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Le vaccin à ARN auto-amplifiant autorisé au Japon ne peut pas se « propager » entre individus 

Posté le : 17 Oct 2024

À RETENIR

Le Japon a autorisé un nouveau type de vaccin à ARNm “auto-amplifiant” contre le COVID-19. Il contient la séquence de la protéine Spike du virus SARS-CoV-2, contre lequel on veut s’immuniser. 

Grâce à l’adjonction d’une partie d’un autre virus, cette séquence d’ARN peut se reproduire en de nombreuses copies qui vont être traduites en autant de protéines Spike et rendre ainsi le vaccin potentiellement plus efficace. 

Cependant, ce procédé ne permet pas à un virus de se reconstituer dans l’organisme à partir de ce vaccin pour ensuite aller infecter d’autres personnes. De même, la séquence d’ARN de la protéine Spike est produite par ce vaccin pendant une durée limitée et ne peut être transmise d’individu à individu.

ÉLÉMENT ANALYSÉ

Erroné

Le Japon va commercialiser un nouveau vaccin ARNm auto amplifiant conçu pour se propager à d'autres personnes

Source : Twitter/X, Christine Cotton, Tom Renz, 29 Sep 2024

Verdict détaillé

Erroné :

Le vaccin ARCT-154 autorisé par le Japon ne permet pas à un virus de se reconstituer dans l’organisme après injection. Il ne peut donc se transmettre à d’autres personnes.

L’ARN produit par ce vaccin ne peut pas non plus être transmis d’individu à individu.

AFFIRMATION COMPLÈTE

Christine Cotton : “Le Japon va commercialiser un nouveau vaccin ARNm auto amplifiant conçu pour se propager à d’autres personnes SANS CONSENTEMENT !”
Tom Renz : “Cette nouvelle version des armes biologiques sous forme de vaccin peut et va se propager aux autres. L’ARNm n’a pas de « limite » et pourrait potentiellement continuer à exister dans votre système ou dans celui des personnes à qui il est transmis, pour toujours.” (traduit de l’anglais)

Vérification

Dans un post sur X (ex-Twitter) publié le 29 septembre 2024, Christine Cotton affirme que « Le Japon va commercialiser un nouveau vaccin ARNm auto amplifiant conçu pour se propager à d’autres personnes sans consentement ». Sur son compte X (90 000 abonnés), Christine Cotton se présente comme « lanceuse d’alerte » et « biostatisticienne ». Science Feedback a déjà démontré le caractère trompeur d’une de ses allégations concernant un vaccin contre le COVID-19.

Elle reprend ici mot pour mot le début d’un post X publié également le 29 septembre par Tom Renz. Basé aux États-Unis, il se présente sur son site comme « avocat », « auteur » et « analyste ». Actif sur les principales plateformes (260 000 abonnés sur X), il produit régulièrement des ouvrages sur la santé, le Covid, ou les « manipulations génétiques » qui seraient liées à l’alimentation. En 2022, Renz avait prétendu que la vaccination contre le COVID-19 avait provoqué une forte hausse du nombre de cas de fausses couches, cancer, maladies neurologiques et cardiaques. Des propos qui, analysés par Science Feedback, se sont révélés infondés. Renz déclare (traduit de l’anglais) : « Le Japon va commercialiser un nouveau vaccin à ARNm auto-amplifiant conçu pour être transmis à d’autres personnes sans consentement éclairé ou autre (…) ».  

L’affirmation de Christine Cotton et Tom Renz est infondée. Par sa conception même,  le vaccin en question, nommé ARCT-154 (commercialisé sous le nom de Kostaive) ne peut se propager d’individu à individu. Il ne peut transmettre ni virus, ni matériel génétique à autrui.

Dans la suite de cet article, nous examinons dans le détail ces affirmations.

Le post de Tom Renz est accompagné d’une mosaïque d’images dont une montre un article du média Arab News daté du 29/8/2024, d’où semble provenir l’information qu’il relaie. L’article rend compte de la protestation de certains médecins japonais face à un vaccin ARNm qui, selon l’un d’entre eux, dont les propos sont rapportés par Arab News, n’aurait « jamais été testé sur l’homme ».

