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Que sait-on de la sécurité de l’ARNm des vaccins COVID-19 trouvé dans le lait maternel?

Posté le : 20 Déc 2023

Une étude menée par Hanna et al., publiée en septembre 2023, a signalé la présence d’ARN messager (ARNm) provenant des vaccins contre le COVID-19 dans le lait maternel de certaines femmes[1]. Cette étude a suscité de nombreuses publications sur les réseaux sociaux s’interrogeant sur les éventuels effets indésirables de l’ARNm vaccinal présent dans le lait maternel sur la santé des nourrissons allaités.

Les femmes enceintes et allaitantes avaient été initialement exclues des essais cliniques qui ont conduit à l’autorisation des vaccins contre le COVID-19. De par de ce manque initial de données, la sécurité des vaccins pour les femmes enceintes a constitué un terreau fertile pour la désinformation, comme en témoignent de nombreuses analyses de Health Feedback sur le sujet.

Cet article passe en revue ce qui est connu de la présence d’ARNm vaccinal dans le lait maternel. Nous y discuterons l’étude de Hanna et al. et expliquerons pourquoi ses résultats ne sont pas source de préoccupation pour la santé des nourrissons.

Les études indiquent que l’ARNm du vaccin demeure principalement autour du point d’injection, bien que de petites quantités se dispersent dans tout le corps

Les vaccins utilisant la technologie de l’ARNm sont composés de simples brins d’ARN enveloppés dans de petites nanoparticules lipidiques (NPL). L’ARNm du vaccin transporte l’information nécessaire à la production de la protéine Spike du SARS-CoV-2. Après injection, les NPL peuvent pénétrer dans les cellules de l’hôte, qui se mettent à traduire l’ARNm en protéine Spike. La présence de cette protéine déclenche alors une réponse immunitaire qui prépare le corps à mieux se défendre contre une infection par le virus SARS-CoV-2.

Les données sur la biodistribution de l’ARNm des vaccins COVID-19 dans le corps sont limitées. Cependant, les résultats d’études antérieures suggéraient déjà qu’il était plausible qu’au moins une partie de l’ARNm vaccinal atteigne les glandes mammaires.

Dans ses rapports d’étude de 2021, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a présenté des informations sur la biodistribution de NPL similaires à celles utilisées dans les vaccins COVID-19 après injection intramusculaire chez les rats. Leur résultats indiquent que les NPL pouvaient être détectées dans le corps entier dans les quelques heures suivant les injections.

Les NPL se concentrent principalement au site d’injection, et dans une moindre mesure dans les ganglions lymphatiques locaux, le foie et la rate. Après l’injection, le niveau de NPL dans les tissus diminue progressivement. Dans le rapport d’évaluation dédié au vaccin COVID-19 de Moderna, l’EMA déclare :

« Seule une fraction relativement petite de la dose d’ARNm-1647 administrée s’est retrouvée dans les tissus éloignés, et l’ARNm n’a pas persisté au-delà de 1 à 3 jours dans les tissus autres que le site d’injection, les ganglions lymphatiques et la rate. »

Une étude de 2017 sur un prototype de vaccin à ARNm contre la grippe a également révélé que le principal site d’accumulation du vaccin était le lieu d’injection et, en second lieu, les ganglions lymphatiques ou le foie. Cette étude rapporte également la présence de l’ARNm vaccinal dans d’autres tissus, mais à des concentrations cent à mille fois plus faibles[2].

Les chercheurs ont par ailleurs observé l’ARNm spike du vaccin Pfizer-BioNTech dans le sang des personnes vaccinées jusqu’à quinze jours après la vaccination[3], montrant que l’ARN pouvait atteindre la circulation sanguine.

En résumé, les données disponibles indiquent que l’ARNm des vaccins reste principalement au site d’injection, bien que des quantités beaucoup plus faibles puissent atteindre le sang et d’autres organes. À la lumière de ces données disponibles depuis le début des campagnes de vaccination, la présence d’une certaine quantité d’ARNm de vaccin dans les glandes mammaires et éventuellement dans le lait maternel est plausible.

L’ARNm du vaccin COVID-19 est transitoirement excrété dans le lait maternel

Bien que les premiers résultats aient suggéré que l’ARNm vaccinal n’atteignait pas le lait maternel[4], des études ultérieures ont signalé une présence limitée de l’ARNm Spike provenant du vaccin dans le lait des femmes allaitantes.

En 2021, Low et al. ont détecté l’ARNm dans le lait maternel de trois mères parmi dix (30%) ayant reçu le vaccin Pfizer-BioNTech[5]. Une étude de 2022 par Yeo et al. a également rapporté l’ARNm du vaccin Pfizer-BioNTech chez 13% des mères allaitantes[6] (4 sur 31).

