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Le virologue Geert Vanden Bossche prédit sans fondement que la vaccination massive contre le COVID-19 entraînera un « effondrement » immunitaire et une mortalité de masse

Posté le : 30 Avr 2024

À RETENIR:

L’immunité obtenue par l’infection ou par la vaccination exerce une pression sélective sur le virus et peut favoriser son évolution, conduisant potentiellement à de nouveaux variants. Cependant, ne pas vacciner et permettre au virus de se propager librement comporte le risque de maladies graves et de décès, tout en augmentant les opportunités de mutation du virus. Les vaccins contre le COVID-19, bien qu’imparfaits, contribuent à réduire la propagation du virus ainsi que le risque de maladies graves et de décès.

ÉLÉMENT ANALYSÉ

Infondé

“Ce que je prévois, c’est un raz-de-marée massif de maladies et de décès au sein des populations fortement vaccinées et dont le système immunitaire est affaibli”

Source : Planètes 360, Geert Vanden Bossche, 3 Avr 2024

DÉTAIL DU VERDICT

Trompeur:

Contrairement à l’argument avancé par Vanden Bossche, l’immunité induite par l’infection une pression sélective favorisant l’évolution virale au même titre que l’immunité induite par la vaccination. Toutefois, aucune donnée ne corrobore l’idée que les vaccins COVID-19 soient le principal moteur de l’évolution des nouveaux variants du SARS-CoV-2, ni qu’ils conduiront à l’émergence de variants plus dangereux.

Preuves insuffisantes:

Le COVID long est une affection résultant de l’infection par le SARS-CoV-2. Les études indiquent de manière probante que la vaccination réduit, plutôt qu’elle n’augmente, le risque de développer un COVID long.

AFFIRMATION COMPLÈTE

“Ce que je prévois, c’est un raz-de-marée massif de maladies et de décès au sein des populations fortement vaccinées et dont le système immunitaire est affaibli” ; La "dérégulation" immunitaire chez les personnes vaccinées transforme le COVID-19 en une “maladie plus chronique que nous appelons le COVID long” ; la vaccination de masse contre le COVID-19 a “favorisé la sélection de variants plus infectieux”.

Vérification

Le 31 mars 2024, James Howard Kunstler a publié une interview sous forme de podcast avec le virologue Geert Vanden Bossche. Au cours de cette interview, Vanden Bossche a qualifié les vaccins contre le COVID-19 de « grande expérience de gain de fonction » et a prédit un « raz-de-maré massif » d’hospitalisations et de décès dus au COVID-19 en raison de l’échappement immunitaire principalement causé par la vaccination.

Le média conspirationniste InfoWars a couvert cette interview dans un article intitulé « Un virologue avertit qu’une nouvelle crise imminente de COVID-19 chez les vaccinés provoquera le ‘chaos’ et ‘l’effondrement’ de la société », largement diffusé sur Instagram. Un tweet partageant le titre d’InfoWars a reçu près de 400 000 vues. Un site internet francophone habitué de la désinformation (Planète 360) s’en est également fait l’écho

Les affirmations faites au cours de cette interview remontent à 2021. À cette époque, Science Feedback et d’autres avaient déjà réfuté des prédictions similaires de Vanden Bossche, qui ne se sont d’ailleurs pas réalisées. Ci-dessous, nous analyserons deux affirmations trompeuses et non étayées faites par Vanden Bossche.

AFFIRMATION 1 (TROMPEUR) :

La vaccination de masse au sommet de la pandémie a favorisé «la sélection de variants plus infectieux » ; « les doses de rappel ont principalement accéléré l’échappement immunitaire du virus».

Dans son interview, Vanden Bossche affirme que la vaccination de masse lorsque la circulation virale est élevée entraîne l’évolution du virus SARS-CoV-2 vers des variants plus dangereux qui échappent à la réponse immunitaire. Il soutient également que la protection imparfaite du vaccin crée une opportunité pour les infections post-vaccination et l’évolution virale, de la même manière que l’utilisation de doses suboptimales d’antibiotiques peut contribuer à l’évolution de la résistance aux antibiotiques chez les bactéries.

Cependant, aucune preuve n’indique que les vaccins COVID-19 ont été des moteurs majeurs de l’évolution du SARS-CoV-2, comme l’ont expliqué précédemment Science Feedback et d’autres experts.

