• Santé

Qualités nutritionnelles, alternatives végétales, risques d’une consommation excessive : ce qu’il faut savoir sur la viande rouge

Posté le : 4 Juin 2025

Viande rouge
Viande rouge – photo Lucas Budimaier CC

Selon l’Organisation pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), la consommation mondiale de viande pourrait augmenter jusqu’à 50% d’ici à 2050, du fait de l’augmentation de la population. Dans le même temps, cette consommation marque le pas dans les pays développés. 

En cause, des préoccupations liées à la santé : la viande, surtout la viande rouge, est associée à des pathologies telles que cancers et maladies cardiovasculaires. De plus, l’impact environnemental de la production de viande est pointé du doigt  : émissions de gaz à effet de serre, utilisation de terres agricoles et d’eau pour produire la nourriture du bétail notamment.

Manger ou pas de la viande rouge est devenu un débat idéologique. Dans certains médias, la consommation de viande rouge n’est justifiée qu’en fonction de ses bénéfices, sans s’interroger sur ses inconvénients potentiels. 

Du point de vue nutritionnel, la viande est une source de protéines et nutriments de qualité. Quelles sont les conséquences sur la santé de sa consommation excessive ? Peut-on la remplacer par un régime végétal ? Qu’en-est-il de la viande transformée (charcuterie notamment) ?

À RETENIR :

  • La viande rouge se caractérise par une teneur élevée en fer. Elle inclut le bœuf (et le veau), le mouton (et l’agneau) et le porc. La volaille n’en fait pas partie.
  • Elle est riche en protéines, en fer et en nutriments, elle contient les neuf acides aminés essentiels. À quantité égale, les végétaux contiennent moins de protéines et de certains nutriments, et ne fournissent pas tous les acides aminés essentiels. Cependant, les besoins varient selon l’âge et l’activité.
  • La viande rouge présente une association faible mais pas nulle avec le risque de pathologies telles que cancers et maladies cardiovasculaires. Elle est classée « probablement cancérigène pour l’homme ».
  • La viande transformée (séchée, salée, fumée…) présente une association forte avec le avec le risque de pathologies telles que cancers et maladies cardiovasculaires. Elle est classée « cancérigène pour l’homme ».

Qu’appelle-t-on “viande rouge” ?

La « viande rouge » est ainsi désignée du fait de sa couleur rouge sombre due à une protéine, la myoglobine, qui contient du fer. Elle est communément synonyme de bœuf.

Cependant, selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans un récent rapport, et dans de nombreuses études de nutrition, la viande rouge inclut : bœuf, porc, mouton (et cheval, chèvre, chameau, dans certains pays).

Le porc est bien considéré comme une viande rouge malgré son aspect plus clair : il contient en effet davantage de myoglobine (et donc de fer) que le poulet ou le poisson. Le veau est également considéré comme une viande rouge.

Quelle est la valeur nutritionnelle de la viande rouge ?

La viande rouge comme source de protéines

Un apport suffisant de protéines est indispensable pour la croissance et le bon fonctionnement de l’organisme. Les protéines de l’alimentation, d’origine animale ou végétale, fournissent des acides aminés, nécessaires à de très nombreux mécanismes de l’organisme, dont la synthèse de ses propres protéines. Celles-ci constituent les muscles, la peau et les os, et participent à de très nombreux mécanismes physiologiques (certaines hormones, les enzymes, les anticorps sont des protéines)[1].

Cent grammes de viande rouge contiennent 20 à 40 grammes de protéines (figure 1). En comparaison, l’alimentation végétale est moins riche. Cependant, des “analogues de viande” fabriqués à partir de plusieurs produits végétaux peuvent atteindre des concentrations en protéines similaires à certaines viandes.

Figure 1 – Source : Cayot, P. [2] d’après les données du Ciqual, version 2017 (https://ciqual.anses.fr) et le FoodDataCentral de l’USDA (U.S. Department of Agriculture https://fdc.nal.usda.gov/)
Viandes de bœuf en rouge (1 joue braisée ; 2 pot-au-feu, 3 faux-filet poêlée, 4 Steak haché cuit, 5 Boulettes de viande cuites), viandes de porc en rose (6 rouelle cuite, 7 jambon sec, 8 épaule, 9 saucisson sec, 10 jambon blanc cuit découenné), viandes de volaille en orange (11 confit de canard (viande sans peau), 12 filet de poulet cuit, 13 escalope de dinde cuite, 14 magret de canard fumé, 15 jambon de poulet), poissons en bleu foncé (16 thon blanc au naturel appertisé, 17 saumon poêlé, 18 lieu noir cuit, 19 poisson pané frit, 20 moules marinières), produits laitiers en bleu pâle (21 parmesan, 22 emmental, 23 comté, 24 camembert, 25 pâte à tartiner laitière), légumineuses en vert (26 tempeh, 27 lentilles vertes cuites, 28 tofu nature, 29 Pois chiche cuit / falafel / houmous, 30 haricots rouges appertisés), céréales en jaune (31 seitan (boulette de gluten), 32 pâtes au blé dur cuites à l’eau, 33 galette de maïs prête-à-réchauffer (tortilla de maïs), 34 semoule de blé dur cuite (couscous), 35 riz blanc cuit), enfin analogues enfin analogues viandes (36 émincés au soja façon aiguillette, 37 boulette végétarienne, 38 steak soja et blé, 39 saucisse, 40 pâté végétal Noix Cajou-tofu).

