID-19, suggérant que le vaccin était lié à leur décès. Un tel nombre peut sembler préoccupant, tant qu’on ne prend pas en compte le fait qu’à cette époque plus de 157 millions de personnes avaient reçu au moins une dose de vaccin aux Etats-Unis. Dans ce contexte, ce nombre ne correspond pas à une surmortalité des personnes vaccinées et ne suggère plus que les vaccins soient dangereux ou qu’ils soient à l’origine de ces décès.

Pour mettre en évidence une association il faut, au contraire, procéder de la manière suivante:

  1. Déterminer quelle proportion de la population vaccinée a été confrontée à cet événement indésirable. Utiliser cette proportion plutôt que le nombre absolu est crucial, étant donné que le nombre de problèmes médicaux non liés aux vaccins est amené à augmenter mécaniquement lorsqu’on augmente la taille de la population étudiée. Comme expliqué plus haut, 3000 morts peut sembler énorme, jusqu’à ce qu’on prenne en considération le nombre de personnes vaccinées: plus de 157 millions.
  2. Déterminer si cette proportion est plus élevée dans la population vaccinée que dans la population non-vaccinée ou que dans la population générale avant vaccination.

C’est ainsi que l’explique l’OMS dans son manuel “Détermination de la causalité des événements indésirables suivant l’immunisation” : 

“Il est important de prendre en considération la fréquence à laquelle se produit habituellement un événement indésirable donné et, une fois la population vaccinée, de déterminer si la fréquence de cet événement qui est observée dépasse sa fréquence habituelle.” 

Les chercheurs et les autorités de santé publique ont régulièrement conduit de telles études en cas d’événements indésirables sérieux comme les décès. Lors des essais cliniques des vaccins Pfizer-BioNTech and Moderna, leurs investigations ont montré que la proportion de décès n’était pas plus élevée dans le groupe des vaccinés par rapport au groupe des non vaccinés. 

Le rapport de la FDA au sujet du vaccin COVID-19 de Pfizer-BioNTech explique:

“Au total, six personnes (deux dans le groupe vacciné, quatre dans le groupe placebo) sur 43,448 participants (0.01%) sont mortes durant la période du 29 avril 2020 (première visite du premier participant) au 14 novembre 2020 (date de fin) […]. Tous les décès correspondent à des événements qui ont lieu aux mêmes âges dans la population générale , avec la même fréquence.” 

De même, le rapport de la FDA au sujet du vaccin COVID-19 de Moderna explique:

“Jusqu’au 3 décembre 2020, 13 décès ont été rapportés (6 chez les vaccinés, 7 chez les placebos) […]. Ces décès correspondent à des événements et des fréquences qui ont lieu aux mêmes âges dans la population générale”. 

Les décès chez les pensionnaires de maisons de retraite, qui furent parmi les premiers à recevoir le vaccin contre la COVID-19 en raison de leur grande vulnérabilité à cette maladie, ont été largement commentés dans la presse et sur les réseaux sociaux. La préoccupation au sujet de ces décès a amené le comité consultatif général sur la sécurité vaccinale (GACVS) à analyser ces rapports. Le GACVS est un organe scientifique consultatif auprès de l’OMS, sans en faire partie, qui vise à “fournir un avis scientifique fiable et indépendant sur les questions de sécurité vaccinale”. 

Après analyse des décès, le GACVS a publié le 22 Janvier 2021 le communiqué suivant:

“Suite à une analyse scientifique approfondie des informations rendues disponibles, le sous-comité a conclu que les rapports actuels ne suggèrent ni une augmentation inattendue ou préoccupante du nombre de décès parmi les personnes fragiles et âgées, ni une quelconque caractéristique inhabituelle des événements indésirables suite à l’administration du BNT162b2. Les rapports sont cohérents avec les causes de mortalité et les taux de mortalité toute-cause attendus au sein de la population des personnes âgées fragiles. Les informations disponibles ne confirment pas un rôle des vaccins dans les décès rapportés”. 

Autrement dit, ces décès ont lieu à la même fréquence que dans la population non vaccinée. Si l’affirmation que les vaccins contre la COVID-19 causent de nombreux décès avait été vraie, on aurait vu le taux de mortalité dans les populations vaccinées dépasser celui des populations non vaccinées. Etant donné que ce n’est pas le cas, ces rapports ne constituent pas un argument valide pour démontrer que les vaccins sont à l’origine de ces décès. 

