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L’efficacité de l’ivermectine contre le COVID-19 n’a toujours pas été démontrée, en dépit des affirmations récurrentes du contraire sur internet
à retenir
L’ivermectine est utilisée chez l’humain en tant que médicament antiparasitaire sûr et efficace. Cependant, ce seul fait ne justifie pas son usage pour d’autres maladies, y compris le COVID-19, tant que des essais cliniques n’ont pas apporté la preuve de son efficacité et de son innocuité dans ce cas précis. Pour l’instant, les essais cliniques rigoureux et de grande ampleur n’ont pas pu mettre en évidence d’effet positif de l’ivermectine dans la réduction de la sévérité du COVID-19, du taux d’hospitalisation ou de la mortalité. En conséquence, l’ivermectine n’est actuellement pas recommandée comme traitement contre le COVID-19.
Reviewed content
Verdict :
Affirmation :
Verdict detail
Preuves insuffisantes:
L’affirmation que l’ivermectine est un traitement efficace contre le COVID-19 repose sur des études défaillantes. A l’inverse, des essais cliniques rigoureux de grande échelle n’ont pas démontré pour l’heure de bénéfices clairs de l’ivermectine dans le traitement des patients COVID-19.
Trompeur:
Le fait que l’ivermectine soit sûre et efficace contre les infections parasitaires ne garantit pas qu’elle le soit également contre le COVID-19. Pour que ce soit le cas, il faudrait que des essais cliniques démontrent spécifiquement son efficacité et innocuité chez des patients COVID-19.
Full Claim
Vérification
Le 29 décembre 2022, le site internet Epoch Times a reproduit un article de la naturopathe Colleen Huber intitulé “Ivermectin is Safe and Effective: The Evidence” (“Les preuves que l’ivermectin est sûre et efficace”).
Publié dans un premier temps en version anglaise sur Substack le 9 septembre 2021, cet article accuse les autorités de santé et les médias d’ignorer les preuves démontrant l’innocuité et l’efficacité de l’ivermectine comme traitement du COVID-19. Toutefois, cette affirmation est trompeuse et n’est pas étayée par les faits scientifiques. Il est vrai que l’ivermectine est sûre et efficace contre de nombreuses infections parasitaires chez l’humain ou l’animal. Cependant, cela n’a pas été établi dans le cadre du COVID-19.
Compte tenu du manque de données, les agences régulatrices et les autorités de santé comme l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la Food and Drug Administration (FDA) américaine, l’European Medicine Agency (EMA) européenne ou encore l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) française, ont toutes déconseillé l’utilisation de l’ivermectine pour soigner ou prévenir le COVID-19, en dehors du cadre d’essais cliniques.
La sécurité et l’efficacité de l’ivermectine sont démontrées contre les infections parasitaires, mais pas comme antiviral chez les patients COVID-19
L’article de Colleen Huber présente l’ivermectine comme un médicament “extrêmement sûr, efficace, et bon marché” qui fait partie de la liste de référence de 2019 des médicaments essentiels de l’OMS, en raison de sa sécurité et de son efficacité. Bien que ceci soit factuellement exact, cette manière de présenter les choses induit le lecteur à croire que ce statut s’applique également au traitement ou à la prévention du COVID-19, ce qui n’est pas le cas.
L’ivermectin est un dérivé de l’avermectin, une molécule naturelle découverte à la fin des années 70 par William Campbell et Satoshi Omura. l’Ivermectin a été utilisée en toute sécurité comme antiparasitaire pendant plus de trois décennies, ce qui a valu à Campbell et Omura le Prix Nobel de Physiologie et Médecine en 2015.
Cependant, le fait que l’ivermectine soit sûre et efficace contre un type d’agent infectieux, comme les parasites, n’est pas la preuve qu’elle aura les mêmes propriétés contre un autre type d’agent infectieux, tel le virus SARS-CoV-2. De nouveaux essais cliniques sont nécessaires, même pour les médicaments déjà en circulation, pour démontrer leur efficacité et leur innocuité pour les patients atteints d’une autre maladie.
Des travaux effectués sur des cellules cultivées en laboratoire ont certes montré que l’ivermectine possédait des propriétés antivirales, y compris contre SARS-CoV-2[1-5]. Toutefois, les propriétés d’une molécule sur un groupe de cellules poussant dans une boîte de Pétri ne reflètent pas nécessairement leur effet dans le corps humain, qui est beaucoup plus complexe. Or, les preuves définitives de l’efficacité et de l’innocuité de l’ivermectine dans le corps humain sont uniquement disponibles pour les infections parasitaires, et non pour l’infection par SARS-CoV-2.
