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Les caillots sanguins associés au vaccin contre le COVID-19 d’Oxford-AstraZeneca ont été publiquement reconnus depuis 2021 et demeurent extrêmement rares
À RETENIR:
Le vaccin COVID-19 d’Oxford-AstraZeneca a été l’un des rares outils disponibles pour réduire le risque de maladie grave et de décès aux premières étapes de la pandémie. Ce vaccin a subi des tests rigoureux pour garantir sa sécurité et son efficacité. En 2021, une condition rare mais grave impliquant des caillots sanguins et un faible taux de plaquettes—connue sous le nom de thrombose avec thrombocytopénie—a été associée au vaccin. Cependant, la probabilité que cette condition survienne est très faible, et les avantages de la vaccination l’emportent sur ce faible risque.
ÉLÉMENT ANALYSÉ
Verdict :
Affirmation :
DÉTAIL DU VERDICT
Trompeur:
L’admission par AstraZeneca que son vaccin COVID-19 peut provoquer de très rares cas de caillots sanguins est seulement « une première » en justice. Cela n’implique pas que l’entreprise ait auparavant dissimulé cet effet secondaire.
Manque de contexte:
Des déclarations publiques d’AstraZeneca, des autorités de santé publique et de multiples publications scientifiques démontrent que les caillots sanguins ont été reconnus comme un effet secondaire très rare du vaccin COVID-19 d’Oxford-AstraZeneca depuis 2021.
AFFIRMATION COMPLÈTE
Vérification
Une affirmation selon laquelle la société pharmaceutique AstraZeneca aurait « admis » pour la première fois que son vaccin contre le COVID-19 peut provoquer des caillots sanguins est devenue virale sur les plateformes de médias sociaux fin avril et début mai 2024.
Un exemple en est une vidéo Instagram dans laquelle la commentatrice politique américaine Liz Wheeler a déclaré : « des personnes sont décédées à la suite de ce vaccin. Mais nous le savions ». Dans une publication Facebook renvoyant à une vidéo ayant plus de 30 000 vues sur Rumble, le commentateur politique Dan Bongino a qualifié cette prétendue admission de «CHOQUANTE».
Des titres similaires sont apparus dans des médias tels que le Daily Mail, et en France, cette affirmation a été reprise par des sites comme le Courrier des Stratèges ou Le Libre Penseur ayant diffusé de la désinformation sur les vaccins COVID-19 auparavant.
Nombre de ces publications se fondent sur un article du 28 avril 2024 dans The Telegraph, rapportant une action collective au Royaume-Uni contre AstraZeneca. Selon The Telegraph, le procès impliquait 51 plaintes affirmant que le vaccin contre le COVID-19 d’Oxford-AstraZeneca est « défectueux » et provoque « des décès et des blessures graves » en raison d’une condition rare mais potentiellement fatale appelée le syndrome de thrombose avec thrombocytopénie (STT).
En février 2024, AstraZeneca a envoyé des documents juridiques à la Haute Cour de justice de Londres contestant ces plaintes, mais reconnaissant que son vaccin « peut, dans de très rares cas, provoquer un STT», comme le rapporte The Telegraph.
Bien que cela puisse être la première fois qu’AstraZeneca reconnaît le STT devant un tribunal, les articles sus-cités sont trompeurs car cette admission n’est en fait pas nouvelle. Comme nous l’expliquont ci-dessous, de multiples documents et études démontrent que le STT est reconnu publiquement comme un effet secondaire du vaccin COVID-19 d’Oxford-AstraZeneca depuis 2021. De plus, les cas de STT après vaccination sont très rares, ce qui rend ce risque extrêmement faible par rapport aux avantages de la vaccination, comme la réduction du risque de maladie grave et de décès.
Les cas rares de caillots sanguins sont un effet secondaire reconnu depuis 2021
Le vaccin COVID-19 d’Oxford-AstraZeneca est un vaccin à vecteur viral. Les autorités de santé publique, les chercheurs et AstraZeneca ont publiquement reconnu dès 2021 le STT comme un effet secondaire très rare des vaccins COVID-19 à vecteur viral, tels que ceux d’Oxford-AstraZeneca, Johnson & Johnson (Janssen), CanSino et Sputnik V.
Approuvé pour la première fois au Royaume-Uni le 30 décembre 2020, le vaccin contre le COVID-19 d’Oxford-AstraZeneca a été commercialisé dans le monde entier sous les noms de marque Vaxzevria et Covishield. Au cours de la première année de son déploiement, le nombre de doses de vaccin administrées a dépassé les 50 millions au Royaume-Uni et les 2,5 milliards à l’échelle mondiale. En France, le nombre de doses administrées a atteint 7.9 millions en 2023. Une analyse réalisée par la société britannique de données et d’analyses Airfinity a estimé que le vaccin avait sauvé 6,3 millions de vies dans le monde au cours de cette première année.