Après l’association, la causalité

Il est important de garder à l’esprit que la détermination statistique d’une association entre deux observations ne démontre pas l’existence d’une relation causale. Observer que le nombre de morts et le nombre de vaccins administrés sont tous deux en augmentation n’est pas suffisant pour conclure à une relation de cause à effet entre les deux. 

L’idée qu’un événement est la conséquence d’un autre événement survenu peu de temps auparavant n’est pas absurde en soi. En fait, la temporalité est un des éléments clés de la notion de causalité: les causes précèdent dans le temps les effets. D’ailleurs, cette notion sous-tend l’effort des autorités de santé à collecter les informations relatives aux événements indésirables survenant après les vaccinations. Plusieurs banques de données d’événements indésirables sont facilement accessibles sur Internet. On peut citer notamment VAERS (Vaccine Adverse Events Reporting System) aux Etats-Unis, Eudravigilance en Europe, et le Yellow Card Scheme au Royaume-Uni. 

La mise en place d’un tel système de surveillance vise à détecter de manière précoce les problèmes sanitaires éventuels. Par exemple, si un événement indésirable précis, comme les chocs anaphylactiques ou la formation de caillots sanguins, se produit en nombre anormalement élevé après vaccination, les autorités de santé pourront alors le détecter et mener une étude plus approfondie pour déterminer si les vaccins en sont la cause.

Cependant, un problème émerge lorsque l’on se fonde uniquement sur la temporalité pour établir la causalité. En effet, si nous comptions uniquement sur la succession temporelle des événements, nous pourrions conclure que c’est le chant du coq qui cause le lever du soleil, étant donné que les coqs sont réputés pour chanter à l’aube. Ce raisonnement fallacieux est connu en latin sous l’appellation post hoc ergo propter hoc: “après cela, donc à cause de cela” (plusieurs exemples humoristiques peuvent être consultés ici). 

La majorité d’entre nous serait prompte à écarter l’idée que les coqs sont effectivement la cause du lever de soleil, mais ce raisonnement est le même que celui qui amène certaines personnes à affirmer que les vaccins contre la COVID-19 sont dangereux, en se fondant uniquement sur les rapports d’événements indésirables. Health Feedback a mis en lumière cette faille logique dans le cadre du mésusage de la base de données américaine d’événements indésirables VAERS (voir ici, ici et ici). 

Le mésusage des rapports d’événements indésirables n’est pas nouveau. Les acteurs opposés aux vaccins utilisent cette tactique depuis de nombreuses années, ainsi que l’a noté Vaxopedia, un site créé par le pédiatre Vincent Iannelli visant l’éducation des parents au sujet de la vaccination. Mais la pandémie de COVID-19 a transformé les bases de données telles que VAERS en terreau fertile de la désinformation, comme décrit dans un article du Poynter Institute. 

Les rapports de ces bases de données, ainsi que la divulgation sur les réseaux sociaux d’événements indésirables anecdotiques et non vérifiés survenus suite à la vaccination, ont servi de base à une grande partie de la désinformation vaccinale. EUvsDisinfo a aussi montré que ces mêmes rapports ont été instrumentalisés par des campagnes de désinformation parties de Chine ou de Russie, afin d’ébranler la confiance dans les vaccins développés dans les pays occidentaux.

Donc, si la seule temporalité n’est pas suffisante, comment la question de la causalité peut-elle être appréhendée? 

Des chercheurs se sont eux-même posé cette question. En 1965, Austin Bradford Hill, un épidémiologiste britannique, a traité le sujet dans son discours à la Royal Society of Medicine, intitulé “l’environnement et la maladie: association ou causalité?”[2].

Dans ce discours, il établit un cadre conceptuel comportant neuf aspects, que Bradford Hill appelle “points de vue”, qui doivent être considérés lorsque l’on tente d’établir la causalité. On y retrouve par exemple, outre la temporalité, la récurrence et la spécificité de l’association entre une observation et sa cause putative. 

Bradford Hill pensait qu’il n’était pas possible de faire appel à “une série de règles simples et rigides qui devraient être toutes respectées pour que l’on puisse accepter une cause et un effet”. Mais il pensait qu’il y avait de nombreuses approches à la question de la causalité, à partir desquelles il était possible de déterminer l’association causale avec un certain degré de certitude.

