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Une étude sur les rats suggérant un lien entre vaccins COVID-19 et autisme présente d’importantes limites et ne peut être généralisée à l’humain

Posté le : 23 Juil 2024

À RETENIR:

Le trouble du spectre autistique est un trouble neurodéveloppemental complexe qui se manifeste généralement par des difficultés d’interaction sociale et de communication, entre autres symptômes. La sévérité des symptômes peut varier considérablement. Bien que sa cause exacte reste inconnue, les recherches ont montré qu’un ensemble de facteurs génétiques et environnementaux est lié au risque d’autisme. Plus d’une dizaine d’études ont conclu à l’absence d’association entre les vaccins et l’autisme.

ÉLÉMENT ANALYSÉ

Infondé

“les vaccins Covid-19 sont liés à l’autisme chez les rats vaccinés”

Source : The Epoch Times, Facebook, Utilisateur Facebook, Naveen Athrappully, 15 Juil 2024

DÉTAIL DU VERDICT

Preuves insuffisantes:

Les conditions expérimentales de l’étude ne reflètent pas celles de la vaccination contre la COVID-19. Premièrement, l’étude a été menée uniquement sur des rats et ne peut pas être généralisée à l’humain. Deuxièmement, les rates enceintes ont reçu une dose de vaccin équivalente à la dose que recevrait un humain si on lui injectait des centaines de doses en une seule fois, ce qui soulève des doutes sur la pertinence clinique de ces résultats. 

AFFIRMATION COMPLÈTE

“les vaccins Covid-19 sont liés à l’autisme chez les rats vaccinés”

Vérification

Une étude publiée dans la revue Neurochemical Research le 10 janvier 2024 a suscité de nombreuses publications sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook et X (anciennement Twitter). Ces publications y affirmaient que l’étude montre que les vaccins à ARN messager contre le COVID-19 pouvaient provoquer de l’autisme chez les rats mâles nés de mères vaccinées.

Par exemple, The Epoch Times, connu pour avoir relayé à plusieurs reprises des informations erronées sur les vaccins contre la COVID-19, a affirmé sur la base de cette étude que “les vaccins Covid-19 sont liés à l’autisme chez les rats vaccinés”. 

Le trouble du spectre autistique est un trouble neurodéveloppemental complexe qui se manifeste généralement par des difficultés d’interaction sociale et de communication, parmi d’autres symptômes. Ces symptômes varient considérablement d’une personne à l’autre. Bien que la cause exacte de l’autisme reste inconnue, des recherches ont identifié plusieurs facteurs de risque génétiques et environnementaux, tels que l’âge avancé des parents au moment de la conception ou encore une exposition prénatale à la pollution de l’air et à certains pesticides.

Ce que l’on sait, en revanche, c’est qu’aucun lien n’a été établi entre les vaccins et l’autisme. Plus d’une dizaine d’études publiées n’ont trouvé aucune association entre les deux, comme l’ont rapporté des articles précédents de Science Feedback. Malgré cela, l’idée fausse selon laquelle les vaccins provoquent l’autisme reste vivace et continue de trouver un écho auprès des partisans du mouvement anti-vaccin, comme en témoignent les publications autour de l’étude de Neurochemical Research.

Cependant, un examen plus attentif de l’étude révèle d’importantes limites, qui ne permettent pas d’établir si la vaccination contre la COVID-19 augmente le risque d’autisme chez l’humain. Les auteurs de l’étude eux-mêmes contestent les interprétations suggérant que les vaccins COVID-19 provoquent de l’autisme chez l’homme. Voici les explications.

Que montre l’étude ?

En résumé, les auteurs ont émis l’hypothèse que la protéine spike, produite soit lors d’une infection, soit après la vaccination contre le COVID-19, pouvait entraîner une inflammation affectant le développement neuronal, notamment chez le fœtus, et augmenter ainsi le risque d’autisme.

Pour explorer cette hypothèse dans le contexte de la vaccination, ils ont divisé 15 rates en deux groupes : l’un recevant une solution saline et l’autre le vaccin à ARN messager Pfizer-BioNTech contre le COVID-19.

