- Santé
Aucun lien établi entre les vaccins contre le COVID-19 et des caillots sanguins “anormaux” collectés lors d’embaumements
À RETENIR
Les vaccins à ARNm contre le COVID-19 sont les plus utilisés dans de nombreux pays, y compris la France. Ces vaccins ne sont pas associés à une élévation du risque de caillots sanguins. Les vaccins à adénovirus, eux, augmentent le risque de thromboses associées à une thrombocytopénie. Cependant, ces événements demeurent très rares. Le COVID-19 est davantage susceptible d’augmenter le risque de caillots sanguins et autres complications cardiovasculaires que la vaccination.
élément analysé
Verdict :
Affirmation :
DÉTAIL DU Verdict
Preuves insuffisantes:
Plusieurs causes, autre que les vaccins contre le COVID-19, peuvent être à l’origine de caillots sanguins anormaux, par exemple un pathologie préexistante ou le COVID-19 lui-même. Les caillots sanguins peuvent également se former après la mort. En l’absence d’autopsie, des photos de caillots sanguins ne prouvent pas que ces derniers soient anormaux ou causés par la vaccination.
AFFIRMATION COMPLÈTE
Vérification
Au cours du second semestre 2022, plusieurs affirmations ont circulé sur Internet selon lesquelles les vaccins contre le COVID-19 étaient associés à la formation de caillots sanguins anormaux. Ces caillots sanguins auraient été découverts par des embaumeurs sur des cadavres après le début des campagnes de vaccination aux Etats-Unis. Ces affirmations laissent entendre que les vaccins seraient liés à la formation de ces caillots, qui auraient ensuite entraîné la mort. Cependant, ces affirmations ne reposent sur aucune base crédible, comme nous l’expliquons dans cet article.
Déjà en 2021, des déclarations d’embaumeurs avaient été utilisées pour affirmer que les vaccins contre le COVID-19 causaient des caillots anormaux. Full Fact avait déterminé que ces affirmations étaient fausses.
Aucun élément scientifique n’associe les vaccins contre le COVID-19 à des caillots sanguins anormaux post-mortem
Ce genre de récits a cependant continué de prospérer. Par exemple dans un article d’Epoch Times, où un embaumeur du nom de Richard Hirschman affirme avoir trouvé des “caillots étranges” chez les personnes décédées depuis le début des campagnes de vaccination contre le COVID-19. Ou encore dans une série de tweets de Matthew Horwood, un des contributeurs du site Canadien Western Standard, dont la précision factuelle reste douteuse, contenant des photos de caillots assorties de citation comme “ce ne sont tout simplement pas des caillots normaux. C’est comme si c’était un tissu, pas un caillot sanguin” et “auparavant, seulement 10 à 15% [des cadavres] contenaient des caillots. Maintenant, il faut avoir de la chance pour voir un cadavre sans caillot”.
Le récit de la formation de caillots sanguins anormaux a ensuite été repris dans le film “Died Suddenly”, diffusé sur Internet en Novembre 2022. La première partie de ce film rassemble des interviews de plusieurs embaumeurs des Etats-Unis, du Canada et du Royaume-Uni. Ils y affirment avoir trouvé des “caillots blancs fibreux” anormaux qui ressemblent à des “calamars” dans la plupart des corps.
Plusieurs d’entre eux affirment également qu’ils ont commencé à ne voir ces caillots qu’une fois le début des campagnes de vaccination contre le COVID-19, suggérant de nouveau un lien entre les vaccins et ces caillots anormaux.
Cependant, ces affirmations reposent principalement sur des anecdotes de la part d’embaumeurs qui auraient retiré ces caillots des cadavres. Or, il n’y a aucune information vérifiable sur les circonstances et les méthodes de prélèvement de ces caillots.
Par ailleurs, il est important de souligner que l’embaumement est différent d’une autopsie. L’embaumement est utilisé pour préserver les corps et prévenir leur décomposition. Mais les embaumeurs ne prélèvent ni n’analysent d’échantillons biologiques et, de manière générale, ne disposent pas des informations cliniques des corps qu’ils embaument.
C’est donc différent d’une autopsie, qui est conduite par un pathologiste, un médecin formé aux autopsies et à la collecte d’échantillons médicaux. L’histoire clinique de la personne décédée est prise en compte et des examens biologiques additionnels peuvent être effectués si nécessaire.
Nikolaus Klupp, professeur de médecine légale à l’Université Médicale de Vienne a expliqué à Health Feedback que, sans examens histologiques des caillots sanguins, “aucune conclusion ne peut être fiable”.
Klupp ajoute que certains de ces caillots sanguins avaient plutôt l’air de “caillots postmortem, principalement dû à leur couleurs, leur forme, et principalement à leur nombre”. Monica Torres, une embaumeuse certifiée de l’état d’Arizona, a également déclaré à l’AFP que “les caillots sanguins proviennent de la réfrigération [des corps]”. “Cela arrive à pleins de corps”, explique-t-elle. En effet, compte tenu du grand nombre de corps traités, nombre d’entre eux “restent réfrigérés pendant une longue durée, au cours de laquelle des caillots sanguins peuvent se former”.