La viande rouge est de plus une source de protéines de « haute qualité ». La qualité d’une protéine est notamment sa capacité à fournir les 9 acides aminés dits “essentiels” : 

  • Histidine
  • Isoleucine
  • Leucine
  • Lysine
  • Méthionine
  • Phénylalanine
  • Thréonine
  • Tryptophane
  • Valine

Ils sont ainsi appelés car notre organisme n’est pas capable de les synthétiser. Ils doivent donc être apportés par l’alimentation.

De plus, les protéines de la viande rouge sont plus « digestibles » que celles des végétaux. Cela signifie qu’elles sont plus aptes à être dégradées en acides aminés qui seront directement absorbés par l’organisme.

Une étude évalue à 75 à 99% la digestibilité des protéines animales, contre 60 à 90% pour les protéines végétales[1].  Enfin, il manque aux végétaux certains acides aminés essentiels (méthionine pour soja et pois, lysine pour le riz et le blé).

La viande rouge comme source de fer

Le fer apporté par l’alimentation est nécessaire au transport de l’oxygène par les globules rouges dans tout l’organisme, ainsi qu’au bon fonctionnement des muscles et à nombre de réactions chimiques dans les cellules.

La viande rouge contient du fer dit « héminique » (car associé à une forme de protéine nommée hème). On ne trouve ce type de fer que chez les animaux. Elle contient aussi du fer « non héminique » (non associé à une protéine)[3] Les végétaux contiennent aussi du fer, mais en moindre quantité que la viande (Figure 2), et seulement du type non-héminique. Ce dernier est moins bien absorbé par l’organisme (à hauteur de 1 à 10%) que le fer héminique de la viande (à hauteur de 20 à 30%)[4]

Figure 2 – Teneur en fer des différents aliments, animaux (en rouge) et végétaux (en vert). Source : Cayot, P. [5] d’après les données du Ciqual, version 2020 (https://ciqual.anses.fr) et le FoodData Central de l’USDA (U.S. Department of Agriculture https://fdc.nal.usda.gov/) version 2020.

La viande rouge source de micronutriments

Outre le fer, la viande rouge apporte des “micronutriments” (éléments absorbés par l’organisme en très petite quantité, mais indispensables) tels que des vitamines. En particulier la vitamine B12, très importante pour la fabrication des globules rouges, le développement du système nerveux et la synthèse de l’ADN. 

Chez les animaux, la vitamine B12 est apportée par des bactéries présentes dans leur système digestif. Les végétaux sont dépourvus de vitamine B12[6]

Une revue systématique (revue de nombreuses publications scientifiques en tenant compte de leurs biais), réalisée par N. Neufingerl et A. Eilander, deux scientifiques d’Unilever (firme productrice, entre autres, de compléments alimentaires), a examiné l’apport en vitamine B12 chez les végétariens et les végétaliens. Il apparaît que l’apport moyen en vitamine B12 est plus élevé chez les mangeurs de viande (5,6 µg/jour) par rapport aux végétariens (2,1 µg/jour) et aux végétaliens (1,5 µg/jour) (µg : millionième de gramme). L’apport en vitamine B12 des végétaliens est inférieur au besoin moyen estimé de 2,0 µg/jour. Dans les quelques études qui ont pris en compte l’apport de vitamine B12 par la nourriture mais aussi par des compléments alimentaires, l’apport de vitamine B12 est supérieur au besoin moyen estimé, sauf pour les végétaliens.[7] 

Des besoins différents à chaque étape de la vie

Les besoins en protéines, fer, vitamines et autres micronutriments sont différents selon les étapes de la vie et la consommation de viande rouge peut être adaptée selon ces besoins.  En particulier :

  • Enfants et adolescents : besoins accrus en protéines et en fer pour soutenir la croissance.
  • Femmes en âge de procréer : besoins accrus en fer en raison des menstruations et de la grossesse.
  • Personnes âgées : besoins accrus en protéines pour prévenir la sarcopénie (diminution de la masse et de la force musculaire).

