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Les crèmes solaires ne provoquent pas le cancer et n’empêchent pas la synthèse de la vitamine D

Posté le : 29 Juil 2025

à RETENIR

  • Aucune étude ne permet à ce jour d’affirmer que les crèmes solaires ont un caractère cancérogène. 
  • Leur effet de perturbateur endocrinien n’est à ce jour pas démontré mais des études plus poussées sont nécessaires.
  • Les crèmes solaires peuvent potentiellement freiner la production de vitamine D, mais une exposition régulière de quelques minutes par jour suffit pour assurer une  production suffisante qui s’ajoute aux apports alimentaires. 
  • L’application d’une crème solaire permet de se protéger du coup de Soleil et du vieillissement de la peau. L’action préventive contre les cancers cutanés comme le mélanome est suggérée par les études, mais pas fortement établie. 
  • Il n’existe pas d’écran total, et pas de “bronzage sain”. Les recommandations restent une exposition modérée avec protection solaire, et le reste du temps le port de vêtements longs ainsi que des activités à l’ombre. 

Contenu vérifié

Infondé

Les crèmes solaires bloquent la synthèse de la vitamine D; Les crèmes solaires sont cancérogènes

Source : Facebook, YouTube, Utilisateurs de médias sociaux, 11 Juil 2025

Détail du verdict

Infondé :

Aucune étude ne montre un caractère cancérogène des crèmes solaires

Manque de contexte :

Les crèmes solaires ne bloquent que partiellement la production de vitamine D. En plus d’un apport par l’alimentation, une exposition courte du visage et des bras au Soleil permet d’en assurer une synthèse suffisante.  

AFFIRMATION COMPLÈTE

Pour synthétiser la vitamine D, il faut s'exposer 30 minutes au soleil, de préférence le torse nu, lorsque le soleil est le plus haut. La crème solaire empêche la synthèse de vitamine D”; Les crèmes solaires sont pleines de produits chimiques qui causent le cancer; l’oxybenzone ou l’oxynoxate sont des perturbateurs endocriniens”

Vérification

L’été est synonyme d’exposition au Soleil et de bronzage. Si l’usage de crème solaire pour protéger sa peau est largement recommandé par les dermatologues, beaucoup d’affirmations sont relayées sur les réseaux sociaux : ces crèmes empêcheraient la synthèse de la vitamine D par l’organisme, et seraient même cancérogènes. Certains comptes invitent à s’exposer au Soleil plusieurs dizaines de minutes sans crème pour favoriser cette production de vitamine D. 

Comme nous allons le montrer dans cet article, ces affirmations sont très approximatives ou même erronées. Dans leur usage habituel, les crèmes solaires n’empêchent pas la fabrication de vitamine D et protègent de certains effets du rayonnement UV émis par le Soleil, qui reste nocif. 

L’essentiel sur le Soleil et la peau

Le Soleil émet de la lumière visible, mais aussi des rayonnements invisibles notamment dans l’ultraviolet (UV). Deux types de rayonnement UV atteignent la surface terrestre, qui se différencient par leur longueur d’onde.

  • les UV A :
    Ils pénètrent profondément l’épiderme et le derme. Ils stimulent des cellules appelées mélanocytes, qui vont produire un pigment, la mélanine. Il en résulte la coloration immédiate de la peau. Les UVA sont aussi responsables du vieillissement prématuré de la peau, car ils détruisent le collagène, principale protéine de structure de la peau, et l’élastine qui lui donnent sa souplesse.
  • les UV B : 
    Ils pénètrent plus superficiellement le derme et activent eux aussi la production de mélanine, avec pour résultat un bronzage plus durable (3 à 4 semaines). Dans le cas d’une exposition au Soleil excessive, les UV B déclenchent un mécanisme inflammatoire : les cellules vont se détruire, la peau va peler au bout de 24 heures environ. C’est le coup de Soleil.