Après l’accouplement, les rates des deux groupes ont reçu une injection intramusculaire de solution saline ou de vaccin au 13e jour de gestation. Après la naissance des petits, leur nombre a été réduit à quatre par portée. Les auteurs ont précisé que la sélection des rats pour la réduction n’était pas influencée par leur sexe, mais aucun autre détail sur le processus de sélection n’a été fourni.

Après cette réduction, 41 petits rats restaient : dix mâles et dix femelles dans le groupe saline, treize mâles et huit femelles dans le groupe vaccin.

21 jours après la naissance, les petits ont été séparés de leurs mères et logés par sexe et par groupe de traitement. 50 jours après la naissance, les chercheurs ont évalué leur comportement à l’aide de tests mesurant leur sociabilité, leur intérêt pour la nouveauté et leur coordination motrice.

Une fois ces tests terminés, les rats ont été euthanasiés pour examiner leurs tissus cérébraux au microscope et mesurer les niveaux de certaines cytokines, comme l’interleukine 17 (IL-17) et le facteur neurotrophique dérivé du cerveau (BDNF), associés à la neuroinflammation. Les cytokines sont des molécules chimiques jouant un rôle crucial dans la communication cellulaire et de nombreux processus biologiques.

Les tests biochimiques n’ont révélé aucune différence significative entre les groupes pour les cytokines, sauf pour le BDNF, dont les niveaux étaient nettement plus faibles chez les mâles et les femelles du groupe vacciné par rapport au groupe contrôle.

Les tests comportementaux ont montré que les rats mâles exposés au vaccin pendant la gestation manifestaient moins d’inclination à socialiser et moins d’intérêt pour la nouveauté, des comportements évoquant certains traits associés à l’autisme. Aucune différence comportementale n’a été observée chez les femelles.

Les rats mâles du groupe vacciné avaient également moins de cellules dans certaines régions cérébrales par rapport aux mâles du groupe contrôle. Là encore, aucune différence n’a été notée chez les femelles.

Sur cette base, les auteurs ont conclu que le vaccin à ARN messager pouvait induire des comportements « similaires à l’autisme » chez les rats mâles, tout en avertissant que ces résultats, basés sur des modèles animaux, ne pouvaient pas être généralisés à l’humain.

L’étude a utilisé une dose équivalente à des centaines d’injections humaines

Science Feedback a contacté Mumin Alper Erdogan, l’auteur correspondant de l’étude et professeur associé à l’Université Izmir Katip Celebi.

Dans un courriel, Erdogan a précisé que lui et son équipe « ne présentent pas une évaluation clinique » sur la base des résultats de l’étude et qu’ils n’ont « aucune intention, aucun désir ou effort pour s’opposer à la vaccination ou formuler des accusations similaires ».

Il a ajouté qu’il avait lui-même été vacciné contre la COVID-19 et déclaré : « Nous ne jugeons pas approprié que cette étude soit utilisée sur une plateforme médiatique pour soutenir des opinions ou accusations personnelles. »

L’idée que cette étude suggère un lien entre les vaccins COVID-19 et l’autisme a également suscité d’importantes critiques de la part d’autres scientifiques.

L’un des principaux problèmes concerne la dose administrée : chaque rat a reçu 30 microgrammes de vaccin, soit la dose unique destinée à un humain adulte. Or, les rats utilisés dans l’étude pèsent en moyenne 220 grammes, contre 74 kilos pour un adulte moyen en France, soit environ 330 fois moins.

Ainsi, les rats ont été exposés à une dose équivalente à des centaines d’injections administrées en une seule fois, un scénario sans rapport avec la réalité des vaccinations contre la COVID-19. Ce point, bien que non mentionné dans l’étude, a été relevé sur X/Twitter, où plusieurs scientifiques remettent en question la pertinence des résultats dans le contexte vaccinal.

Viki Male, maître de conférences en immunologie reproductive à l’Imperial College London, souligne sur X : « L’étude administre aux rates enceintes l’équivalent de 300 doses de vaccin, et malgré cela, tout ce qu’ils observent est une différence subtile dans le comportement des mâles. »

Marc Veldhoen, immunologiste et professeur à l’Université de Lisbonne, pointe également cette problématique dans le choix de la dose.