Par exemple, le besoin en fer est supérieur chez les adolescents des deux sexes, les femmes en âge de procréer, les femmes enceintes (figure 3).

Figure 3 – Apports journaliers adéquats en fer (en mg). Pour les nourrissons, il s’agit d’un apport adéquat estimé à partir de celui des enfants nourris au sein. Pregnancy : grossesse. Lactation : allaitement. Source : NIH

Peut-on remplacer la viande rouge par une alimentation végétale ?

Il existe de nombreuses options pour diminuer ou remplacer sa consommation de viande rouge : régime flexitarien (consommation occasionnelle de viande), végétarien avec différentes options (avec laitages et/ou œufs) ou végétalien (exclusion de tout aliment d’origine animale)…

La revue systématique de Neufinger et Eilander, qui fait la synthèse de nombreux travaux,  résume les avantages et inconvénients de ces régimes en terme d’apports de protéines et micronutriments (figure 4)[7]

Figure 4 – apports nutritionnels comparés des régimes végétaliens, végétariens et carnés.
Source : Neufingerl & Eilander [7] – colonne du centre : risque de carence ; colonne de droite : apport important – EPA : acide eicosapentaénoïque (Oméga 3), DHA : acide docosahexaénoïque (Oméga 3),
ALA : acide α-linolénique (Oméga 3), PUFA : acides gras polyinsaturés.

Il apparaît que les régimes végétariens et végétaliens présentent des risques de déficit en certains acides gras de type Oméga 3 (EPA, DHA), importants pour les fonctions cardiaques et cérébrales et la pression artérielle. On constate également un déficit en fer chez les femmes, ainsi qu’en calcium, iode et en vitamines B12, D et E plus marqué chez les végétaliens. 

En revanche, les apports en fibres, en certains acides gras polyinsaturés bénéfiques (PUFA) contenus notamment dans les huiles végétales, en folates (qui jouent un rôle dans la synthèse de l’ADN), en vitamines C et E et en magnésium sont plus élevés chez les végétaliens. 

Les mangeurs de viande présentent quant à eux un risque d’apports insuffisants en fibres, PUFA, acide α-linolénique (ALA), folates, vitamines D et E, calcium et magnésium.

Une autre équipe a étudié spécifiquement le régime végétalien en réalisant une revue systématique qui synthétise les résultats de 48 études scientifiques publiées entre 1987 et 2020, qui représentent un échantillon total de plus de 12000 personnes végétaliennes[8].

Il apparaît que l’apport en protéines du régime végétalien est globalement légèrement inférieur à celui des autres régimes, mais les besoins varient selon de nombreux paramètres dont le sexe, l’âge et l’activité. Seuls 27,3% des végétaliens étaient au-dessous du seuil recommandé. Ce déficit peut  être corrigé avec un apport en protéines végétales adéquat.

Concernant le fer, l’apport en cet élément dans les régimes végétaliens est supérieur à celui des autres régimes. Cependant, ce fer issu des végétaux est moins absorbable que celui de la viande (voir plus haut). Chez les végétaliens de longue date, les auteurs constatent un taux de ferritine (la protéine qui stocke le fer utilisable dans l’organisme) inférieur à celui des non-végétaliens. Cependant, là encore les besoins sont variables.

Pour la vitamine B12, l’apport est “significativement plus bas” chez les végétaliens que pour les autres régimes, conséquence de l’exclusion de la viande et des œufs. Les valeurs nutritionnelles de référence ne sont pas atteintes. La concentration dans le sérum sanguin des individus inclus dans les études révèle fréquemment un déficit. 

L’étude indique que les valeurs nutritionnelles de référence ne sont pas non plus atteintes pour d’autres micronutriments – vitamines B2, B3,  et D –  ainsi que pour le calcium et l’iode. 

À noter par ailleurs que les régimes végétaliens présentent certains avantages, comme un apport de fibres bien supérieur à celui des régimes carnés. Les fibres aident au transit intestinal et favorisent la sensation de satiété. Dans toutes les études examinées, la consommation moyenne de fibres atteint 44g par jour chez les végétaliens, 28g par jour chez les végétariens, et 21g par jour chez les consommateurs de viande, soit une quantité inférieure à l’apport recommandé[7].

Quels risques à la consommation excessive de viande rouge ?

De nombreuses études montrent que la consommation de viande rouge en excès est associée à des pathologies telles que des cancers, maladies cardiovasculaires, diabète. Cela signifie que ces maladies ont été davantage observées chez des consommateurs de viande rouge en quantité que chez des consommateurs moyens ou des végétariens. Il s’agit cependant d’études prospectives, qui observent une population sur une certaine durée. Elles n’établissent pas une relation de causalité directe entre la viande rouge et ces maladies.  