“Aucun de mes neuf points de vues ne peut apporter une preuve indiscutable pour ou contre l’hypothèse de causalité, et aucun ne peut être considéré comme sine qua non. Ce qu’ils peuvent faire, avec plus ou moins de force, c’est nous aider à nous forger un avis sur cette question fondamentale: y’a-t-il une autre manière d’expliquer la conjonction de faits observés ? Y a-t-il au moins une autre possibilité, au moins aussi plausible que l’hypothèse de relation de cause à effet?”

Ses “points de vue” sont aujourd’hui généralement acceptés par les scientifiques comme des critères utiles à prendre en compte lors de la détermination d’une relation causale. Pour comprendre comment les “points de vue” de Bradford Hill peuvent s’appliquer à la sécurité des vaccins, il est possible de se référer à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), qui applique ces critères à l’analyse des événements indésirables suite à la vaccination.

“Plusieurs critères sont pertinents dans la détermination de la causalité, mais seulement le premier critère est absolument essentiel”:

  1. Relation temporelle: l’exposition au vaccin doit précéder la survenue de l’événement indésirable. 
  2. Force de l’association: l’association entre exposition au vaccin et l’événement indésirable doit être statistiquement significative pour démontrer qu’elle n’est pas simplement dû au hasard. 
  3. Relation de dose-réponse: le fait qu’augmenter l’exposition au vaccin puisse augmenter le risque de survenue de l’événement indésirable supporte l’hypothèse d’une relation causale. Il convient cependant de garder à l’esprit que, dans le cadre de la vaccination, la fréquence et la dose de l’exposition sont généralement fixes. 
  4. Cohérence des preuves: des résultats identiques ou similaires obtenus à partir d’expériences faisant appel à des méthodologies différentes supportent l’hypothèse de causalité. 
  5. Spécificité: le vaccin doit être la seule cause démontrable pour cet événement indésirable.
  6. Plausibilité: l’association entre le vaccin et l’événement indésirable doit être plausible et cohérente avec l’état actuel des connaissances biologiques et cliniques sur le vaccin et sur l’événement.  

Des événement indésirables post-vaccination ont-ils été formellement associés au vaccin de manière causale?

Plusieurs exemples montrent que l’approche mentionnée plus haut peut être utilisée pour identifier des événements secondaires qui sont maintenant considérés comme étant causés ou probablement causés par les vaccins. 

Un exemple marquant sont les cas, rares, de caillots sanguins suite à la vaccination par les vaccins COVID-19 à vecteurs viraux, comme ceux de AstraZeneca-Oxford et Johnson&Johnson. Plusieurs cas ont été recensés aux Etats-Unis et en Europe. Les scientifiques les dénomment “thrombose avec thrombocytopenie” (en anglais, thrombosis with thrombocytopenia syndrom, ou TTS). Une thrombose désigne la formation de caillots sanguins, et la thrombocytopénie fait référence à une quantité anormalement basse de plaquettes dans le sang. Les plaquettes, ou thrombocytes, étant un type de cellules sanguines favorisant la coagulation du sang. 

L’analyse des cas de thrombose avec thrombocytopénie par les autorités de santé a déterminé qu’une relation causale entre les vaccins et les TTS était probable, bien que non prouvée. 

Par exemple, l’agence de santé européenne, l’EMA (European Medicines Agency) a déclaré le 7 avril 2021 qu’il y avait “un lien possible entre de très rares cas de caillots sanguins atypiques, caractérisés par un faible taux de plaquettes” et le vaccin AstraZeneca-Oxford.

Une comparaison de la fréquence d’apparition de ces thromboses chez les populations vaccinées et non vaccinées explique la conclusion de l’EMA. Un article de Raina McIntyre, professeur à l’université de Nouvelle-Galles du Sud spécialiste des maladies infectieuses émergentes, discute les cas de thrombose du sinus veineux cérébral (CVST, selon la dénomination en anglais), qui est une des formes des TTS[3].

“Le taux de CVST rapporté en Allemagne était de 31 pour 2.7 millions de vaccinations, ce qui donne un taux de 11.5 par million, comparé au taux rapporté dans la population en général de 3 à 5 par million. Autrement dit, les CVST se produisent 2.2 à 3.8 fois plus dans la population vaccinée que dans la population générale”. 

Le 19 mai 2021, le GACVS a publié un communiqué au sujet du vaccin Johnson & Johnson allant dans le même sens: 

“Les éléments actuels suggèrent un lien causal possible entre le vaccin COVID-19 de Johnson & Johnson et les TTS”. 