Face à ces critiques, Erdogan explique qu’« il n’existe pas de standard établi pour les dosages de vaccins à ARN messager chez les rats », faute d’études spécifiques sur ce sujet. Il précise que la dose a été choisie en se basant sur les quantités minimales utilisées pour d’autres espèces, comme les poulets, les chiens et les chameaux, nécessaires pour déclencher une réponse immunitaire. « Dans ces cas, des doses autour de 30 à 40 microgrammes sont couramment utilisées, malgré les différences de taille », affirme-t-il.

Il défend également l’étude en déclarant : « Plutôt que de critiquer, nous encourageons d’autres chercheurs à utiliser des dosages différents et à partager leurs résultats dans la littérature pour permettre une comparaison ouverte. »

Un autre problème soulevé concerne la taille réduite des échantillons. Les tests biochimiques n’ont été réalisés que sur trois mâles du groupe contrôle et quatre mâles du groupe vacciné. De même, le test qPCR, utilisé pour quantifier l’ARN messager des cytokines testées, s’appuie sur les mêmes petits effectifs.

Ces échantillons limités réduisent la fiabilité des résultats, qui risquent de surestimer ou de sous-estimer les effets observés.

En outre, Veldhoen note que l’expérience semble n’avoir été réalisée qu’une seule fois, ce qui soulève des inquiétudes quant à la reproductibilité des résultats.

Enfin, l’étude ne mentionne aucune procédure de mise en aveugle. Les chercheurs savaient quels rats appartenaient au groupe contrôle ou au groupe vacciné, ce qui peut introduire des biais, en particulier si des attentes influencent l’interprétation des résultats. La mise en aveugle, par exemple en masquant les traitements pendant l’analyse, aurait permis de minimiser ce risque.

Autres problèmes observés dans l’étude

L’étude indique avoir utilisé « un système et un logiciel d’analyse comportementale basé sur l’intelligence artificielle » appelé Scove Systems. Cependant, aucune information ne permet de confirmer que ce système a été évalué de manière indépendante pour sa fiabilité. Science Feedback a également constaté que l’URL fournie dans l’étude (http://scovesystems.com/) ne fonctionnait pas et a donc contacté Erdogan pour obtenir des précisions.

Erdogan a confirmé que Scove Systems était « un système d’analyse comportementale basé sur l’IA en libre accès », développé par lui-même et ses collègues. Il a précisé qu’ils avaient également enregistré les scores comportementaux « à l’aide de la méthode d’observation classique avec des observateurs indépendants » pour valider leur système.

Étant donné qu’Erdogan est cofondateur de Scove Systems, nous lui avons également demandé si cela pouvait être perçu comme un conflit d’intérêts qui aurait dû être déclaré dans l’étude. À ce jour, l’étude affirme : « Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts. »

À cela, Erdogan a répondu que le logiciel avait été utilisé gratuitement, « sans aucun lien financier, en tant que logiciel open source pour ce projet », et qu’à ce titre, « il n’y a aucun conflit d’intérêts ». (Note de l’éditeur : Les conflits d’intérêts peuvent être d’ordre financier ou non.) Néanmoins, il a expliqué : « Nous avons informé la revue que nous ajouterons cette clarification à la section sur les conflits d’intérêts, et elle sera révisée en conséquence dans le cadre du processus de correction. »

Conclusion

Dans l’ensemble, bien que les résultats de l’étude publiée dans Neurochemical Research puissent servir de base à d’autres études exploratoires impliquant un plus grand nombre d’animaux, elle présente des limitations importantes. Ces limites empêchent de tirer des conclusions fiables sur l’effet du vaccin sur le développement des rats, et encore moins sur celui des humains. Les auteurs eux-mêmes ont averti que leurs résultats ne pouvaient pas être généralisés aux humains, car l’étude s’est limitée à des modèles animaux.

De nombreuses études scientifiques ont jusqu’à présent conclu à l’absence d’association entre autisme et vaccination. Les publications sur les réseaux sociaux qui laissent entendre que cette étude prouve que les vaccins contre la COVID-19 provoquent de l’autisme ne tiennent pas compte de ses limitations, notamment le fait qu’elle s’appuie uniquement sur des animaux et utilise une dose dont la pertinence clinique est discutable.

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