De même, Hanna et al. ont publié deux études identifiant l’ARNm vaccinal dans le lait maternel. La première étude a détecté l’ARNm jusqu’à 45 heures après la vaccination. Plus précisément, ils ont constaté que l’ARNm s’accumulait dans les vésicules extracellulaires du lait maternel, qui sont des nanoparticules lipidiques naturelles produites par l’organisme[7]. La même équipe a ensuite confirmé sa découverte en détectant l’ARNm vaccinal dans le lait après 50% des doses administrées à 13 femmes[1], mais seulement pendant les 48 premières heures suivant l’injection.

En résumé, des données sur ce sujet sont disponibles depuis 2021, indiquant que l’ARNm des vaccins COVID-19 peut occasionnellement passer dans le lait maternel. Ainsi, l’étude de Hanna et al. de 2023 n’est pas une découverte inattendue et ne révèle pas un scandale médical, contrairement à ce que certains utilisateurs des réseaux sociaux ont laissé entendre (nous y reviendrons).

Par ailleurs, les résultats de Hanna et al. suggèrent également que l’ARNm du vaccin présent dans le lait maternel pourrait n’avoir aucun effet biologique sur les mères allaitantes ou les bébés allaités, comme nous l’expliquerons dans la section suivante.

Les vaccins ARNm dans le lait sont en quantités infimes et non fonctionnels

Étant donné qu’il est désormais établi que l’ARNm vaccinal peut passer dans le lait maternel, il est logique de se demander si cela pourrait avoir des conséquences sur les bébés allaités et si nous devrions nous en inquiéter. Cependant, les données suggèrent également que cet ARNm serait inactif.

Premièrement, l’ARNm du vaccin n’est retrouvé dans le lait maternel qu’en quantités très faibles. Low et al. expliquent dans leur étude : «En utilisant une méthode hautement sensible, nous avons détecté des quantités négligeables d’ARNm BNT162b2 dans une minorité d’échantillons de lait humain»[5]. Yeo et al. indiquent que le niveau d’ARNm détecté dans leur étude était « faible »[6] et Hanna et al. affirment n’avoir trouvé que des « quantités infimes »[7]. Hanna et al. ont réitéré cette affirmation dans leur étude de suivi en concluant : « l’ARNm n’était détecté que de manière occasionnelle dans le [lait maternel], en quantités infimes »[1].

Hanna et al. ont également effectué une analyse plus approfondie de l’ARNm du vaccin retrouvé dans le lait maternel. Premièrement, ils ont analysé si les brins d’ARNm étaient toujours sous leur forme native et complète, comme ils l’étaient dans les doses de vaccin. Cependant, l’étude a découvert que la majorité de l’ARNm vaccinal présent dans le lait était dégradée en fragments. Seuls 12% à 25% des brins d’ARNm étaient encore intacts.

Deuxièmement, Hanna et al. ont déterminé si l’ARNm vaccinal présent dans le lait maternel conservait encore la capacité d’induire la production de protéines Spike dans les cellules. Pour ce faire, les auteurs ont exposé des cellules intestinales cultivées en laboratoire au vaccin lui-même ou à du lait maternel contenant de l’ARNm vaccinal. Bien que le choix d’utiliser des cellules intestinales pour cette expérience ne soit pas expliqué dans l’article, il est très probable que l’objectif soit de simuler ce qui se passe lorsque les bébés boivent et digèrent le lait maternel.

Si les cellules intestinales se mettent à produire la protéine Spike lorsqu’elles sont directement exposées au vaccin, cela confirme ces cellules possèdent la capacité intrinsèque de répondre au vaccin et qu’elles constituent donc un modèle d’étude approprié — c’est ce qu’on appelle un « témoin positif ». Par ailleurs, si les cellules se mettent à produire la protéine Spike lorsqu’elles sont exposées cette fois au lait maternel, cela indique que l’ARNm vaccinal présent dans le lait est toujours fonctionnel.

Or, les résultats ont montré que les cellules expriment la protéine Spike lorsqu’elles sont directement exposées au vaccin, mais pas lorsqu’elles sont exposées au lait maternel. Il s’agit d’un résultat important car il indique que l’ARNm vaccinal contenu dans le lait maternel n’est pas fonctionnel. Cela signifie que même s’il était ingéré lors de l’allaitement, il ne conduirait pas à la production de la protéine Spike chez le bébé ni à une réponse immunitaire.

Les vaccins contre le COVID-19 sont bénéfiques pour les femmes enceintes ou allaitantes

Les femmes enceintes présentent un risque accru de développer une forme sévère du COVID-19 par rapport à la population générale. Contracter le COVID-19 pendant la grossesse est également associé à un risque accru de complications obstétricales, telles que les fausses couches et la mortinatalité[8-11].

Bien que les données cliniques sur la sécurité des vaccins chez les femmes enceintes aient initialement fait défaut, la vulnérabilité de ce groupe au COVID-19 et les graves conséquences que cela pouvait avoir sur leur santé ont fait pencher la balance bénéfice-risque en faveur d’une recommandation de vaccination par les autorités de santé publique.