En  2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a examiné de nombreuses études sur la viande rouge et le cancer et l’a classée globalement comme « probablement cancérigène pour l’homme »

À noter que dans ces travaux, la consommation moyenne de viande rouge rapportée est d’environ 50 à 100 g par jour, une consommation élevée excédant 200 grammes par jour. 

Une équipe a sélectionné 37 études prospectives et a étudié celles-ci selon la méthode de la “charge de la preuve”, qui consiste à évaluer le risque lié à la consommation de viande rouge par rapport à 6 pathologies : cancer du sein, cancer colorectal, diabète de type 2, cardiopathie ischémique (pouvant entraîner l’infarctus du myocarde), accident vasculaire cérébral ischémique (AVC dû à un caillot) et accident vasculaire cérébral hémorragique (AVC dû à la rupture d’un vaisseau).

L’équipe a conclu que l’association entre viande rouge (non transformée) et ces pathologies est faible, et que les études prospectives examinées pouvaient avoir des critères variables (méthode de cuisson de la viande, régimes alimentaires locaux, statut socioéconomique)[9].

À noter que cette étude a fait l’objet d’une critique de la part d’un autre groupe de scientifiques   concernant sa méthodologie[10]. D’une manière générale, les études de nutrition sont complexes. Elles peuvent aussi comporter des biais, notamment quand il s’agit de prendre en compte les déclarations des les sujets de ces études concernant les aliments qu’ils ont réellement consommés. De nombreux facteurs autres que l’alimentation peuvent aussi impacter la santé : mode de vie, activité physique, stress, etc.  

Les auteurs de l’étude “à charge de la preuve” indiquent n’avoir pas inclus d’essais randomisés contrôlés chez l’humain sur les effets de la viande rouge, qui consisterait à comparer deux groupes sélectionnés, l’un avec un régime contenant de la viande rouge, l’autre pas, afin d’établir une relation de causalité. En sciences de la nutrition, ces essais sont difficiles à mettre en place sur le long terme.

Les auteurs concluent que des recherches plus poussées sont nécessaires pour quantifier précisément le lien entre la viande rouge non transformée et ces pathologies. 

Le cas de la viande transformée

L’OMS définit la viande transformée comme une viande ayant été salée, séchée, fumée, marinée, et qui peut contenir des additifs et des conservateurs, ce qui est fréquent dans la charcuterie (jambon, bacon, salami, etc.). Elle est essentiellement à base de porc et de bœuf, parfois de volaille.

L’étude PURE (Prospective Urban Rural Epidemiology) a porté sur plus de 130000 personnes dans le monde entier durant 9 ans et demi, spécifiquement sur l’impact de la consommation de viande rouge non-transformée et transformée sur les principales maladies cardiovasculaires

Les résultats ne montrent pas d’impact significatif de la viande rouge non-transformée sur les décès ou sur ces maladies. En revanche, pour la viande rouge transformée, avec une consommation de plus de 150g par semaine, le risque de décès augmente de 1,51 fois et le risque de maladie cardiovasculaire majeure (infarctus du myocarde, AVC par exemple) de 1,46 fois. 

En s’appuyant sur d’autres études, les auteurs indiquent que les additifs et conservateurs, dont les nitrites présents dans la charcuterie, pourraient expliquer au moins en partie cette surmortalité[11]

Le CIRC indique qu’il y a des “preuves suffisantes du caractère cancérigène de la consommation de viande transformée chez l’humain” et a classé la viande rouge transformée comme “cancérigène pour l’homme” 

CONCLUSION

La viande rouge est une source importante de protéines de qualité contenant les acides aminés essentiels, de fer et de vitamines indispensables au bon fonctionnement de l’organisme. 

Si les protéines peuvent être substituées dans le cadre d’un régime végétarien ou végétalien, certains éléments comme la vitamine B12 ne peuvent être fournis par les végétaux et doivent être apportés en complément notamment chez les végétaliens. Les besoins varient cependant selon les différentes étapes de la vie.

Les études montrent que la viande rouge non transformée est faiblement associée à des maladies telles que les cancers ou les affections cardiovasculaires. La viande transformée, en revanche, présente une forte association avec ces pathologies. Elle est aujourd’hui classée “cancérigène pour l’homme”

RÉFÉRENCES

Science Feedback is a non-partisan, non-profit organization dedicated to science education. Our reviews are crowdsourced directly from a community of scientists with relevant expertise. We strive to explain whether and why information is or is not consistent with the science and to help readers know which news to trust.
Please get in touch if you have any comment or think there is an important claim or article that would need to be reviewed.

Published on:

Articles similaires