L’agence de veille sanitaire américaine, les Centres pour le Contrôle et la prévention des maladies (CDC, Centers for Disease Control and Prevention), ont également déclaré:

“De récents rapports indiquent une relation causale plausible entre le vaccin COVID-19 Johnson & Johnson/Janssen et certains événements indésirables rares et sévères (caillots sanguins accompagnés d’un faible taux de plaquettes) qui ont entraîné la mort”. 

Ce communiqué est fondé sur des investigations internes du CDC, comme ce rapport du 14 avril 2021 provenant du groupe de travail sur les vaccins COVID-19:

“La fréquence des cas observés suite à la vaccination par le vaccin Janssen semble excéder (de trois fois ou plus) ce qui aurait été attendu en considérant le taux de CVST habituellement observé chez les femmes âgées de 20 à 50 ans.”

Autrement dit, on peut observer un plus fort taux de caillots sanguins chez les personnes vaccinées que chez les personnes non vaccinées, ce qui est une bonne indication d’une possible causalité. 

L’article de McIntyre mentionné plus haut interprète ces événements à la lumière du cadre proposé par Bradford Hill. Selon elle, les données disponibles sur la TTS satisfont plusieurs critères de Bradford Hill, comme la force d’association, la cohérence, la spécificité, la temporalité et la plausibilité biologique. Tout ceci l’amène à conclure: “l’application des critères modifiés de Bradford Hill aux thromboses avec thrombocytopénie observées suite à la vaccination avec CHADOX1 suggère fortement une relation causale”. 

Bien que la quantité d’éléments indiquant une relation causale entre TTS et les vaccins COVID-19 à vecteur viral augmente, plus de recherches sont encore nécessaires. Par exemple, on ne sait toujours pas comment les vaccins causent les TTS. Le savoir renforcerait la démonstration du lien causal et permettrait également de traiter ou prévenir ces cas, renforçant ainsi la sécurité de ces vaccins. Dans ce sens, Anne Schuchat, directeur adjoint du CDC, a déclaré que la pause dans la distribution du vaccin Johnson & Johnson avait en partie pour but de “préparer le système de santé à reconnaître et traiter ces patients de manière appropriée”.

Conclusion

Recenser les événements indésirables observés après la vaccination est crucial. Cela permet en effet aux autorités de santé de détecter rapidement un problème potentiel. Elles peuvent alors lancer une analyse approfondie des cas rapportés et établir les causes de ces événements indésirables. 

La temporalité est un aspect essentiel de la relation de cause à effet, mais en faire l’unique critère de causalité mène à des erreurs logiques et peut servir de fondement à une forme répandue de désinformation sur les vaccins. Pour cette raison, il est important de prendre en compte plusieurs autres aspects.

S’assurer que l’analyse des données prend en compte l’ensemble du contexte, comme par exemple la fréquence habituelle d’un problème de santé dans la population générale, ou la taille de la population analysée, peut nous aider à déterminer s’il convient en effet de se préoccuper ou si les doutes exprimés sont infondés. 

La compréhension du monde évolue constamment en fonction des nouvelles informations, et nos connaissances sur les vaccins ne font pas exception. Il est possible que plus d’informations sur les mécanismes d’interaction avec l’organisme soient disponibles dans le futur et que de nouveaux effets secondaires soient mis en lumière avec le temps. Cependant, cela ne saurait justifier d’ignorer le poids considérable des preuves déjà disponibles qui démontrent la balance risque/bénéfice favorable des vaccins. Comme Bradford Hill écrivait: 

“Toute œuvre scientifique est incomplète, qu’elle soit observationnelle ou expérimentale. Toute œuvre scientifique est susceptible d’être renversée ou modifiée par de nouvelles connaissances. Cela ne nous donne pour autant pas la liberté d’ignorer les connaissances que nous possédons d’ores et déjà, ou de retarder les actions qu’elles nous dictent”.

Reférences

  1. Broniatowski et al. (2018) Weaponized Health Communication: Twitter Bots and Russian Trolls Amplify the Vaccine Debate. American Journal of Public Health.
  2. Bradford Hill (1965) The Environment and Disease: Association or Causation? Proceedings of the Royal Society of Medicine.
  3. MacIntyre C. (2021) Using the Bradford-Hill criteria to assess causality in the association between CHADOX1 NCOV-19 vaccine and thrombotic immune thrombocytopenia. Global Biosecurity.

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