Par la suite, des études cliniques ont confirmé que la vaccination pendant la grossesse était sans danger pour la mère et le bébé[12]. De même, les données cliniques disponibles à ce jour indiquent que les vaccins contre le COVID-19 sont sûrs pour les mères allaitantes et les enfants allaités, sans réactions graves associées[13,14].

De plus, le lait maternel des mères vaccinées pourrait en réalité offrir une protection contre le COVID-19. En effet, de nombreuses études ont démontré que le lait maternel des mères vaccinées contenait des anticorps capables de neutraliser le SARS-CoV-2 qui peuvent également être transmis au bébé lors de l’allaitement. On peut donc formuler l’hypothèse que cela aiderait à protéger les bébés contre le COVID-19, en particulier ceux qui sont trop jeunes pour être vaccinés[6, 15-22].

Des affirmations ont exagéré la portée de l’étude sur l’ARNm du vaccin dans le lait maternel

En réaction à la publication de Hanna et al. en 2023, certaines personnes ont insinué que l’étude révélait des résultats contredisant le discours officiel selon lequel l’ARNm du vaccin resterait au site d’injection.

Par exemple, le YouTuber et ancien formateur d’infirmiers John Campbell a présenté l’étude comme une « preuve définitive » que l’ARNm des vaccins « se répand partout » dans le corps, contrairement à ce qui « nous avait été dit initialement ». Le YouTuber français Idriss Aberkane a affirmé quant à lui : « l’ARNm des “vaccins” passe dans le lait maternel… alors qu’on nous avait dit qu’il n’y irait jamais ».

Toutefois, ceci est une déformation de la réalité. Le fait que l’ARNm s’accumule principalement au site d’injection ne signifie pas qu’il n’y a absolument pas d’ARNm du vaccin ailleurs. Cela signifie simplement que la grande majorité de celui-ci se trouve près du site d’injection.

Comme nous l’avons expliqué dans la section précédente, la présence de très faibles quantités d’ARNm vaccinal dans les tissus autres que le site d’injection est cohérente avec les données de biodistribution recueillies et publiées par les agences de santé avant l’autorisation des vaccins. De plus, la présence occasionnelle d’ARNm de vaccin dans le lait maternel est connue depuis 2021. Ainsi, les déclarations de Campbell et Aberkane ont exagéré la nouveauté de l’étude de 2023 de Hanna et al.

Campbell a également insinué que la présence d’ARNm de vaccin dans le lait pourrait être dangereuse pour les bébés allaités. Dans sa vidéo, il en appelle à des « enquêtes épidémiologiques à grande échelle » pour déterminer si l’allaitement après la vaccination était sûr.

D’autres ont été encore plus explicites. Retsef Levi, professeur au MIT, a affirmé que Hanna et al. « avaient soulevé des inquiétudes concernant l’exposition des bébés à un ARNm toxique via les mères allaitantes ». Campbell et Levi ont tous deux propagé de la désinformation sur le vaccin COVID-19 par le passé.

Or, comme nous l’avons expliqué plus haut, l’étude a en fait découvert que l’ARNm du vaccin ne pouvait être détecté que pendant une courte période et à un niveau très faible dans le lait maternel. L’étude révèle également que cet ARNm est principalement dégradé en fragments et n’est pas fonctionnel.

Campbell a écarté ces résultats, arguant que les chercheurs n’avaient peut-être pas utilisé le bon type de cellules pour déterminer si l’ARNm du vaccin était biologiquement actif. Cependant, les données de contrôle positif présentées dans l’étude (Figure 2 de Hanna et al. 2023) montrent clairement que ces cellules sont capables de répondre à l’ARNm du vaccin, contredisant ainsi Campbell.

Comme expliqué plus haut, des études cliniques et épidémiologiques montrent également que les bébés de mères vaccinées pendant la grossesse ou l’allaitement n’avaient pas eu de réactions indésirables spécifiques[12-14].

Ainsi, les données disponibles à ce jour ne fournissent pas de base plausible pour affirmer que l’ARNm vaccinal, occasionnellement trouvé dans le lait maternel, pourrait représenter une menace pour les bébés ou leurs mères.

Conclusion

En résumé, toutes les données disponibles jusqu’à présent indiquent que l’ARNm vaccinal a peu ou pas d’effet sur les bébés allaités. En effet, il n’est détecté qu’occasionnellement, et en très faibles quantités, dans le lait maternel. De plus, les données indiquent que la majeure partie de cet ARNm est dégradée. La présence de traces infimes d’ARNm est également compatible avec ce qui était déjà connu. Les données de biodistribution indiquent que l’ARNm se dissémine de manière temporaire dans le corps avant d’être principalement éliminé des tissus éloignés du site d’injection.

Par conséquent, les données rendues disponibles en 2023 concernant la présence d’ARNm vaccinal dans le lait maternel ne sont probablement pas susceptibles de fragiliser le corpus de preuves déjà disponible démontrant que les vaccins ARNm contre le COVID-19 sont sûrs et efficaces pour les femmes enceintes ou allaitantes, et particulièrement utiles pour ce groupe.

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