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Aucune preuve que les vaccins à ARN messager contre le SARS-CoV-2 modifient notre patrimoine génétique

Posté le : 20 Avr 2023

À RETENIR

Les coronavirus utilisent une  information génétique sous forme d’ARN, différent de l’ADN qui compose le génome humain. Alors que certains virus comme le VIH sont capables de synthétiser de l’ADN à partir de l’ARN et d’intégrer leur génome au sein du génome humain, ce n’est pas le cas de SARS-CoV-2. Les éléments suggérant une intégration génomique des ARN messagers de SARS-CoV-2 ou des vaccins COVID-19 à ARN sont à ce jour inexistants ou controversés.

ÉLÉMENT ANALYSÉ

Infondé

Il est probable que l’ARN messager des vaccins contre le SARS-CoV-2 puisse s'intégrer dans notre patrimoine génétique.

Source : Kairospress.be, Alexandra Henrion-Caude, 31 Mar 2023

DÉTAIL DU VERDICT

Preuves insuffisantes:

La possibilité d’une intégration du génome ARN du SARS-CoV-2 dans le génome des cellules hôtes ne peut pas être affirmée à ce jour. Les trois étapes nécessaires à la modification de notre patrimoine génétique par le virus – translocation dans le noyau, rétrotranscription et intégration génomique, font chacune l’objet d’études aux résultats controversés.

Factuellement inexact:

L’ARNm vaccinal codant pour la protéine spike ne peut pas être assimilé à l’ARNm viral codant pour la même protéine. Si l’intégration génomique de l’ARNm viral fait débat, elle n’a jamais été démontrée en ce qui concerne l’ARNm vaccinal.

AFFIRMATION COMPLÈTE

Il est probable que l’ARN messager des vaccins contre le SARS-CoV-2 puisse s'intégrer dans notre patrimoine génétique.

Vérification

Introduction

Comme le montre l’article de Health Feedback en date du 15 mai 2020, la thèse selon laquelle les vaccins à ARN contre le SARS-CoV-2 altèrent notre patrimoine génétique, a commencé à devenir virale dès le printemps 2020. Bien que réfutée par de nombreux organismes de recherche scientifique publics tels que l’INSERM, cette thèse n’en finit pas d’être nourrie d’interprétations erronées ou contrefactuelles de la littérature scientifique.

Nous examinons spécifiquement ici la double affirmation que l’ARN du SARS-CoV-2 peut modifier notre ADN, et que les vaccins à ARN, pour reproduire certaines séquences ARN de ce coronavirus, présentent nécessairement les mêmes dangers. Le 31 mars 2023 en Belgique, lors d’une conférence visant à promouvoir la sortie récente de son livre Les apprentis sorciers, la généticienne Alexandra Henrion-Caudin, qui a diffusé plusieurs informations démenties sur la pandémie de Covid-19, se fait le porte parole de cette assimilation controversée via deux affirmations:

  • “On a vu avec le SARS-CoV-2, l’ARN messager de Spike aller dans le noyau, […] alors que d’habitude il reste dans le cytoplasme, et donc à partir de là tout est possible, et notamment que l’ARN soit recopié en ADN et aille dans le noyau.” (2:18:25)
  • De l’affirmation précédente elle déduit que l’ARN messager des vaccins peut probablement avoir le même effet. Du fait du grand “nombre de cellules qui reçoivent l’ARN messager vaccinal et […] des milliards d’individus qu’on a injectés, […] vous comprenez bien que ça n’existe pas très peu probable, ça veut dire probable.” (2:19:00)

Cependant, cette affirmation n’est pas étayée par les données scientifiques disponibles actuellement. Nous montrerons que les étapes nécessaires à l’intégration de l’ARN du SARS-Cov-2 dans le génome des cellules hôtes font l’objet d’études aux résultats controversés, et qu’en l’état actuel de la recherche scientifique, la modification de notre patrimoine génétique par le Covid-19 ne peut donc pas être considérée comme démontrée. Nous verrons ensuite que les résultats des études sur l’ARNm du virus ne peuvent pas être extrapolés pour tirer des conclusions sur l’ARNm contenu dans les vaccins. Même les chercheurs qui valident l’hypothèse d’une intégration génomique de l’ARNm viral n’ont pas réussi à reproduire leurs résultats lorsqu’ils ont utilisé, selon le même protocole, des ARN messagers isolés, proches de la composition des vaccins ARNm.