Les preuves citées dans l’article de Huber sont biaisées et ne justifient pas l’usage de l’ivermectine chez les patients COVID-19
Une des principaux éléments de preuve présentés dans l’article est une “méta-analyse de 63 études sur l’ivermectine contre le COVID-19 chez l’humain”. Une méta-analyse est un type d’analyse qui combine les données de plusieurs études afin d’augmenter sa puissance statistique. A partir des résultats de cette méta-analyse, Huber conclut que l’ivermectine utilisée en traitement précoce conduisait à une “amélioration” de 69% chez les patients traités, et réduisait la mortalité de 76% comparé au groupe contrôle. Huber affirme également que l’utilisation de l’ivermectine avant l’exposition au virus, dans le but de prévenir l’infection, entraîne une amélioration de 86%.
L’article n’inclut aucune référence bibliographique pour cette méta-analyse. Cependant, les descriptions faites par Huber suggèrent qu’il puisse s’agir d’une analyse publiée sur le site internet c19ivm.org. Bien que cette page soit régulièrement mise à jour, une version archivée du 7 septembre 2021 comporte 63 études ainsi qu’un texte et des figures très proches de ce qui est présenté dans l’article de Huber deux jours plus tard.
Le site internet affirme présenter une “analyse en temps réel” de l’usage de l’ivermectine comme traitement contre le COVID-19. Il présente en conclusion que “l’ivermectine est un traitement efficace du COVID-19”, tout particulièrement lorsqu’elle est utilisée de manière précoce. Cependant, plusieurs problèmes laissent place au doute sur la validité des résultats et de la conclusion.
Un problème central est la qualité des études. A en croire le site internet, la méta-analyse inclut des études cliniques évaluant l’effet de l’ivermectine chez les patients COVID-19 par rapport à un groupe contrôle. Seulement 44 de ces études ont été revues par les pairs, les 19 restantes étant des pré-publications—des manuscrits qui n’ont pas encore été revus par d’autres chercheurs. Les auteurs de la méta-analyse ont récupéré ces études à partir de bases données bibliographiques, de serveurs de pré-publication, de registres d’essais cliniques, ainsi que via la soumission spontanée sur leur site.
Un examen plus approfondi des références bibliographiques fournies montrent qu’au moins six d’entre elles, dont trois études revues par les pairs, ont été rétractées pour contenir des affirmations sans fondements ou à causes de problèmes éthiques ou méthodologiques. Au moins une autre étude a fait l’objet d’une notice d’avertissement (expression of concern). Le fait d’inclure de tels articles pose inévitablement la question de la qualité des autres données incluses dans la méta-analyse, ce qui peut grandement affecter ses conclusions et les rendre peu fiables.
Un article de septembre 2021 sur le site internet Ars Technica a mise en avant de nombreux autres problèmes méthodologiques de cette méta-analyse, comme l’agrégation de données provenant d’études dont la conception, les populations étudiées, les résultats pris en comptes ou les doses d’ivermectine diffèrent grandement. Comme l’article de Ars Technica explique, une telle hétérogénéité des données dans une analyse qui, par ailleurs, n’a pas pris en compte les biais éventuels, n’a que peu de chance de fournir des résultats fiables.
Un autre élément préoccupant est que le site c19ivm promeut d’autres substances comme traitements efficaces contre le COVID-19 en plus de l’ivermectine, telle que l’hydroxychloroquine, le zinc et les vitamines, et ce en l’absence de preuves scientifiques. Enfin, le site c19ivm ne divulgue pas l’identité de ses auteurs, leurs affiliations, ou leurs possibles conflits d’intérêts. A la place, il mentionne simplement: “nous sommes des chercheurs diplômés, scientifiques, simples personnes qui espèrent apporter une contribution”, ce qui rend impossible de juger de l’expertise des auteurs dans ce domaine.
Les essais cliniques de grande échelle n’ont pas identifié de bénéfices des traitements à l’ivermectine chez les patients COVID-19
Des résultats précliniques ont suggéré que l’ivermectine pouvait bénéficier aux patients COVID-19[5,6]. Ces résultats ont poussé des chercheurs du monde entier à lancer des essais cliniques pour évaluer l’efficacité de l’ivermectine contre le COVID-19. Alors que les vaccins contre le COVID-19 n’étaient pas encore disponibles, l’ivermectine est devenue de plus en plus populaire comme “remède miracle” parmi certains médecins et patients, en dépit du manque de preuves soutenant son usage contre le COVID-19.