Le vaccin en question est mentionné dans deux autres articles du média en ligne Contagion Live (lien lien) dont Renz fournit également l’image. Il se nomme ARCT-154. Commercialisé au Japon sous le nom de Kostaive, il a été développé par l’entreprise américaine de biotechnologies Arcturus Therapeutics avec CSL Seqirus, une filiale du groupe pharmaceutique australien CSL, spécialisée dans la production de vaccins. Le ministère de la Santé du Japon a autorisé sa commercialisation en novembre 2023. Arcturus indique sur son site avoir demandé une autorisation pour le marché européen.

Il s’agit d’un vaccin à ARN messager (ARNm). Le mode d’action de ce type de vaccin est bien connu depuis la pandémie de Covid. Dans un vaccin classique, on introduit un virus inactivé ou des protéines de celui-ci pour déclencher la reconnaissance par le système immunitaire. Dans les vaccins à ARN messager, c’est une séquence d’ARN qui, une fois injectée, va permettre la synthèse de la protéine du virus dans l’organisme. ARCT-154 adopte ce principe, mais avec une différence notable : l’ARNm qu’il contient est auto-amplifiant (on utilise également le terme d’ “ARNm replicon”). Cela signifie qu’une fois dans nos cellules, le fragment d’ARNm codant pour la protéine Spike (protéine du virus SARS-CoV-2 dont on veut s’immuniser) peut se multiplier en de nombreux exemplaires (Figure 1).

Figure 1 –  Comparaison des vaccins à ARNm messager et à ARNm auto-amplifiant. Un vaccin à ARNm messager classique (à gauche) contient la séquence de la protéine Spike du virus SARS-CoV-2 contre lequel on veut s’immuniser (en rouge). Une fois dans l’organisme, cette séquence est traduite en protéines Spike, qui vont permettre la réponse immunitaire. Dans un vaccin à ARNm auto-amplifiant (à droite), une séquence codant pour l’enzyme réplicase (orange) est ajoutée. Elle va permettre de réaliser de nombreuses copies de la séquence de la protéine Spike. Source : Nature

Ce type de vaccin est déjà employé en médecine vétérinaire, notamment contre la peste porcine[1]. C’est la première fois qu’il est autorisé chez l’humain pour une vaccination courante – l’Inde avait autorisé un vaccin de ce type en 2022, le Gemcovac-19, en tant que vaccin booster d’immunité, en cas d’urgence et pour des personnes déjà vaccinées, dont le développement se poursuit[2]

Par rapport à un vaccin à ARNm classique,une étude a montré une efficacité supérieure aux vaccins ARNm classiques dans le rôle de “booster” de l’immunité pour des personnes ayant déjà reçu plusieurs doses[3]. Cet avantage demande toutefois à être confirmé avec les futurs variants de SARS-CoV-2.

Son autorisation au Japon résulte d’une série d’essais cliniques, menés notamment au Vietnam sur près de de 20000 personnes jusqu’aux essais de phase 3b qui précèdent la mise sur le marché. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature Communications[4]. Le propos cité par Arab News qui affirme que le vaccin n’a jamais testé sur l’humain est donc faux.

Tom Renz affirme que le « vaccin va se propager », affirmation reprise par Christine Cotton. Nous avons contacté  Tom Renz pour lui demander de préciser de quelle manière le vaccin se propagerait, et amenderons cet article si nécessaire. 

Il faudrait pour cela que ce vaccin contienne un virus complet et fonctionnel, capable de se multiplier ; ou que son ARNm puisse être transmis d’individu à individu. Passons en revue les différentes hypothèses :

Hypothèse 1 :

Un virus qui se reconstituerait à l’intérieur de l’organisme à partir du vaccin

Cette hypothèse n’est pas réaliste quand on considère le principe général de la fabrication d’un vaccin à ARNm auto-amplifiant. Il consiste à associer la séquence d’ARNm qui code pour une protéine du virus dont on veut se protéger, avec une autre séquence, qui code notamment pour une enzyme, la réplicase. Celle-ci permettra à la séquence d’ARNm correspondant à la protéine de se multiplier. 

Pour cela, on utilise une partie de l’ARNm d’un autre virus. Une partie seulement, car la séquence qui code pour toutes les protéines constituant la structure externe de ce virus (la « capside »,) et qui sont indispensables pour que celui-ci soit viable, a été supprimée (Figure 2). 