Cependant, lorsque un si grand nombre de personnes reçoit un vaccin sur une courte période, des effets secondaires rares, trop peu fréquents pour être détectés lors des essais cliniques, peuvent émerger. En effet, la taille des essais cliniques ne sera jamais suffisante pour détecter des événements indésirables se produisant à un taux d’un pour 100 000 ou d’un pour un million de personnes.
En avril 2021, l’Agence européenne des médicaments (EMA) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont reconnu un lien possible entre les cas de STT et le vaccin contre le COVID-19 d’Oxford-AstraZeneca. D’autres autorités de santé publique et associations médicales au Canada, en Australie, au Royaume-Uni, aux États-Unis et en France, ont publié des déclarations similaires tout au long de 2021, utilisant parfois le terme thrombocytopénie thrombotique immunitaire induite par le vaccin (VITT) pour désigner les cas de STT spécifiquement causés par la vaccination.
Le fait que le STT n’ait été associé qu’aux vaccins à vecteur viral et non aux vaccins à ARN messager suggère un rôle de cette plateforme vaccinale et non pas un effet des vaccins COVID-19 en général. Le mécanisme précis conduisant au STT n’est pas bien compris. Cependant, il existe des preuves que la liaison de l’adénovirus à une protéine libérée par les plaquettes appelée facteur 4 plaquettaire (PF4) pourrait déclencher une réponse immunitaire anormale à la vaccination chez certaines personnes[1,2].
Le STT est mentionné dans les notices du vaccin contre la COVID-19 d’Oxford-AstraZeneca depuis la mi-2021. Des exemples de ces notices sont disponibles publiquement sur les sites web de l’OMS et du gouvernement britannique ou en français sur le propre. Par exemple, la notice d’utilisation britannique stipulait :
«Des cas extrêmement rares de caillots sanguins avec un faible taux de plaquettes sanguines (syndrome de thrombose avec thrombocytopénie) ont été observés après la vaccination avec le vaccin COVID-19 AstraZeneca […] Certains cas ont été potentiellement mortels ou ont eu une issue fatale. Il est important de rappeler que les avantages de la vaccination pour se protéger du COVID-19 continuent de l’emporter sur les risques potentiels.»
Au moins deux documents publiés par AstraZeneca en 2021 montrent que l’entreprise a également reconnu le STT comme un effet secondaire potentiel de la vaccination. Un exemple est un communiqué de presse de septembre 2021 concernant un accord de règlement avec la commission européenne sur l’approvisionnement en vaccins, dans lequel AstraZeneca a déclaré :
«Des incidents de thrombose avec thrombocytopénie (STT) ont été signalés chez un petit nombre de personnes. Un diagnostic précoce permet un traitement approprié de ces événements, et il n’y a pas d’augmentation du risque de STT lors de la deuxième dose, par rapport aux taux attendus dans la population générale»
AstraZeneca a également fait référence au STT dans un résumé des données de vie réelle d’octobre 2021 :
«Des incidents de trouble sanguin extrêmement rare, la thrombose avec thrombocytopénie (STT), ont été signalés chez un petit nombre de personnes ayant reçu le vaccin (2,3 événements par million après la deuxième dose contre 8,1 événements par million après la première dose). Les recommandations du NICE [Institut national pour la santé et l’excellence des soins du Royaume-Uni] et de l’ONU indiquent que les STT chez ces patients sont traitables. La probabilité de développer des événements de STT très rares après la deuxième dose est comparable à celle observée dans une population non vaccinée et est plusieurs fois inférieure à celle après la première dose.»
De nombreuses études scientifiques publiées depuis 2021 montrent également que les cas de STT associés au vaccin d’Oxford-AstraZeneca n’ont pas été dissimulés. Au contraire, cette association a été largement étudiée depuis que ce risque potentiel a été identifié pour la première fois[3-7].
La probabilité de développer des caillots sanguins après la vaccination contre le COVID-19 est très faible
Le fait qu’un effet secondaire particulier d’un vaccin soit reconnu devant un tribunal ne signifie pas que cet effet secondaire n’était pas déjà identifié, ni qu’il est plus dangereux.
Tous les vaccins peuvent provoquer des effets secondaires, et les vaccins contre le COVID-19 ne font pas exception. Cependant, il est important de mettre ces effets secondaires en perspective des avantages de la vaccination, comme la réduction du risque de maladie grave et de décès.
