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La thermographie et les auto-examens mammaires ne remplacent pas efficacement les mammographies
À RETENIR:
Les mammographies restent la méthode la plus efficace pour la détection précoce du cancer du sein. Bien que des alternatives comme la thermographie et les auto-examens soient parfois mises en avant, elles n’offrent pas le même niveau de précision ni de détection précoce que les mammographies. Les données scientifiques montrent que les avantages et les risques des mammographies varient en fonction de l’âge, de la densité mammaire, des antécédents familiaux et d’autres facteurs. Les experts mettent donc en garde contre une approche universelle du dépistage du cancer du sein. Ils recommandent plutôt aux patientes de consulter leur médecin pour déterminer la stratégie de dépistage la mieux adaptée à leur profil.
ÉLÉMENT ANALYSÉ
Verdict :
Affirmation :
DÉTAIL DU VERDICT
Preuves insuffisantes :
La thermographie n’a pas été approuvée par les agences de régulation sanitaires américaines en tant qu’outil principal de dépistage du cancer du sein. Toute anomalie observée sur un thermogramme doit finalement être confirmée par une mammographie.
Trompeur :
Bien que les auto-examens mammaires puissent aider à détecter des anomalies dans le tissu mammaire, ils n’ont pas la sensibilité des mammographies, notamment pour la détection précoce du cancer.
AFFIRMATION COMPLÈTE
Vérification
Les mammographies sont un outil précieux pour le dépistage précoce du cancer du sein, car elles permettent d’identifier des anomalies avant qu’elles ne deviennent palpables ou symptomatiques. En utilisant des rayons X, elles examinent le tissu mammaire pour repérer des signes d’anomalies, telles que des tumeurs ou des calcifications. La Breast Cancer Research Foundation considère d’ailleurs les mammographies comme la « norme de référence » en matière de dépistage du cancer du sein.
Lors d’une mammographie, chaque sein est positionné et comprimé entre deux plaques pour obtenir des images sous différents angles. Un radiologue évalue ensuite ces images afin de détecter d’éventuels signes de cancer.
Parce que les mammographies utilisent une faible dose de rayonnement, un mythe fréquent prétend qu’elles pourraient provoquer le cancer. Science Feedback a déjà examiné cette affirmation et a conclu que les bénéfices de la mammographie dans la détection précoce du cancer du sein surpassent largement les risques liés aux rayons X. De nombreuses études montrent aussi qu’un dépistage régulier par mammographie est associé à une réduction de la mortalité par cancer du sein[1,4-6].
Les mammographies ne sont pas le seul moyen de dépistage du cancer du sein. Les examens physiques, comme les examens cliniques réalisés par des professionnels de santé et les auto-examens, peuvent également aider à détecter des anomalies telles que des masses dans le tissu mammaire.
Cependant, certaines méthodes de dépistage sont parfois présentées comme des alternatives aux mammographies. Ce type de déclarations apparaît parfois sur les réseaux sociaux, comme dans des publications Facebook d’octobre 2024, affirmant que les auto-examens et la thermographie seraient aussi efficaces que les mammographies. On retrouve la trace de cette affirmation dans l’Internet francophone, comme ici, ou ici. Comme expliqué ci-dessous, ces affirmations ne reposent sur aucun fondement scientifique solide.
La thermographie ne remplace pas les mammographies
La thermographie mammaire (ou imagerie thermique) est parfois promue sur les réseaux sociaux comme une alternative aux mammographies, car elle n’implique aucun rayonnement.
Dans une publication Facebook du 6 octobre 2024, le compte Hormones Balance a repris cette idée, affirmant que « les mammographies ne montrent des changements que lorsqu’un problème est déjà présent » et ne favorisent donc pas la détection précoce. En revanche, selon eux, les thermographies « permettent une détection plus rapide » en utilisant « des images thermiques et des données de température pour repérer les zones à problème dans le sein ».
La thermographie utilise une caméra infrarouge pour détecter les zones de chaleur à la surface du corps, créant ainsi une image montrant ces « points chauds ». L’idée derrière la thermographie en tant qu’outil de dépistage repose sur la notion que le tissu cancéreux aurait une température différente du tissu sain, et que l’imagerie thermique pourrait révéler ces écarts de température[2].
Cependant, la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis, qui régule les dispositifs médicaux, dont ceux utilisés pour le dépistage du cancer du sein, n’a jamais approuvé la thermographie comme outil principal de dépistage. Dans un article publié sur son site, la FDA avertit :
“L’un des plus grands risques de la thermographie est que les personnes qui choisissent cette méthode plutôt que la mammographie risquent de ne pas avoir l’occasion de détecter un cancer du sein à un stade précoce. Les dispositifs de thermographie sont uniquement approuvés par la FDA en tant qu’outil « complémentaire », destiné à être utilisé en complément d’un test de dépistage principal, comme la mammographie. Les patientes qui réalisent uniquement une thermographie ne doivent pas se sentir rassurées par les résultats, car l’appareil n’a pas été approuvé pour un usage autonome.”
La FDA ajoute qu’elle prend des « mesures réglementaires contre les fabricants de thermographes qui promeuvent ces appareils comme alternative à la mammographie. »
La Société Canadienne du Cancer précise elle aussi que “la thermographie ne s’est pas révélée efficace comme outil d’imagerie médicale dans le cas du cancer”.
Dans une interview au MD Anderson Cancer Center, le radiologue diagnostiqueur Ethan Cohen souligne que « la thermographie ne permet pas de suivre les anomalies détectées. Si quelqu’un présente un thermogramme anormal, il doit repasser par nous pour une mammographie. »
Il ajoute :
“Certaines recherches montrent que la thermographie peut détecter des cancers volumineux, à un stade avancé. […] Malheureusement, détecter un cancer à un stade tardif est moins utile. Ce qui fait une différence dans les résultats, c’est la détection de cancers du sein petits et cliniquement indétectables.”
