- Santé
L’étude des chercheurs de l’Université de Lund n’a pas montré que les vaccins à ARNm COVID-19 modifient notre ADN
À retenir
La transcription inverse est un processus utilisant l’ARN comme modèle pour produire de l’ADN à partir d’une enzyme nommée transcriptase inverse. En théorie, si l’ARNm des vaccins peut être converti en ADN par transcription inverse, il n’existe aucune preuve scientifique démontrant que ce processus se produit chez l’humain ou qu’il conduit à l’intégration d’ADN dans le génome.
éLément analysé
Verdict :
Affirmation :
détails Du verdict
Factuellement faux:
L’étude n’a pas montré que l’ADN rétrotranscrit entrait dans le noyau. Elle n’a pas non plus montré que l’ADN était intégré au génome de la cellule.
Sans fondement:
Le système expérimental utilisé dans l’étude de l’Université de Lund est artificiel. Les chercheurs ont notamment utilisé des cellules cancéreuses du foie développées en laboratoire, non-représentatives de cellules saines ou du corps humain pour vérifier si l’ARNm du vaccin subissait une transcription inverse. Les résultats de l’étude ne peuvent donc pas être extrapolés à l’humain.
Affirmation complète
Vérification
Une étude publiée par des chercheurs de l’Université de Lund en Suède a fait le tour du monde fin février 2022[1], de nombreux articles l’ayant partagée comme preuve que les vaccins à ARNm contre le COVID-19 modifient notre ADN (voir les exemples ici, ici et ici). Ces articles ont amené les lecteurs à croire que l’étude contredisait les déclarations faites par les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies ou l’INSERM, comme le montrent les partages de l’article ici et ici.
L’affirmation erronée selon laquelle les vaccins à ARNm contre la COVID-19 modifient notre ADN circule depuis le milieu de l’année 2020, comme l’a documenté cet article de Health Feedback. Et la récente étude des chercheurs de l’Université de Lund n’apporte aucune preuve du contraire. Cet article de vérification explique ce que l’étude rapporte, ce que les résultats signifient (et ce qu’ils ne signifient pas), et montre pourquoi cette affirmation est inexacte et trompeuse.
Les bases de l’étude et ce qu’elle rapporte
L’étude, intitulée « Intracellular Reverse Transcription of Pfizer BioNTech COVID-19 mRNA Vaccine BNT162b2 In Vitro in Human Liver Cell Line » (Transcription inverse intracellulaire du vaccin ARNm contre le COVID-19 BNT162b2 de Pfizer BioNTech in vitro dans une lignée de cellules hépatiques humaines), s’appuie sur une étude antérieure controversée de Zhang et al. publiée en mai 2021 dans la revue PNAS [2]. Dans cet essai, les scientifiques ont déclaré que les cellules infectées par le SARS-CoV-2 portaient des copies d’ADN du matériel génétique du virus. Zhang et al. ont également déclaré que la présence de ces copies d’ADN dans le génome des cellules a été rendue possible grâce à l’action d’un élément transposable nommé LINE-1 qui est présent dans l’ADN humain. Les éléments transposables, découverts par la généticienne Barbara McClintock, sont également connus sous le nom de « gènes sauteurs » en raison de leur capacité à se déplacer d’un endroit à l’autre du génome.
Cette capacité est due en partie à une enzyme appelée transcriptase inverse, pour laquelle code l’élément LINE-1. La transcriptase inverse permet la production d’ADN à partir d’ARN. En théorie, l’ARN viral pourrait donc être rétrotranscrit en ADN grâce à l’activité de la transcriptase inverse de l’élément LINE-1.
L’étude de Zhang et al. est controversée car d’autres scientifiques n’ont pas été en mesure de reproduire leurs résultats[3]. Dans une lettre adressée à PNAS[4], un autre groupe de chercheurs a remis en question les conclusions de l’étude de Zhang et al. en soulignant plusieurs failles méthodologiques dans l’expérience et suggérant que les résultats de l’étude étaient probablement dus à des artefacts expérimentaux plutôt qu’à un phénomène authentique. La lettre appelait à la prudence quant à l’interprétation de l’étude :
“Étant donné l’interprétation incorrecte des méthodes de séquençage à haut débit et le design inadéquat de l’expérience des auteurs, nous appelons à la retenue quant aux conclusions présentées par l’étude. Il reste peu probable que la rétrotranscription et l’intégration du génome du SRAS-CoV-2 chez les patients se produisent à une fréquence notable, voire qu’elles se produisent tout court.”
En dépit de la controverse autour de l’étude de Zhang et al., Aldén et al. de l’Université de Lund ont formulé l’hypothèse que la rétrotranscription de l’ADN dans les cellules infectées par le SRAS-CoV-2 pourrait également se produire dans le contexte des vaccins à ARNm. Une telle hypothèse, comme l’ont souligné les auteurs, a des implications pour la sécurité des vaccins, car l’intégration d’ADN étranger dans le génome pourrait entraîner des complications, notamment cancéreuses. L’étude de l’Université de Lund ne fait aucune référence à l’étude[3] qui n’a pas réussi à reproduire les résultats de Zhang et al.