Pour modifier le patrimoine génétique d’une cellule hôte, un virus ARN tel que le coronavirus devrait surmonter trois obstacles majeurs

Dans SARS-CoV-2, il existe deux sources d’ARN, le génome du virus en lui-même, et les ARN messagers (ARNm) qui servent d’intermédiaires à la production de protéines virales[1] .

Pour qu’un ARNm ou l’ARN génomique de SARS-CoV-2 puisse s’intégrer au génome de la cellule-hôte humaine, il faut surmonter au moins trois obstacles. Tout d’abord, SARS-CoV-2 infecte la cellule via le cytoplasme, où se déroule son cycle de réplication. Or le génome de la cellule se trouve dans un autre compartiment cellulaire, le noyau. Il faudrait donc que l’ARN de SARS-CoV-2 subisse une translocation du cytoplasme vers le noyau. Par ailleurs, le génome humain est fait d’ADN, ce qui est chimiquement différent de l’ARN qui compose les ARNm et le génome viral. Pour qu’il y ait intégration, il faudrait donc dans un second temps que l’ARN de SARS-CoV-2 soit rétrotranscrit en ADN. Or cette rétrotranscription est impossible sans l’aide d’enzymes appelées les transcriptases inverses. SARS-CoV-2, contrairement à d’autres virus comme le HIV, ne possède pas ce type d’enzymes.

Enfin, l’ARN ayant franchi les étapes de la translocation et de la rétrotranscription, devrait ensuite parvenir à s’intégrer de manière stable dans l’ADN de la cellule hôte. Nous montrons ci-après, que relativement aux trois obstacles présentés ci-dessus, l’état actuel de la littérature scientifique ne permet pas d’affirmer que le virus du SARS-CoV-2 est capable de modifier notre patrimoine génétique.

Les preuves de la translocation de l’ARNm viral de la protéine spike dans le noyau sont insuffisantes

Alexandra Henrion-Caude affirme que l’ARNm du SARS-CoV-2 codant pour la protéine Spike entre dans le noyau des cellules hôtes.

La protéine Spike, ou protéine S, permet au SARS-CoV-2 de pénétrer dans le cytoplasme des cellules humaines. En cas d’infection, cette protéine S est l’une des cibles de notre système immunitaire. C’est pourquoi le développement de vaccins à ARN contre le SARS-CoV-2 s’est concentré sur cette protéine Spike[1].

L’article de Sattar et al., publié en janvier 2023, annonce qu’une nouvelle caractéristique du SARS-CoV-2 vient d’être découverte: la capacité de translocation nucléaire de la protéine spike et de l’ARNm associé (ARNm S)[2]. Selon ces travaux, 90 % de l’ARNm S seraient distribués dans le cytoplasme de la cellule hôte, moins de 10 % à la surface du noyau, et dans environ 1 % des cas, l’ARNm S serait transloqué dans le noyau.

Il est important de préciser que ces résultats ont été obtenus in vitro, c’est-à-dire en laboratoire et en dehors de tout organisme vivant. Les résultats de cette expérience menée in vitro doivent ainsi être interprétés avec prudence car ils ne reflètent pas les conditions physiologiques et les interactions complexes qui se produisent in vivo.

Par ailleurs, les auteurs même de cette étude soulignent que leurs résultats “manquent de détails suffisants pour contribuer à la discussion du sujet scientifique controversé de savoir s’il existe une possibilité d’intégration du génome du SRAS-CoV-2 dans l’ADN de l’hôte”.

