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Les vaccins COVID-19 offrent des avantages importants ; la pré-publication du SSRN n’a pas indiqué que les vaccins COVID-19 sont « 98 fois pires » que le virus

Posté le : 22 Sep 2022

À RETENIR

Les vaccins COVID-19 se sont révélés très efficaces pour protéger les personnes contre les complications graves et le décès. Ils peuvent également réduire les risques de développer un COVID long. Si une infection antérieure confère un certain degré d’immunité protectrice, l’immunité induite par l’infection est imprévisible en raison de nombreuses variables qui échappent à notre contrôle telles que la sévérité de la maladie. La vaccination reste le moyen le plus sûr et le plus fiable d’induire une protection contre le COVID-19.

éLéMent Analysé

Erroné

Les vaccins contre le COVID-19 sont “jusqu’à 98 fois pire que la maladie”

Source : The Epoch Times, Jennifer Margulis, 22 Sep 2022

détail Du verdict

Déforme la source:

L’article en pré-publication n’a pas indiqué que les vaccins COVID-19 sont 98 fois pires que le virus. Cette affirmation ne tient pas compte de plusieurs limites importantes de la pré-publication comme le fait que l’analyse ne porte que sur des doses de rappel, que la mesure des dommages causés par le COVID-19 se limite à l’hospitalisation mais pas à d’autres conséquences graves comme le COVID long et que l’analyse repose sur des rapports d’événements indésirables qui ne fournissent pas à eux seuls une preuve suffisante de causalité.

Affirmation ComplÈTE

"« Non éthique » et jusqu’à 98 fois pire que la maladie : des scientifiques de haut niveau publient une étude qui change la donne sur les vaccins contre le Covid-19”. "Une étude de Harvard montre que le vaccin est plus dangereux que le COVID".

Vérification

En septembre 2022, plusieurs articles, affirmant que les vaccins COVID-19 sont « 98 fois pires » que le COVID-19 lui-même, sont devenus viraux. On retrouve par exemple cet article publié par The Epoch Times, un autre par planetes360.fr ou celui-ci par jeminformetv.com. Cette affirmation se fonde sur un article en pré-publication (une étude qui n’a pas encore été évaluée collégialement) mise en ligne sur le Social Sciences Research Network (SSRN) et cosignée par des scientifiques, dont des universitaires de Johns Hopkins et de Harvard. 

L’article conclut que l’obligation de rappel vaccinal à l’université serait contraire à l’éthique car ces doses causeraient plus de mal que de bien chez les jeunes adultes, définis comme des personnes âgées de 18 à 29 ans. Les auteurs sont parvenus à cette conclusion en calculant le nombre de jeunes adultes non infectés qui doivent recevoir une dose de rappel pour prévenir une seule hospitalisation et le nombre d’événements indésirables graves qui se produiraient pour une telle quantité de doses de rappel.

En utilisant les rapports d’événements indésirables suivant la vaccination recueillis par les centres américains de contrôle et de prévention des maladies (Centers for Diseases Control and Prevention – CDC) ainsi que par les fabricants de vaccins, les auteurs ont estimé que « pour chaque hospitalisation liée au COVID-19 évitée chez de jeunes adultes non infectés auparavant, nous prévoyons 18 à 98 événements indésirables graves, dont 1,7 à 3,0 cas de myocardite associée au rappel chez les hommes, et 1 373 à 3 234 cas de réactogénicité de grade ≥3 qui interfère avec les activités quotidiennes ».

Mais les résultats de la pré-publication ne signifient pas que les vaccins COVID-19 sont pires que la maladie elle-même, comme le prétendent les articles mentionnés auparavant. Comme nous l’expliquons ci-dessous, cette affirmation déforme les résultats de cette pré-publication.

Examinons l’affirmation selon laquelle les vaccins sont « 98 fois pires » que le COVID-19. Ce chiffre provient vraisemblablement de l’estimation supérieure du nombre d’événements indésirables graves par hospitalisation liée au COVID-19.

Cela ne signifie pas pour autant que les vaccins sont “98 fois pires” que la maladie. Pour commencer, gardons à l’esprit que les auteurs n’ont considéré comme seule issue préjudiciable de la maladie que les hospitalisations liées au COVID-19. Cela exclut d’autres conséquences graves, notamment le COVID long, qui peuvent également être invalidantes pour les jeunes.

Deuxièmement, une même personne peut rapporter plusieurs événements indésirables suite à une vaccination alors que les hospitalisations liées au COVID-19 ne sont probablement signalées qu’une fois par personne. En comparaison, le nombre de signalements d’événements indésirables graves est donc plus susceptible d’occulter le nombre d’hospitalisations liées au COVID-19. Le même problème a été abordé dans une vérification précédente de Health Feedback. Et les auteurs de la pré-publication eux-même reconnaissent cette limite à leur étude :

Il est également possible que plusieurs effets secondaires graves aient été signalés par le même participant et que le nombre de personnes touchées par ces réactions soit inférieur à notre estimation.