L’Institut national du cancer (INCA) souligne qu’« il n’y a pas de bronzage sain », dans le sens où le bronzage est dans tous les cas une réponse à une agression de la peau par les UV, qui peut se traduire par des dommages multiples (Figure 1).

Figure 1 – Dommages causés à l’organisme par l’exposition aux UV du Soleil et des lampes à bronzer. Source : Institut national du Cancer

Quel niveau de protection pour les crèmes solaires ?

Il faut noter d’emblée que les filtres solaires contenus dans les crèmes ne protègent jamais à 100% des rayonnements UV. 

Le facteur de protection solaire (FPS) doit être affiché sur ces produits, avec une mention qui va de “faible protection” (FPS 6) à très haute protection (FPS 50). Ce chiffre informe sur la proportion d’UV transmis à la peau malgré l’application de crème. Par exemple, un écran solaire FPS 10 laisse passer: 1/10 soit 10% des UV, il protège donc de 90% des UV. Un écran FPS 50 : 1/50 soit 2% d’UV, il protège donc de 98% des UV. 

Le choix d’une crème dépend de l’indice UV (une information souvent donnée par les bulletins météo) et de son type de peau

Les recommandations pour l’usage des crèmes solaires sont :

  • Utiliser un indice FPS 30 minimum, actifs à la fois vis-à-vis des UVB et des UVA 
  • Appliquer en couche suffisante sur toutes les parties du corps non couvertes par des vêtements
  • Renouveler l’application toutes les 2 heures et après chaque baignade.

Les cancers de la peau

Il en existe trois types

  • Les carcinomes basocellulaires : les plus fréquents (70% des cancers cutanés), ils sont localisés et sont guéris par leur ablation.
  • Les carcinomes épidermoïdes (20%) sont plus agressifs et peuvent produire des métastases
  • Les mélanomes (10%) sont les plus dangereux. Ils peuvent apparaître spontanément où à partir d’un nævus (grain de beauté). S’ils ne sont pas détectés à temps, ils ont une forte tendance à produire des métastases.

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé cancérogène pour l’humain le rayonnement UV solaire ainsi que celui émis par les appareils de bronzage artificiel. Une étude a montré qu’en 2022, plus de 80% des cas de mélanome cutané recensés dans le monde sont attribuables au rayonnement ultraviolet[1]

En 2022, plus de 300 000 cas et plus de 50 000 décès dûs au mélanome ont été répertoriés dans le monde. Ces cas ne sont pas également répartis. Les régions du monde les plus touchées sont l’Australie/Nouvelle Zélande, l’Amérique du Nord et l’Europe (Figure 2).  

Figure 2 – pourcentage de cas de mélanome attribuables au rayonnement UV, par pays, chiffres disponibles : 2012. Source : OMS.

À l’échelle mondiale, les projections montrent que le nombre de cas annuels de mélanome lié à l’exposition aux UV devrait augmenter de plus de 50% entre 2020 et 2040[2]

En France, le mélanome cutané a augmenté de 3,4 à 4% par an chez l’homme et 2% par an chez la femme entre 1999 et 2018. Chez l’homme, c’ est le cancer dont l’incidence augmente le plus parmi les tumeurs solides sur cette période. 

Quel effet préventif des crèmes solaires contre les cancers cutanés ?

S’il est démontré que les crèmes solaires protègent du coup de Soleil et aident à prévenir le vieillissement de la peau [3], leur rôle préventif contre les cancers cutanés reste discuté, d’autant qu’il existe de nombreux produits avec des formulations différentes.  