Ces travaux ne suffisent donc pas à prouver que lorsque nous sommes infectés par le SARS-CoV-2, l’ARNm codant pour la protéine Spike pénètre le noyau de nos cellules et modifie notre patrimoine génétique.

Les preuves de la rétrotranscription et intégration génomique du SARS-CoV-2 sont controversées

Outre la translocation de l’ARNm S dans le noyau, Henrion-Caude suggère également que cet ARNm peut ensuite être rétrotranscrit en ADN et intégré au noyau de la cellule-hôte. 

A l’heure actuelle, il n’existe pas de résultats scientifiques publiés montrant la rétrotranscription et l’intégration génomique de l’ARNm S viral.

Cependant, deux études suggèrent que dans certains cas, des morceaux de l’ARN génomique  de SARS-CoV-2—différent de l’ARN messager de Spike—pourraient être rétrotranscrits et intégrés dans le génome des cellules hôtes. Cette rétrotranscription serait permise par des éléments génétiques mobiles présents dans le génome humain, les rétrotransposons LINE-1. Le rétrotransposons LINE-1 code pour une transcriptase inverse qui est en partie responsable de sa mobilité. En théorie, la transcriptase inverse LINE-1 pourrait donc également convertir des ARN viraux, comme le génome de SARS-CoV-2 en ADN. 

Les premières conclusions en ce sens ont été publiées par Zhang et al. en 2021, à partir d’une étude menée in vitro sur des cultures de cellules humaines enrichies en rétrotransposons LINE-1[3]. L’étude annonce la présence significative de fragments d’ADN comportant à la fois des éléments d’origine virale et d’origine humaine et conclut que des séquences de l’ARN du SARS-CoV-2 peuvent bien être rétrotranscrites et intégrées dans le génome des cellules hôtes. Selon ces chercheurs, la transcription de copies d’ADN intégrées au génome pourrait être responsable de tests PCR positifs longtemps après l’élimination de l’infection initiale.

Mais la littérature scientifique récente illustre la controverse autour de ce sujet, un autre article de 2023 par Zhang et al. corroborant l’hypothèse de rétrotranscription et d’intégration du SARS-CoV-2[4], d’autres l’invalidant[5-7]. Précisons que les deux articles de 2021 et 2023 en faveur de cette hypothèse sont issus de la même équipe de recherche. A l’inverse, Smits et al. ne confirment pas l’expérience de Zhang 2021, et n’ont trouvé aucune preuve d’intégration du génome viral dans le génome de cellules HEK293T (cellules de rein embryonnaire humain) infectées par le SARS‐CoV‐2[5]

En 2022, Chen et al. démontrent que les  fragments d’ADN viral-humain observé par Zhang et al. peuvent être créés artificiellement par la technique même qui permet de les détecter, puisque des fragments similaires ont pu être retrouvés aussi bien dans des cellules humaines et de singes infectés par le SARS-CoV-2, que chez des embryons de poisson zèbre non infectés[7]. Ils indiquent également que les résultats de l’étude de Zhang et al. 2021, pourraient être principalement dus à l’activation du rétrotransposon LINE-1 et non aux caractéristiques du SARS-CoV-2. Enfin, rappelons que l’ensemble des études mentionnées ci-dessus reposent exclusivement sur des expérimentations menées in vitro et ne peuvent pas être extrapolées in vivo.

Par ailleurs, les travaux de Zhang et al. portent sur l’ARN génomique, et non pas l’ARNm. En fait, Zhang et al. n’ont pas réussi à reproduire leurs résultats lorsqu’ils utilisèrent de l’ARNm au lieu de l’ARN génomique[4]. Sur la base des résultats—controversés—disponibles, il est donc à ce jour impossible d’affirmer, à l’instar d’Alexandra Henrion-Caude, que l’ARNm viral codant pour la protéine spike du SARS-COV-2 peut être rétrotranscrit en ADN et pénétrer le noyau des cellules pour modifier leur patrimoine génétique.