Dans un email à Health Feedback, Abram Wagner, professeur assistant de recherche à l’Université du Michigan, a souligné que l’analyse « ne tient pas compte de la complexité de la dynamique infectieuse du SARS-CoV-2 », expliquant qu’une augmentation de la couverture vaccinale dans tous les groupes pourrait réduire l’infection et, par conséquent, le risque d’hospitalisation, tant pour l’individu que pour la communauté.

Ainsi, ce calcul ne tient pas pleinement compte des conséquences graves du COVID-19 ou des avantages de la vaccination contre le COVID-19. Par ailleurs, les conséquences négatives du COVID-19 et de la vaccination ne sont pas évaluées de la même manière, puisque les  premières sont comptabilisées par personne alors que les secondes sont dénombrées par événement.

Enfin, les calculs étaient basés sur les rapports d’événements indésirables après la vaccination. Ces rapports ne constituent pas à eux seuls une preuve suffisante que le vaccin est responsable de l’événement indésirable. Mais les articles ne font pas mention de cette réserve.

En conclusion, ces limitations dans la méthode de calcul de la pré-publication signifient que l’affirmation des articles est erronée et trompeuse.

L’un des coauteurs de la pré-publication, Allison Krug, rédactrice médicale titulaire d’une maîtrise en épidémiologie, a déclaré à Lead Stories que de telles interprétations de leur étude, comme celle de The Epoch Time, étaient erronées :

En omettant les termes ‘dose de rappel’ et ‘jeunes adultes, cet article suggérait que les vaccins Covid-19 étaient globalement nocifs alors que nos recherches portent exclusivement sur les 18-29 ans. Nous ne voulons pas qu’une présentation déformée de nos travaux laisse entendre que les personnes à risque en raison de leur état de santé ou de leur âge devraient éviter la vaccination.”

« Les recommandations de vacciner les jeunes adultes sont fondées sur le principe que la vaccination de ces personnes (en particulier avec le nouveau vaccin bivalent) pourrait renforcer le système immunitaire et fournir une protection contre les nouveaux variants,” a déclaré Abram Wagner, ajoutant qu’il est important de rester vigilant quant aux signalements d’événements indésirables.

S’il est essentiel d’évaluer en permanence les avantages et les risques des doses de rappel du COVID-19 au fur et à mesure de l’évolution de la pandémie, il ne faut pas oublier qu’à ce jour, le COVID-19 a déjà tué plus de six millions de personnes dans le monde et plus de cent-soixante-mille personnes en France.

Et, bien que la plupart des personnes qui contractent le COVID-19 survivent, elles peuvent être confrontées à de graves conséquences à long terme. Les premières données d’une étude de Santé Publique France sur un échantillon de français recueilli entre mars et avril 2022 montrent que 30% des personnes ayant eu une infection par le SARS-CoV-2 présentaient les critères d’un « COVID long ». Une analyse de l’INSEE a par ailleurs estimé que les jeunes adultes subissent les contrecoups économiques et sociaux de l’épidémie plus fortement que leurs aînés. 
Les vaccins COVID-19 se sont avérés très efficaces pour protéger les personnes contre les formes graves et le décès. Ils peuvent également réduire les chances de développer un COVID long. Si une infection antérieure confère un certain degré d’immunité protectrice, l’immunité induite par l’infection est imprévisible car de multiples facteurs indépendants de notre volonté influencent cette forme d’immunité comme la gravité de la maladie et le variant du virus. La vaccination reste le moyen le plus sûr et le plus fiable d’induire une protection contre le COVID-19.

Feedback de scientifiques

Abram L. Wagner member picture

Abram L. Wagner

Research Assistant Professor, School of Public Health, University of Michigan

Les auteurs de l’article tentent d’estimer le nombre d’adultes qu’il faudrait vacciner pour éviter une hospitalisation. Cette analyse ne tient pas compte de la complexité de la dynamique infectieuse du SARS-CoV-2 car une augmentation de la couverture vaccinale dans tous les groupes pourrait réduire l’infection (et donc le risque d’hospitalisation) pour l’individu et pour le groupe. De plus, à ce stade, presque tout le monde possède une certaine immunité de base contre le SARS-CoV-2, soit par une vaccination, soit par une infection naturelle, soit par les deux. Ainsi, leur analyse (fondée sur l’hypothèse d’individus non infectés auparavant) peut avoir une utilité limitée pour une population dans le monde réel.

Différents pays dans le monde mettent en œuvre différentes recommandations de vaccinations COVID-19 selon les groupes d’âge. Les recommandations sont basées sur l’épidémiologie locale de la maladie, les ressources hospitalières, les niveaux de comorbidités dans la population locale et les analyses coût-efficacité. 

La surveillance continue des effets indésirables après la vaccination sera importante. Les recommandations de vacciner les jeunes adultes aux États-Unis et dans d’autres pays sont fondées sur le fait que la vaccination de ces personnes (en particulier avec le nouveau vaccin bivalent) pourrait renforcer le système immunitaire et fournir une protection contre les nouveaux variants. Disposer d’un niveau élevé d’immunité dans les différents groupes d’âge de la population est un élément important de la lutte contre le COVID-19.

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