En résumé, la thermographie n’est pas une alternative adéquate aux mammographies pour la détection précoce du cancer du sein.
Les auto-examens mammaires sont utiles, mais moins fiables que les mammographies
Une publication Facebook partagée le 14 octobre 2024 affirme que « [b]eaucoup disent que l’auto-examen est aussi efficace [qu’une mammographie] ». Le compte qui a partagé cette publication, WOW PBX, comptait près de 250 000 abonnés au moment de la rédaction et semble être géré par Danica Walker.
Bien que les auto-examens puissent aider les femmes à se familiariser avec leurs seins et à remarquer des changements, ils ne peuvent remplacer les mammographies.
La Mayo Clinic rappelle que « [l]a plupart des experts médicaux ne recommandent pas les auto-examens de routine dans le cadre du dépistage du cancer du sein. Les auto-examens n’ont pas démontré leur efficacité dans la réduction des décès dus au cancer du sein. »
Un vaste essai contrôlé randomisé, mené auprès de près de 270 000 femmes en Chine, soutient cette conclusion. Les chercheurs n’y ont relevé aucune différence de mortalité par cancer du sein entre les femmes ayant reçu des instructions pour effectuer des auto-examens réguliers et celles n’en ayant pas reçu[3].
Les auto-examens sont moins sensibles que les mammographies pour plusieurs raisons.
Premièrement, ils reposent sur la capacité de la personne à détecter des masses ou des changements dans le tissu mammaire. Certains cancers sont trop petits ou situés dans des zones difficiles à palper et pourraient donc ne pas être détectés. Par ailleurs, les femmes ayant un tissu mammaire dense pourraient avoir plus de difficulté à identifier des anomalies, car les tumeurs peuvent être masquées par le tissu environnant.
Deuxièmement, les mammographies offrent une vue plus détaillée des deux seins. Les images obtenues par mammographie sont évaluées par des professionnels qualifiés, ce qui permet des résultats plus objectifs par rapport aux auto-examens, qui sont subjectifs et peuvent varier selon la technique et la minutie de la personne.
Les mammographies ont leurs limites, mais restent le meilleur moyen de dépistage précoce du cancer du sein
Comme l’a rappelé Science Feedback dans un précédent examen, plusieurs études montrent que les mammographies régulières contribuent à réduire la mortalité par cancer du sein[1,4-6].
Cette efficacité s’explique en partie par la capacité des mammographies à détecter des tumeurs et des calcifications suspectes plus tôt que d’autres méthodes de dépistage. L’American Cancer Society souligne que cette détection précoce permet des traitements moins agressifs et une réduction de la mortalité :
“Les résultats de nombreuses décennies de recherche montrent clairement que les femmes qui passent régulièrement des mammographies sont plus susceptibles de voir leur cancer détecté à un stade précoce, moins susceptibles de nécessiter des traitements agressifs, comme une mastectomie ou une chimiothérapie, et plus susceptibles de guérir.”
Bien que les mammographies soient reconnues comme le moyen le plus efficace de dépister le cancer du sein, elles présentent certaines limites. La publication Facebook de WOW PBX du 14 octobre 2024 mentionne quelques-unes de ces limites, notamment le risque de surdiagnostic et de traitements inutiles.
Effectivement, les mammographies peuvent conduire à un surdiagnostic et à des traitements superflus. Parfois, des tumeurs à croissance lente, qui pourraient ne jamais poser de danger pour la santé, sont identifiées, entraînant des traitements anticancéreux non nécessaires.
Les mammographies peuvent également générer des faux positifs, indiquant la présence d’un cancer là où il n’y en a pas. Cela peut causer de l’anxiété, nécessiter des examens supplémentaires et des procédures invasives, telles que des biopsies, ce qui peut être éprouvant pour les patientes.
Ces limites soulignent l’importance de trouver un équilibre entre les avantages de la détection précoce et les risques de surtraitement. Elles encouragent également les patientes à discuter de leurs options de dépistage avec leur médecin en fonction de leurs facteurs de risque individuels, comme les antécédents familiaux, l’âge ou la densité mammaire.
Conclusion
La thermographie n’est pas approuvée par la FDA comme méthode de dépistage principal et pourrait entraîner des cancers précoces non détectés, tandis que les auto-examens mammaires ne suffisent pas pour repérer les petites tumeurs ou celles plus difficiles à détecter. Bien que les mammographies présentent quelques limites, les experts les recommandent néanmoins comme principal outil de dépistage du cancer du sein, en raison de leur capacité à identifier des anomalies avant qu’elles ne deviennent symptomatiques. Cette détection précoce contribue ainsi à réduire la mortalité liée au cancer du sein.
Références:
- Duffy et al. (2020) Effect of mammographic screening from age 40 years on breast cancer mortality (UK Age trial): final results of a randomised, controlled trial. The Lancet Oncology.
- Resmini et al. (2021) A hybrid methodology for breast screening and cancer diagnosis using thermography. Computers in Biology and Medicine.
- Thomas et al. (2002) Randomized Trial of Breast Self-Examination in Shanghai: Final Results. Journal of the National Cancer Institute.
- Otto et al. (2012) Mammography Screening and Risk of Breast Cancer Death: A Population-Based Case–Control Study. Cancer Epidemiology, Biomarkers & Prevention.
- Duffy et al. (2020) Mammography screening reduces rates of advanced and fatal breast cancers: Results in 549,091 women. Cancer.
- Coldman et al. (2014) Pan-Canadian Study of Mammography Screening and Mortality from Breast Cancer. Journal of the National Cancer Institute.