Il n’y a en effet que peu d’études de grande ampleur chez l’humain, celles-ci devant se dérouler sur de très longues durées pour détecter l’apparition des mélanomes. Une étude a été menée en Australie de 1992 à 1996 sur un échantillon de 1 621 personnes, qui devaient s’appliquer de la crème solaire sur le visage et les bras, soit obligatoirement de manière quotidienne, soit occasionnellement à leur initiative (groupe de contrôle). Ces personnes ont ensuite été suivies pendant dix ans. Il apparaît que le groupe avec crème solaire obligatoire présente moins de mélanomes (11 cas) que le groupe contrôle (22), ce qui suggère un effet préventif de l’écran solaire sur ce type de cancer. À noter que les auteurs précisent avoir reçu un financement d’un industriel de la cosmétique[4] [5].

Affirmation 1 :

Les crèmes solaires provoquent le cancer – elles contiennent des perturbateurs endocriniens

Un post facebook recommande de s’exposer « 30 minutes au Soleil torse nu quand le Soleil est le plus haut ». C’est inutile, voire dangereux pour des enfants notamment. 

Qu’est-ce que la vitamine D ?

La vitamine D est essentielle à l’organisme. Elle permet à notre squelette d’absorber le calcium et contribue à la solidité des os et au bon fonctionnement de nos muscles et de notre système nerveux. Elle joue également un rôle dans la régulation hormonale et le fonctionnement du système immunitaire. 

Si on la trouve dans certains aliments (poissons gras, laitages), sa source principale provient de notre organisme qui est capable d’en réaliser la synthèse, grâce aux UV du rayonnement solaire.

Ceux-ci transforment en effet une molécule précurseur, le 7-déhydrocholestérol, contenue dans la peau (en haut) en vitamine D prise en charge par le foie (au centre) et les reins (en bas) (Figure 3).

Figure 3 – Les sources de vitamine D et ses transformations dans l’organisme. Source : Leccia, 2013.

Les crèmes solaires empêchent-elles la production de vitamine D par l’organisme ?

Des études ont été menées en laboratoire et en extérieur pour savoir si les écrans solaires avaient un impact sur la vitamine D, et leurs résultats peuvent diverger.

En laboratoire, une étude suivant selon un protocole strict d’application (2 mg/cm2 de peau) sur des volontaires humains et de la peau humaine in vitro montre que l’écran solaire fait obstacle à la synthèse de vitamine D [6]. Cependant, chez l’humain, en conditions réelles, l’application de crème solaire est le plus souvent moins abondante et moins rigoureuse. Des études menées en Europe et aux Etats-Unis  montrent ainsi que  les personnes ont tendance à ne pas appliquer de crème sur les parties les plus fréquemment exposées comme le visage ou les bras, utilisent moins de crème et l’appliquent moins fréquemment que recommandé[7]

Un article qui passe en revue les publications scientifiques sur le sujet (études expérimentales et de terrain) indique que l’utilisation de crèmes solaires d’un niveau moyen de protection = SPF 15, qui protège de 85% des UV) ne semble pas compromettre la synthèse de vitamine D. L’équipe souligne toutefois que les données manquent pour les écrans avec un indice plus élevé (30 et plus)[8]. 

Un panel d’experts indique également, en se basant sur les publications scientifiques disponibles, que l’usage de crème solaire durant les loisirs en extérieur ne compromet pas la synthèse de vitamine D par l’organisme[9].

Globalement, les études soulignent que le bénéfice d’appliquer une protection solaire pour se protéger des UV est considéré comme supérieur, comparé au léger déficit dans la synthèse de la vitamine D que celle-ci pourrait provoquer. 

Combien de temps faut-il s’exposer au Soleil pour fabriquer suffisamment de vitamine D ?

Il est inutile voire dangereux de s’exposer de larges parties du corps pendant plusieurs dizaines de minutes sans écran solaire dans le but de fabriquer suffisamment de vitamine D. Quelques minutes par jour sur une surface restreinte du corps (visage, bras) suffisent, cette durée dépendant du type de peau. D’autant que la vitamine D est aussi apportée par l’alimentation : le jaune d’oeuf, la viande, les laitages en contiennent de petites quantités, et il existe des aliments complémentés en vitamine D.  