Les virus évoluent constamment en acquérant des changements génétiques appelés mutations. Ces mutations se produisent chaque fois que le virus se réplique lors d’une infection. Il est indéniable que l’immunité induite par les vaccins exerce une pression sélective sur le virus et contribue à son évolution[1]. Mais l’immunité résultant d’une infection en fait de même. La différence est que la vaccination aide également à réduire le risque d’infection et de maladie grave, diminuant ainsi la circulation virale et ses chances de se répliquer.

Par conséquent, contrairement à l’implication de Vanden Bossche, s’abstenir de vacciner n’empêcherait pas l’émergence de nouveaux variants[2]. En fait, la circulation virale généralisée aux premiers stades de la pandémie a entraîné l’apparition de multiples variants du SARS-CoV-2 avant même que les vaccins contre le COVID-19 ne soient disponibles[3].

Malgré l’affaiblissement de l’immunité, les vaccins contre le COVID-19 aident toujours à réduire la propagation du virus[4]. En réduisant la probabilité d’infection et de maladie longue, les vaccins limitent également les opportunités de mutation du virus, comme l’ont indiqué des virologues à Science Feedback dans un article précédent.
Vanden Bossche n’a pas non plus pris en compte que les vaccins contre le COVID-19 peuvent et ont été reformulés pour mieux correspondre aux variants émergents, ce qui réduit l’échappement immunitaire et améliore la protection vaccinale.

AFFIRMATION 2 (INFONDÉE) :

La « dérégulation » immunitaire chez les personnes vaccinées transforme la pathologie du SARS-CoV-2 d’une maladie aiguë en une maladie plus chronique, que nous appelons COVID long.

Sur la base de l’argument selon lequel les vaccins COVID-19 provoquent une dérégulation immunitaire, Vanden Bossche a prédit « de plus en plus de cas de COVID long de plus en plus graves » dans les pays fortement vaccinés. Cet effet deviendrait soi-disant apparent « dans les prochaines semaines ».

Ce n’est pas la première fois que Vanden Bossche prédit que la vaccination contre le COVID-19 entraînerait une augmentation spectaculaire des taux de mortalité. En 2021, il avait prédit que cet événement se produirait « en quelques semaines seulement ». Les études n’ont pas confirmé cette prédiction : les personnes vaccinées ne présentent pas un risque accru de mortalité toutes causes confondues ou liée au COVID-19 par rapport aux personnes non vaccinées[5,6].

L’affirmation selon laquelle les vaccins COVID-19 augmenteraient le risque de développer un COVID long n’est pas nouvelle, comme l’ont documenté Science Feedback et d’autres organisations. Cependant, cette affirmation contredit les preuves issues des études scientifiques montrant que le COVID long est généralement associé à l’infection, et non à la vaccination.

Le COVID long désigne un large éventail de symptômes que certaines personnes développent après une infection par le SARS-CoV-2. Ces symptômes incluent la fatigue, des difficultés respiratoires et des déficits cognitifs qui peuvent persister pendant des semaines, des mois, voire des années après l’infection.

Bien que des cas de symptômes persistants ressemblant à un COVID long aient également été signalés après la vaccination contre le COVID-19[7,8,9], il n’est pas encore clair si les vaccins causent ces symptômes.

Un porte-parole du CDC états-unien (Centers for Disease Control and Prevention) a déclaré à FactCheck.org qu’à ce jour, « aucun schéma inhabituel ou inattendu de symptômes persistants ou de problèmes de santé post-vaccination n’a été associé à la vaccination COVID-19 par les systèmes de pharmacovigilance».

L’Institut Paul Ehrlich d’Allemagne a émis une déclaration similaire en se fondant sur les informations de la base de données des événements indésirables de l’Agence Européenne des Médicaments (EMA). Cela suggère donc que les complications de santé à long terme suite à la COVID-19 sont rares.

Contradictoirement aux affirmations de Vanden Bossche, des preuves convaincantes issues d’études publiées suggèrent que la vaccination contre le COVID-19 réduit effectivement la probabilité de développer un COVID long chez les adultes[10], les enfants et les adolescents[11].

De plus, recevoir un plus grand nombre de doses de vaccin est associé à un risque moindre de développer un COVID long[12,13].

Par exemple, une étude publiée dans The BMJ en novembre 2023 a évalué les symptômes d’environ 600 000 personnes de Suède atteintes de COVID long ayant reçu zéro, une, deux ou trois doses de vaccin[13]. L’étude a rapporté qu’une dose de vaccin était associée à une réduction de 21 % du risque de COVID long par rapport aux personnes non vaccinées. Cependant, deux et trois doses réduisaient encore davantage le risque à 59 % et 73 %, respectivement.

Cet effet protecteur possible de la vaccination contre le COVID long pourrait également avoir des implications en termes de mortalité.