Figure 2 – En haut, l’ARNm messager conventionnel est traduit in vivo. En bas, une séquence d’un alphavirus (en vert) a été insérée. Elle contient le code de quatre protéines non-structurantes (nsP1-4). Sécrétées dans l’organisme, elles vont former un complexe (en vert) qui va permettre de produire plusieurs copies de l’ARNm avant sa traduction . Source : Nature –


Dans l’article sur l’essai clinique d’ARCT-154[4], il est précisé (traduit de l’anglais) : « ARCT-154 est constitué d’un réplicon basé sur le virus de l’encéphalite équine du Venezuela dans lequel l’ARNm codant pour les protéines structurelles du virus a été remplacé par l’ARNm codant pour toute la longueur de la glycoprotéine de pointe (S) [spike, NDLR] du variant D614G du SARS-CoV-2. »

Dans la nature, le virus de l’encéphalite équine du Venezuela (famille des alphavirus) est transmissible à l’humain. Mais ici, il ne peut se reformer dans l’organisme après la vaccination, faute de protéines de structure.

Le terme d’« auto-amplifiant » ne signifie donc pas qu’un virus entier va se multiplier dans l’organisme, mais uniquement le fragment d’ARNm qu’il contient, correspondant ici à la protéine Spike.

Hypothèse 2 :

La recombinaison de l’ARNm du vaccin avec un virus circulant in vivo

C’est théoriquement possible, mais très improbable in vivo. Rappelons que la recombinaison est un échange de matériel génétique entre deux génomes mis en contact avec, potentiellement ici, le risque de créer un nouveau virus, éventuellement plus virulent. Cette possibilité a été étudiée pour des vaccins qui utilisent des virus vivants et fonctionnels. Des cas de recombinaison avec des virus sauvages ont déjà été observés[5]

Dans le cas d’ARCT-154 il ne s’agit pas d’un virus fonctionnel mais d’un ARNm auto-amplifiant. Il n’est cependant théoriquement pas impossible qu’une recombinaison puisse avoir lieu avec un virus sauvage. Une étude récente a testé cette hypothèse avec plusieurs virus : il apparaît que pour de fortes concentrations d’ARNm auto-amplifiant et de virus in vitro, de rares recombinaisons se sont produites. Mais aucune recombinaison n’a été observée chez l’animal[6].

Hypothèse 3 :

Une transmission de l’ARNm fabriqué par le vaccin entre individus

Cette éventualité a déjà été évoquée lors de l’administration des vaccins à ARNm messager contre le SARS-CoV-2 et écartée. Ainsi, le rapport d’évaluation de l’Agence européenne du médicament concernant le vaccin Comirnaty (Pfizer – BioNTech) indique que chez l’animal, l’ARN messager est retrouvé essentiellement au voisinage du point d’injection et dans le foie. Ce vaccin n’est pas un virus, et comme Science Feedback l’a par ailleurs souligné dans une précédente vérification, il n’existe aucun mécanisme biologique qui permettrait la transmission d’un ARN messager par la salive, les fluides nasaux ou autres.

Tom Renz affirme également que ‘L’ARNm n’a pas de « break »’ et qu’il pourrait continuer à exister dans notre organisme pour toujours. D’une manière générale, l’ARN est une molécule fragile qui se dégrade rapidement dans l’organisme. Préalablement à l’autorisation de mise sur le marché du vaccin, Arcturus a fourni un rapport contenant notamment des données de pharmacocinétique à l’Agence japonaise des produits pharmaceutiques et des instruments médicaux (PMDA). Elles montrent que chez l’animal, dans une étude comparant le devenir de l’ARN auto-amplifiant et de l’ARN classique, la concentration des deux formes dans l’organisme devient extrêmement faible de 15 jours à un mois après l’injection. PMDA conclut qu’il est “improbable” que l’ARN auto-amplifiant subsiste dans l’organisme beaucoup plus longtemps qu’un ARN classique.

Conclusion

Un vaccin à ARNm auto-amplifié ne se reproduit pas intégralement dans l’organisme. Seule la partie qui code pour la protéine du virus dont on veut s’immuniser est reproduite. Un virus ne peut donc pas se reformer dans l’organisme et se propager à d’autres individus. 

La recombinaison de l’ARNm du vaccin avec des virus circulants est possible théoriquement et observée in vitro dans certaines conditions, mais pas in vivo.

Quant à l’ARNm produit par le vaccin, sa persistance dans l’organisme est  improbable. Sa transmission entre individus est écartée. 

L’affirmation de Christine Cotton et Tom Renz concernant le fait que le vaccin ARCT-154 a été conçu pour se propager à d’autres individus est donc sans fondement.

Références:

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