Dans leur étude, les scientifiques ont ajouté des quantités variables de vaccin Pfizer-BioNTech COVID-19 à une culture cellulaire de cellules hépatiques humaines dérivées d’un hépatocarcinome (cancer du foie). Cette lignée de cellules hépatiques humaines est appelée Huh7.
Les scientifiques ont ensuite mesuré la quantité de LINE-1 dans les cellules et la présence d’ADN rétrotranscrit correspondant à l’ARNm du vaccin. Ils ont rapporté que les cellules contenaient plus de LINE-1 après l’exposition à l’ARNm du vaccin et que des copies au minimum partielles d’ADN issues de cet ARNm étaient présentes.
Sur la base de ces résultats, ils ont suggéré que le vaccin pourrait affecter l’intégrité du génome humain, entraînant des problèmes de santé, comme en témoigne cette extrait : « Notre étude montre que BNT162b2 peut être rétrotranscrit en ADN dans la lignée cellulaire hépatique Huh7 et, si l’ADN dérivé de BNT162b2 est intégré dans le génome de l’hôte, affecter l’intégrité de l’ADN génomique et provoquer des effets secondaires génotoxiques, ce qui est préoccupant. »
L’étude n’a pas montré que l’ADN rétrotranscrit entrait dans le noyau; son système expérimental est artificiel et non représentatif des cellules normales
L’affirmation selon laquelle l’étude a montré que les vaccins à ARNm contre le COVID-19 modifient notre ADN ou entrent dans le noyau est inexacte. Il s’agit d’une mauvaise interprétation des résultats de l’étude.
Contrairement à ce que prétendent des publications comme celle de l’Epoch Times, l’étude n’a pas montré que l’ARNm ou l’ADN rétrotranscrit pénétraient dans le noyau des cellules. Le noyau contient l’ADN d’un organisme. Rhys Parry, chercheur postdoctoral à l’Université du Queensland qui étudie l’évolution virale, a déclaré à Health Feedback que l’expérience d’immunofluorescence de l’étude a montré que la protéine LINE-1 (en rouge/le noyau est marqué en bleu) est principalement présente dans le cytoplasme de la cellule, et ce même en l’absence du vaccin. [Voir les commentaires complets de Parry ci-dessous. Note de l’éditeur : dans un souci de transparence, nous devons signaler que Parry fait partie des scientifiques qui ont rédigé la lettre au PNAS mentionnée ci-dessus].
« Il n’y a pas d’augmentation du signal dans les régions correspondant au noyau quand la concentration d’ARNm augmente. En fait, vous pouvez clairement voir l’espace vide qui correspond au noyau,” a souligné Parry.
« Par conséquent, je ne suis pas d’accord pour dire que l’étude montre une augmentation de la localisation nucléaire de LINE-1 de manière convaincante. En vérité, elle montre simplement que l’expression de LINE-1 augmente dans le cytoplasme des cellules. Ce n’est pas parce que vous avez une plus grande expression d’une protéine que la distribution de cette protéine change fondamentalement,” a-t-il expliqué.
Plus important encore, l’étude n’a jamais montré que l’ADN rétrotranscrit s’intégrait dans le génome de la cellule. « Il n’y a aucune preuve présentée [dans l’étude montrant] que l’ARNm est intégré dans le génome des cellules hôtes », a déclaré Parry. « Il n’y a pas de séquençage à haut débit de la lignée cellulaire Huh7 et aucune preuve d’autres méthodes conventionnelles de détection de l’ADN [génomique] telles que le Southern blot. »
D’ailleurs, Aldén et al. l’ont même reconnu dans leur étude en notant que « À ce stade, nous ne savons pas si l’ADN rétrotranscrit à partir de BNT162b2 est intégré dans le génome cellulaire. »
D’autres scientifiques, comme le chirurgien et chercheur en cancérologie David Gorski, ont souligné d’autres problèmes liés à l’étude, comme le fait que le système expérimental utilisé par Aldén et al. est artificiel. Il comportait une lignée de cellules cancéreuses qui n’est pas représentative des cellules normales. Les cellules cancéreuses sont également plus susceptibles de surexprimer LINE-1 par rapport aux cellules saines. En outre, la quantité de vaccin utilisée dans l’expérience (2 microgrammes/mL de vaccin pour 200 000 cellules) est bien plus élevée que la quantité que les adultes reçoivent par vaccination (30 microgrammes par personne).
En résumé, contrairement aux affirmations de certains médias et utilisateurs de réseaux sociaux, l’étude des chercheurs de l’Université de Lund n’a pas montré que l’ARNm ou l’ADN rétrotranscrit pénètre dans le noyau et, plus important encore, elle n’a pas montré que les vaccins à ARNm COVID-19 modifient notre ADN.