Une étude de 2024 publiée dans Nature Communications, évaluant les symptômes à long terme chez plus d’un million de personnes à Hong Kong, a montré que les personnes non vaccinées présentaient le plus grand risque de complications post-infection, y compris des maladies cardiovasculaires et la mortalité. Plus les personnes recevaient de doses de vaccin contre la COVID-19, moins elles étaient susceptibles de présenter des problèmes à long terme après l’infection[14].

Certaines études suggèrent que la vaccination des personnes ayant déjà développé un COVID long pourrait également soulager les symptômes. Cependant, les données à cet égard sont moins claires, certains patients signalant des améliorations, d’autres n’observant aucun changement ou même une aggravation de leurs symptômes[15-17].

Dans l’ensemble, les résultats des études publiées ne sont pas cohérents avec l’affirmation de Vanden Bossche selon laquelle la vaccination contre la COVID-19 conduit à une maladie plus grave et à un COVID long. Au contraire, ils montrent que les personnes vaccinées sont moins susceptibles de développer une maladie grave et un COVID long par rapport aux personnes non vaccinées.

Conclusion :

Les prédictions de Vanden Bossche concernant un « raz-de-maré massif » d’hospitalisations et de décès liés au COVID-19 à cause d’un échappement immunitaire du virus menant à un COVID long sont infondées. Aucune preuve ne suggère que la vaccination contre le COVID-19 soit un facteur principal dans l’évolution du SARS-CoV-2 vers des variants plus dangereux. De même, il n’existe aucune donnée indiquant que la vaccination provoque ou augmente le risque de COVID long. Au contraire, le COVID long est une complication bien documentée de l’infection par le SARS-CoV-2, et plusieurs études montrent que la vaccination pourrait aider à réduire ce risque.

Références :

  1. Duerr et al. (2023) Selective adaptation of SARS-CoV-2 Omicron under booster vaccine pressure: a multicentre observational study. eBioMedicine.
  2. Tan et al. (2023) Infectiousness of SARS-CoV-2 breakthrough infections and reinfections during the Omicron wave. Nature Medicine.
  3. Carabelli et al. (2023) SARS-CoV-2 variant biology: immune escape, transmission and fitness. Nature Review Microbiology.
  4. Johnston et al. (2024) Immunological imprinting shapes the specificity of human antibody responses against SARS-CoV-2 variants. Immunity.
  5. Tu et al. (2023) SARS-CoV-2 Infection, Hospitalization, and Death in Vaccinated and Infected Individuals by Age Groups in Indiana, 2021‒2022. American Journal of Public Health.
  6. Xu et al. (2021) COVID-19 Vaccination and Non–COVID-19 Mortality Risk — Seven Integrated Health Care Organizations, United States, December 14, 2020–July 31, 2021. Morbidity and Mortality Weekly Report.
  7. Teodorescu et al. (2024) Postural orthostatic tachycardia syndrome after COVID-19 vaccination. Heart Rhythm.
  8. Baral & Bhandari (2022) Postural Orthostatic Tachycardia Syndrome: Possibly Covid Vaccine Related. Chest.
  9. Kwan et al. (2022) Apparent risks of postural orthostatic tachycardia syndrome diagnoses after COVID-19 vaccination and SARS-Cov-2 Infection. Nature Cardiovascular Research.
  10. Catala et al. (2024) The effectiveness of COVID-19 vaccines to prevent long COVID symptoms: staggered cohort study of data from the UK, Spain, and Estonia. Lancet.
  11. Razzaghi et al. (2024) Vaccine Effectiveness Against Long COVID in Children. Pediatrics.
  12. Azzolini et al. (2022) Association Between BNT162b2 Vaccination and Long COVID After Infections Not Requiring Hospitalization in Health Care Workers. Lancet.
  13. Morris et al. (2023) Covid-19 vaccine effectiveness against post-covid-19 condition among 589 722 individuals in Sweden: population based cohort study. BMJ.
  14. Lam et al. (2024) Persistence in risk and effect of COVID-19 vaccination on long-term health consequences after SARS-CoV-2 infection. Nature Communications.
  15. Asadi-Pooya et al. (2024) How does COVID-19 vaccination affect long-COVID symptoms? PLoS ONE.
  16. Nayyerabadi et al. (2023) Vaccination after developing long COVID: Impact on clinical presentation, viral persistence, and immune responses. International Journal of Infectious Diseases.
  17. Tsuchida et al. (2022) Relationship between changes in symptoms and antibody titers after a single vaccination in patients with Long COVID. Journal of Medical Virology.

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