L’INCA indique ainsi :

“De courtes expositions au soleil d’une petite partie du corps (visage et avant-bras) suffisent à la synthèse d’une quantité suffisante de vitamine D, permettant d’éviter toute carence.

Ainsi, pour une personne de peau claire vivant en France métropolitaine, une exposition de 5 à 10 minutes du visage et des avant-bras, 2 à 3 fois par semaine lors d’une journée ensoleillée entre avril et septembre, est suffisante.

Cependant, pour les personnes à la peau foncée ou noire, une production équivalente de vitamine D peut nécessiter 3 à 6 fois plus d’expositions au soleil que pour celles à la peau claire en métropole, soit une exposition de 15 à 30 minutes par jour.”

Affirmation 2 : 

Les crèmes solaires provoquent le cancer – elles contiennent des perturbateurs endocriniens

L’affirmation que les crèmes solaires peuvent causer le cancer, comme ici sur cette vidéo publiée sur Facebook, ou encore cette autre sur YouTube, ne repose sur aucune donnée probante et a déjà été vérifiée par Science Feedback (lire ici et ici – en anglais)

Un des arguments les plus souvent avancés est que les cancers de la peau ont augmenté depuis que l’usage des crèmes solaires s’est généralisé dans les années 1980.  

Certaines études démontrent même que les utilisateurs de crème solaire sont davantage affectés par les cancers de la peau que ceux qui n’en utilisent pas[10].  

Ce paradoxe apparent est explicable. En effet, il a été démontré que les personnes utilisant des crèmes solaires ont une tendance à s’exposer beaucoup plus fréquemment et longtemps au Soleil,car elles ont un faux sentiment de sécurité, avec par conséquent un risque plus élevé[11]. Par ailleurs, la “culture du bronzage” dans les pays occidentaux a probablement contribué à l’augmentation des cancers de la peau ces dernières décennies.

Des perturbateurs endocriniens dans les crèmes solaires ?

Les composés des crèmes solaires sont présumés demeurer à la surface de la peau. Or, en 2019 et 2020, la Food and Drug Administration (FDA, agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux) a montré que certains composés pouvaient passer dans la circulation sanguine [12][13]

Il s’agit notamment de l’oxybenzone et de l’octinoxate, utilisés comme filtres du rayonnement UV et qui sont potentiellement des perturbateurs endocriniens.  Cependant, une revue de 19 publications scientifiques sur le sujet n’a pas permis de conclure à un effet sur la fertilité, les hormones de la reproduction, le développement neurologique des enfants ou d’autres effets attribuables aux perturbateurs endocriniens[14].  Les auteurs indiquent qu’une étude de grande ampleur sur le long terme devra être menée pour évaluer précisément ce type de risque. 

Conclusion :

Aucune étude ne permet à ce jour d’affirmer que les crèmes solaires, dont il existe de multiples formulations, ont un caractère cancérogène. 

Concernant les perturbateurs endocriniens qu’elles pourraient contenir, les travaux scientifiques disponibles n’ont à ce jour pas montré cet effet sur l’organisme humain, mais des études plus poussées sur le long terme sont nécessaires. 

Les crèmes solaires peuvent potentiellement freiner la production de vitamine D par l’organisme sous l’effet des rayons UV. Cependant, elles ne les bloquent pas à 100%. Une exposition courte et régulière du visage et des bras suffit à combler les besoins en vitamine D. 

L’application d’une crème solaire permet de se protéger du coup de Soleil et du vieillissement de la peau. L’action préventive contre les cancers cutanés comme le mélanome est suggérée, mais pas fortement établie. Les études doivent se dérouler sur un temps très long (10 à 20 ans) pour observer l’apparition de mélanomes. 

Il n’existe pas d’écran total, et pas de “bronzage sain”. Les recommandations restent une exposition modérée avec protection solaire, et le reste du temps le port de vêtements longs ainsi que des activités à l’ombre. 

Références :

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