Capacité des vaccins ARNm à modifier le génome des cellules hôtes: des travaux récents prouvent le contraire

L’affirmation du potentiel de modification génomique de l’ARNm du SARS-CoV-2 devient problématique lorsqu’elle sert d’argument pour démontrer la capacité des vaccins ARNm à modifier le génome des cellules hôtes.

Tout d’abord, Les travaux de Zhang et al. 2023, qui corroborent pourtant l’hypothèse d’une intégration dans le génome humain  de l’ARN du génome de SARS-CoV-2, n’est pas parvenu à démontrer la transcription inverse et l’intégration des ARN messagers du virus[4].

Il faut d’ailleurs noter que les auteurs relèvent deux limites à leurs travaux :

  • Leur processus d’injection in vitro de l’ARNm viral diffère de l’administration clinique d’ARN vaccinal chez un patient.
  • La séquence d’ARN utilisée (l’ARNm de la nucléocapside virale, ensemble formé de  la capside du virus et du génome viral) diffère de la séquence d’ARN vaccinale (ARNm de la protéine Spike).

Zhang et al. 2023 suggèrent ainsi que d’autres études sont nécessaires pour pouvoir écarter définitivement toute possibilité d’une rétrotranscription de l’ARNm vaccinal et de son intégration dans le génome.

Une seule étude intitulée “Transcription inverse intracellulaire du vaccin à ARNm Pfizer BioNTech COVID-19 BNT162b2 in vitro in human liver cell line” rapporte la rétrotranscription d’un ARNm vaccinal dans le cytoplasme de cellules transfectées[8]. Menée in vitro dans une lignée cellulaire de foie humain, cette étude se base sur un système expérimental artificiel et non représentatif des cellules normales. Ces recherches ne prouvent donc pas que chez les individus vaccinés, l’ARNm vaccinal puisse être rétrotranscrit. Par ailleurs, cette étude n’a pas montré que l’ADN rétrotranscrit était entré dans le noyau (Voici le fact check complet de cet article). Or nous l’avons vu, sans translocation nucléaire, il ne peut y avoir de modification du patrimoine génétique des cellules hôtes. En l’état actuel de la recherche scientifique, il est donc faux de dire qu’il est probable que les vaccins à ARN modifient notre patrimoine génétique. L’intégration dans le génome humain de l’ARN génomique de SARS-CoV-2 repose sur des données limitées et controversées. L’intégration dans le génome des ARN messagers viraux ou vaccinaux n’a pour sa part pas été démontrée.

References:

  1. V’kovski et al. (2021) Coronavirus biology and replication: implications for SARS-CoV-2. Nature reviews microbiology.
  2. Sattar et al. (2023) Nuclear translocation of spike mRNA and protein is a novel feature of SARS-CoV-2.  Frontiers in Microbiology.
  3. Zhang et al. (2021) Reverse-transcribed SARS-CoV-2 RNA can integrate into the genome of cultured human cells and can be expressed in patient-derived tissues. PNAS.
  4. Zhang et al. (2023) LINE1-Mediated Reverse Transcription and Genomic Integration of SARS-CoV-2 mRNA Detected in Virus-Infected but Not in Viral mRNA-Transfected Cells. Viruses.
  5. Smits et al. (2021) No evidence of human genome integration of SARS-CoV-2 found by long-read DNA sequencing. Cell Reports.
  6. Parry et al. (2021) No evidence of SARS-CoV-2 reverse transcription and integration as the origin of chimeric transcripts in patient tissues. PNAS.
  7. Chen et al. (2022) Comprehensive analysis of RNA-seq and whole genome sequencing data reveals no evidence for SARS-CoV-2 integrating into host genome. Protein & Cell. 
  8. Aldén et al. (2022) Intracellular Reverse Transcription of Pfizer BioNTech COVID-19 mRNA Vaccine BNT162b2 In Vitro in Human Liver Cell Line. Current Issues in Molecular Biology.

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