Irene Sansano, un anatomo-pathologiste de l’hôpital universitaire de Vall d’Hebron à Barcelone a indiqué dans un email à Health Feedback que les caillots trouvés par Hirschman “n’ont pas l’air différent” de ceux retrouvés habituellement dans les autopsies. Elle ajoute qu’il est fréquent de retrouver des caillots sanguins responsables de thromboses chez les patients décédés, et il sont généralement dus à “l’obésité, la sédentarité, le tabagisme, et maintenant le COVID-19”.
Plusieurs experts interrogés par l’AFP ont fait part des mêmes doutes au sujet de l’origine de ces caillots.
Plusieurs embaumeurs ont par ailleurs expliqué à PolitiFact qu’ils avaient en effet remarqué une augmentation des caillots sanguins. Cependant, et contrairement aux affirmations précédentes, ces caillots apparaissent chez des personnes qui sont en fait mortes du COVID-19, vaccinées et non vaccinées. Certaines personnes étaient d’ailleurs mortes “bien avant que les vaccins soient disponibles”.
Certains ont tenté d’établir un lien entre les vaccins et la formation de caillots sanguins par le biais de la protéine spike contenue dans les vaccins. C’est le cas par exemple des médecins James Thorp,Sherri Tenpenny et Ryan Cole dans plusieurs articles d’Epoch Times. Tous trois ont déjà fait circuler de fausses informations à propos des vaccins contre le COVID-19, comme Health Feedback l’a documenté par le passé.
Dans l’Epoch Times, les trois affirment que les effets toxiques de la protéine spike des vaccins pourraient causer la formation de caillots sanguins. Cependant, aucune preuve scientifique ne soutient cette déclaration, qui va à l’encontre des données scientifiques actuelles.
Health Feedback a expliqué dans un article précédent qu’il n’y a actuellement aucun indice que les petites quantités de protéines spikes produites après la vaccination causent des dommages à l’organisme.
Par conséquent, bien que des caillots sanguins apparaissent dans les corps embaumés, il n’y a pas de preuves qu’ils aient été causés par les vaccins contre le COVID-19.
Le risque de caillot sanguin est plus élevé après le COVID-19 qu’après la vaccination
Depuis le début de la pandémie, les chercheurs ont observé que le COVID-19 augmentait les risques de thrombose veineuse[1], en particulier chez les patients atteints de formes graves de la maladie. D’autres recherches ont par la suite établi que les patients avec des COVID-19 modérés ou même légers étaient également à plus haut risque de développer des caillots sanguins par rapport à la population générale[2,3]. De plus, ce risque reste élevé jusqu’à un an après l’infection[4].
Les experts de la Johns Hopkins University expliquent que les caillots liés au COVID-19 se forment principalement dans les poumons et dans les vaisseaux sanguins des jambes. Cependant, ils peuvent également atteindre d’autres organes, comme le cerveau et les reins, auquel cas ils peuvent causer des AVC et des déficiences rénales. De plus, des dommages dans les vaisseaux sanguins plus petits ont été associés à des démangeaisons et aux “orteils COVID”, un symptôme qui se manifeste par le gonflement et la décoloration d’un ou de plusieurs orteils ou doigts.
Il faut enfin noter que plusieurs études ont montré que le risque de caillots sanguins suite à la vaccination est beaucoup plus bas qu’après le COVID-19 lui-même[5,6]. Le COVID-19 a causé la mort de plus de 6.5 millions de personnes dans le monde au 2 Octobre 2022. Étant donné le large nombre de cas et la responsabilité bien établie du COVID-19 sur les caillots sanguins, il est plus probable que les caillots retrouvés chez des patients décédés soient dus à d’autres causes, dont le COVID-19, qu’à la vaccination.
Conclusion
Les photos des caillots sanguins retirés durant le processus d’embaumement sont une preuve insuffisante pour déterminer la cause de ces caillots et leur rôle dans la mort de l’individu. Aucune évidence n’indique un lien entre les vaccins contre le COVID-19 et une augmentation supposée de la quantité de caillots sanguins détectés. Les articles et posts affirmant le contraire sont fondés sur des anecdotes qui ne supportent pas une telle association causale. En fait, selon de nombreux experts, il est plus probable que ces caillots soient causés par le COVID-19 lui-même ou par la réfrigération des corps.
Références:
- Wichmann et al. (2020) Autopsy Findings and Venous Thromboembolism in Patients With COVID-19. Annals of Internal Medicine.
- Douillet et al. (2021) Risk of symptomatic venous thromboembolism in mild and moderate COVID-19: A comparison of two prospective European cohorts. Thrombosis research.
- Raisi-Estabragh et al. (2022) Cardiovascular disease and mortality sequelae of COVID-19 in the UK Biobank. Heart.
- Knight et al. (2022) Association of COVID-19 With Major Arterial and Venous Thrombotic Diseases: A Population-Wide Cohort Study of 48 Million Adults in England and Wales. Circulation.
- Taquet et al. (2021) Cerebral venous thrombosis and portal vein thrombosis: A retrospective cohort study of 537,913 COVID-19 cases. eClinicalMedicine
- Hippisley-Cox et al. (2021) Risk of thrombocytopenia and thromboembolism after covid-19 vaccination and SARS-CoV-2 positive testing: self-controlled case series study. The British Medical Journal.