En octobre 2021, la BBC a rapporté que “plus d’un tiers des 26 principaux essais cliniques sur l’usage de [l’ivermectine] contre le COVID présente des erreurs sérieuses ou des signes de fraudes éventuelles”. Retraction Watch, un blog qui suit les rétractations d’études scientifiques, a posté un fil Twitter listant toutes les études sur l’ivermectine rétractées jusqu’en juillet 2022.
Comme Health Feedback l’a expliqué dans plusieurs articles précédents, les essais cliniques contrôlés randomisés n’ont pas montré de bénéfice du traitement à l’ivermectine pour les patients COVID-19[7-10]. Une revue bibliographique rétrospective de juillet 2021 a conclu que la plupart des preuves disponibles à cette date étaient de piètre qualité et ne supportaient pas “l’utilisation de l’ivermectine pour le traitement ou la prévention du COVID-19, en dehors des essais cliniques conçus de manière adéquate”. Dans une mise à jour de juin 2022, cette revue concluait qu’il n’y avait “aucune preuve supportant l’usage de l’ivermectine pour traiter le COVID-19 ou pour prévenir l’infection à SARS-CoV-2”[11].
“Pour les patients en ambulatoire, nous disposons de données variant de faible à haute qualité montrant que l’ivermectine n’a pas d’effet bénéfique sur les personnes atteintes de COVID-19. Les données de très faible qualité disponibles pour les patients hospitalisés ne permettent pas de dire si l’ivermectine prévient la mort ou la dégradation clinique du patient ou si elle augmente les risques d’événements indésirables graves. A contrario, des données de basse qualité sont disponibles et montrent qu’il n’y a aucun effet sur l’amélioration clinique, la clairance virale, et les événements indésirables.”
Conclusion:
L’article reproduit par l’Epoch Times affirmant apporter des preuves que l’ivermectine est un traitement sûr et efficace du COVID-19 est infondé et trompeur. Une partie de son argumentaire repose sur la sûreté et l’efficacité contre les infections parasitaires, pas contre le COVID-19. Une autre partie repose sur une méta-analyse d’origine incertaine, dont les conclusions ne sont pas fiables en raison de plusieurs failles méthodologiques. Ces données sont insuffisantes pour supplanter les conclusions de plusieurs essais cliniques de grande échelle chez l’humain qui n’ont pas mis en évidence de bénéfice de l’ivermectine dans le traitement des patients COVID-19.
References:
- Götz et al. (2016). Influenza A viruses escape from MxA restriction at the expense of efficient nuclear vRNP import. Scientific Reports.
- Lundberg et al. (2013) Nuclear import and export inhibitors alter capsid protein distribution in mammalian cells and reduce Venezuelan Equine Encephalitis Virus replication. Antiviral Research.
- Tay et al. (2013) Nuclear localization of dengue virus (DENV) 1–4 non-structural protein 5; protection against all 4 DENV serotypes by the inhibitor Ivermectin. Antiviral Research.
- Wagstaff et al. (2012) Ivermectin is a specific inhibitor of importin α/β-mediated nuclear import able to inhibit replication of HIV-1 and dengue virus. Biochemical Journal.
- Caly et al. (2020) The FDA-approved drug ivermectin inhibits the replication of SARS-CoV-2 in vitro. Antiviral Research.
- Dias de Melo et al. (2020) Anti-COVID-19 efficacy of ivermectin in the golden hamster. EMBO Molecular Medicine.
- Reis et al. (2022) Effect of Early Treatment with Ivermectin among Patients with Covid-19. New England Journal of Medicine.
- Lim et al. (2022) Efficacy of Ivermectin Treatment on Disease Progression Among Adults With Mild to Moderate COVID-19 and Comorbidities: The I-TECH Randomized Clinical Trial. JAMA Internal Medicine.
- Bramante et al. (2022) Randomized Trial of Metformin, Ivermectin, and Fluvoxamine for Covid-19. New England Journal of Medicine.
- Naggie et al. (2022) Effect of Ivermectin vs Placebo on Time to Sustained Recovery in Outpatients With Mild to Moderate COVID-19: A Randomized Clinical Trial. JAMA.
- Popp et al. (2022) Ivermectin for preventing and treating COVID-19. Cochrane Database of Systematic Reviews.