Lorsque le STT a été initialement identifié comme un effet secondaire potentiel du vaccin d’Oxford-AstraZeneca, plusieurs pays y compris la France ont suspendu son administration par mesure de précaution. Cependant, beaucoup ont repris son utilisation après que les données ont montré que ces cas étaient rares.
Les directives de l’OMS de 2023 pour la gestion du STT associé au vaccin expliquent que la plupart des cas surviennent dans les 3 à 30 jours suivant la vaccination avec un vaccin COVID-19 à vecteur viral, généralement après la première dose. Le taux de STT varie de 0,5 à 6,8 cas pour 100 000 personnes vaccinées, selon la population. Il est plus élevé chez les jeunes adultes que chez les adultes plus âgés et chez les femmes que chez les hommes.
En d’autres termes, la survenue de STT après la vaccination contre le COVID-19 est extrêmement rare. Une explication de la BBC de 2021 a montré que le risque de dommages graves dus aux effets secondaires du vaccin est comparable à celui de mourir dans un accident de la route et au moins dix fois inférieur à celui de mourir à la suite d’un accident ou d’une blessure.
Il est également important de souligner que tout STT survenant après la vaccination n’est pas nécessairement causé par le vaccin. Comme le rapporte The Telegraph, les documents d’AstraZeneca soumis au tribunal indiquaient : «Le STT peut également survenir en l’absence du vaccin AZ (ou de tout autre vaccin). La causalité dans chaque cas individuel sera une question de preuves d’experts.»
Les autorités de santé publique de l’Union Européenne et des pays comme le Royaume-Uni et l’Australie s’accordent à dire que les avantages de la vaccination contre le COVID-19 l’emportent sur le faible risque de caillots sanguins, en particulier lorsque la circulation du virus est élevée. Mais pour minimiser davantage ce risque, de nombreux pays, dont l’Espagne, la Belgique, l’Italie, la France, et le Royaume-Uni, ont restreint le vaccin d’Oxford-AstraZeneca aux adultes plus âgés et ont proposé aux jeunes adultes des vaccins alternatifs.
Le 8 mai 2024, AstraZeneca a annoncé qu’elle retirerait son vaccin contre le COVID-19 dans le monde entier. L’entreprise a cité comme principale raison de ce retrait un « surplus de vaccins disponibles » qui aurait entraîné une baisse de la demande. Un article publié dans The Conversation a analysé comment cette baisse de la demande pourrait avoir été en partie influencée par la désinformation sur les risques et les avantages de ce vaccin tout au long de la pandémie.
Conclusion
Le vaccin contre le COVID-19 d’Oxford-AstraZeneca a été un outil important pour réduire le risque de maladie grave et de décès aux premières étapes de la pandémie de COVID-19. Mais comme tout autre vaccin, il comportait également le risque d’effets secondaires.
Contrairement aux affirmations virales sur Internet, un document soumis au tribunal par AstraZeneca ne constitue en aucun cas la première reconnaissance que ce vaccin peut provoquer des cas rares mais graves de caillots sanguins. Ces cas sont bien documentés et reconnus par les autorités de santé publique, les chercheurs et l’entreprise elle-même depuis 2021.
Références:
- Greinacher et al. (2022) Pathogenesis of vaccine-induced immune thrombotic thrombocytopenia (VITT). Seminars in Hematology.
- Roytenberg et al. (2023) Vaccine-induced immune thrombotic thrombocytopenia: what do we know hitherto? Frontiers in Medicine.
- Sanchez van Kammen et al. (2021) Characteristics and Outcomes of Patients With Cerebral Venous Sinus Thrombosis in SARS-CoV-2 Vaccine–Induced Immune Thrombotic Thrombocytopenia. JAMA Neurology.
- MacIntyre et al. (2021) Thrombosis with Thrombocytopenia Syndrome (TTS) following AstraZeneca ChAdOx1 nCoV-19 (AZD1222) COVID-19 vaccination – A risk–benefit analysis for people < 60 years in Australia. Vaccine.
- Soboleva et al. (2022) Geographical distribution of TTS cases following AZD1222 (ChAdOx1 nCoV-19) vaccination. Lancet Global Health.
- Li et al. (2022) Comparative risk of thrombosis with thrombocytopenia syndrome or thromboembolic events associated with different covid-19 vaccines: international network cohort study from five European countries and the US. BMJ.
- Lane and Shakir (2022) Assessing Case Fatality on Cases of Thrombosis with Concurrent Thrombocytopenia Following COVID-19 Vaccine AstraZeneca (Vaxzevria) in the United Kingdom: A Review of Spontaneously Reported Data. Drug Safety.