Feedback de scientifiques
Rhys Parry
Postdoctoral Research Fellow, University of Queensland
Je dirais que les articles d’actualité qui couvrent cette étude particulière sont très trompeurs et je dirais également qu’il y a un certain nombre d’affirmations de l’étude qui ne sont pas soutenues par l’étude elle-même.
L’étude menée par Aldén et ses collègues, publiée dans Current Issues in Molecular Biology, affirme qu’il existe une transcription inverse de l’ARNm Pfizer BioNTech COVID-19 dans la lignée cellulaire Huh7 du foie humain. De plus, il y a des allégations telles qu’une « distribution accrue de LINE-1 dans les noyaux » en réponse à l’ARNm COVID-19 de Pfizer-BioNTech dans la lignée cellulaire Huh7.
Il est incontestable que les rétrotransposases endogènes telles que LINE-1 sont exprimées dans les lignées cellulaires en dehors du noyau de la cellule et dans de nombreux systèmes in vitro. Si vous introduisez de l’ARN dans le système, il pourrait être rétrotranscrit (transformé en ADN) par des rétrotransposases endogènes. En vérité, sur la figure 4, Aldén et ses collègues montrent que LINE-1 est exprimé à l’état basal dans le cytoplasme qui est l’endroit où la production de la protéine Spike à partir du vaccin ARNm devrait avoir lieu.
Cependant, comme vous pouvez le voir dans cette même figure, il n’y a pas d’augmentation du signal dans les régions qui correspondent au noyau lorsque l’ARNm est augmenté : en fait, vous pouvez voir les espaces vides correspondant aux noyaux. Par conséquent, je ne suis pas d’accord pour dire que l’étude montre de manière convaincante une augmentation de la localisation nucléaire de LINE-1. Elle montre simplement que l’expression de LINE-1 augmente dans le cytoplasme des cellules. Ce n’est pas parce que vous avez une plus grande expression d’une protéine que sa distribution change fondamentalement.
Ce qui est important dans cet article, c’est que, si l’ARNm est converti en ADN dans le cytoplasme, il n’y a aucune raison de penser qu’il pénètre ensuite dans votre noyau pour s’insérer dans le génome de la cellule hôte. Cette corrélation est absente des résultats de l’article. L’article démontre simplement qu’il est possible que la transcription inverse de l’ARNm ait lieu mais il ne prouve ni n’indique la localisation de cet ADN rétrotranscrit. Fait important, aucune preuve n’est présentée pour démontrer que l’ARNm est intégré dans le génome des cellules hôtes. Il n’y a pas de séquençage à haut débit de la lignée cellulaire HuH7 et il n’y a aucune preuve d’autres méthodes conventionnelles de détection de l’ADN génomique comme le Southern blot.
Quand je vois des articles sur cette étude qui déclarent « Les résultats sont en contradiction avec l’affirmation du CDC selon laquelle le vaccin ne pénètre jamais dans le noyau », je dirais qu’ils déforment les résultats de l’étude qui n’a jamais démontré de manière catégorique que l’ADN pénètre dans le noyau.
Une étude précédente de Zhang et al. publiée dans PNAS l’année dernière[2] a également montré un résultat similaire. Un groupe de scientifiques, dont je fais partie, a rédigé une lettre de critique publiée dans le même journal pour discuter de l’interprétation inappropriée de ces résultats par les scientifiques et pour appeler à la retenue quant aux conclusions présentées par l’étude[4]. Il est également important de noter que ces résultats n’ont pas pu être reproduits par d’autres chercheurs[3].
References
- Aldén et al. (2022) Intracellular Reverse Transcription of Pfizer BioNTech COVID-19 mRNA Vaccine BNT162b2 In Vitro in Human Liver Cell Line. Current Issues in Molecular Biology. (Transcription inverse intracellulaire du vaccin ARNm Pfizer BioNTech COVID-19 BNT162b2 in vitro dans une lignée de cellules hépatiques humaines)
- Zhang et al. (2021) Reverse-transcribed SARS-CoV-2 RNA can integrate into the genome of cultured human cells and can be expressed in patient-derived tissues. PNAS. (L’ARN du SRAS-CoV-2 rétrotranscrit peut s’intégrer dans le génome de cellules humaines cultivées et s’exprimer dans les tissus dérivés de patients.)
- Smits et al. (2021) No evidence of human genome integration of SARS-CoV-2 found by long-read DNA sequencing. Cell Reports. (Aucune preuve d’intégration du SARS-CoV-2 au génome humain n’a été trouvée par séquençage génomique de troisième génération.)
- Parry et al. (2021) No evidence of SARS-CoV-2 reverse transcription and integration as the origin of chimeric transcripts in patient tissues. PNAS. (Aucune preuve de transcription inverse et d’intégration du SRAS-CoV-2 comme origine des transcrits chimériques dans les tissus des patients.)