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Il est crucial de réduire les émissions de gaz à effet de serre de tous les États pour limiter le réchauffement climatique

Posté le : 19 Juil 2024

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Le changement climatique lié aux activités humaines affecte déjà la nature et les populations à travers le monde, et en particulier les populations les plus vulnérables comme le résume la dernière synthèse scientifique publiée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)[1]. Il est crucial d’atténuer le changement climatique pour en limiter les impacts. « Limiter le réchauffement global causé par l’humanité […] requiert de limiter les émissions cumulées de CO2, en atteignant au moins la neutralité carbone, tout en réduisant fortement les émissions des autres gaz à effet de serre », écrit le GIEC.

Figure 1 – Pour limiter le réchauffement climatique à +2°C (courbe verte) ou +1,5°C (courbe bleue), des réductions drastiques et immédiates des émissions de gaz à effet de serre (GHG en anglais) sont nécessaires. La courbe rouge illustre les émissions engendrées par les politiques actuelles : elles mènent à un réchauffement de 3,2°C d’ici la fin du siècle. Source : IPCC[1]

Pourtant certaines personnalités et politiques appellent à l’inaction en France, au prétexte que le pays ne « représente que 1% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) », comme Marion Maréchal par exemple dans un post sur X (Twitter) du 17 février 2024. Cet argument est connu des scientifiques. Dans un article dans la revue Global Sustainability[2], des scientifiques listent 12 arguments récurrents dans les discours reconnaissant l’existence du changement climatique, mais appelant à l’inaction ou soulignant l’impossibilité d’agir. Parmi eux, le « whataboutism ». « Cet argument […] soutient que d’autres pays produisent davantage d’émissions de gaz à effet de serre et ont donc une plus grande responsabilité dans l’action. […] Les acteurs qui défendent ce discours utilisent souvent des statistiques démontrant leur faible contribution aux émissions mondiales, ou pointent du doigt les grands émetteurs tels que la Chine », pointent les scientifiques.

La part de la France dans les émissions de GES

Quelle est la part de la France dans les émissions de GES mondiales ? Plusieurs consortiums déterminent les émissions territoriales à l’échelle globale. La base de données EDGAR[3] (Emissions database for global atmospheric research) fournit les données mondiales d’émissions les plus récentes, hors secteur des terres et forêts. En 2022, la France a émis 430,4 millions de tonnes de CO2 équivalent (CO2e, c’est-à-dire en incluant tous les GES). Ce chiffre s’élève à 53,8 milliards de tonnes de CO2e pour l’ensemble des pays. La France représente 0,8% des émissions mondiales anthropiques de GES en 2022.

Figure 2 – Les émissions de GES à travers le monde s’élèvent à 53,8 milliards de tonnes de CO2e en 2022. Les émissions territoriales de la France (en orange) représentent 0,8 % du total, plaçant le pays à la 20ème position du classement. Cumulés, l’ensemble des pays émettant moins de 2% des émissions mondiales de GES (en bleu) représentent 39,2 % des émissions mondiales. Source : EDGAR[3]

À l’inverse, quelques pays sont de très gros émetteurs de GES, comme la Chine (29,2 %) et les États-Unis (11,2 %). Parmi les 210 pays, seuls 7 sont à l’origine de plus de 2% des émissions de GES mondiales (en vert sur la figure 2). La très large majorité des pays sont donc de «petits» émetteurs. Au total, ces petits émetteurs (moins de 2% des émissions, en bleu et orange sur la figure 2) représentent 39,2 % des émissions de GES, soit la première source mondiale. Réduire les émissions de GES des petits émetteurs est donc crucial pour atténuer le changement climatique.

Une limite est à souligner pour ces données : elles ne représentent que les émissions ayant lieu sur le territoire. Or une part des biens consommés dans un pays est importée, et leur fabrication à l’étranger est elle aussi responsable d’émissions de GES. Ces émissions sont comptabilisées dans l’empreinte carbone. D’après le rapport 2024 du Haut conseil pour le climat, l’empreinte carbone de la France est estimée à 623 millions de tonnes de CO2e en 2022, soit 1,6 fois plus que les émissions territoriales rapportées officiellement dans les inventaires nationaux. En comparaison aux émissions globales s’élevant à 53,8 milliards de tonnes de CO2e, l’empreinte carbone française représente alors 1,6% des rejets de GES dûs aux activités humaines. L’affirmation de Marion Maréchal («la France représente 1% des émissions de gaz à effet de serre») est donc imprécise et l’empreinte carbone plus élevée.

Le CO2 s’accumule dans l’atmosphère, et la température globale augmente proportionnellement 

Pour atténuer le changement climatique, toutes les contributions comptent, et cela en raison de la physique du climat. Les gaz à effet de serre (GES) s’accumulent dans l’atmosphère : par exemple, 20 à 35% du CO2 émis est encore présent dans l’atmosphère 2 à 20 siècles plus tard[4]. Plus les activités humaines émettent du CO2, plus la concentration atmosphérique augmente. Or la hausse de température globale est presque directement proportionnelle à la concentration en GES de l’atmosphère : pour chaque 1000 milliards de tonnes de CO2 supplémentaires rejetés, la température globale augmente d’environ 0,45°C[1]. Chaque tonne de CO2 évité a donc un impact direct sur le niveau de réchauffement climatique global.

La notion de budget carbone permet de traduire cette notion en matière de politiques publiques. Ce budget correspond à la quantité maximale de rejets de CO2 – le principal GES émis par les activités humaines – pour rester sous un certain niveau de réchauffement climatique. Par exemple, pour limiter le réchauffement à 1,5°C, il ne faut pas rejeter plus de 500 milliards de tonnes de CO2 après 2020 d’après le GIEC. Ce budget carbone s’élève à 1150 milliards de tonnes à partir de 2020 pour limiter le réchauffement à 2°C. En comparaison, en 2022 la France a rejeté 306,6 millions de tonnes de CO2, et ce chiffre s’élevait à 37,9 milliards de tonnes à l’échelle mondiale d’après les données fournies par le Global carbon project[5].

La question de la responsabilité

Un autre aspect de l’atténuation du changement climatique concerne la responsabilité des États. Les budgets carbone sont établis sur la base de la concentration actuelle en CO2 de l’atmosphère. Or nous l’avons vu, elle est le résultat d’années d’accumulation liées aux activités humaines. Entre 1850 et 2022, 1768,3 milliards de tonnes de CO2 ont été rejetées dans l’atmosphère par les activités humaines, hors secteur des terres[4]. Sur la même période, les émissions territoriales de la France grimpent à 39,1 milliards de tonnes de CO2, soit 2,2 % des émissions totales. La France est le 8ème pays ayant rejeté le plus de CO2 depuis 1850.

Figure 3 – Les émissions fossiles de CO2 cumulées à travers le monde s’élèvent à 1768,3 milliards de tonnes de CO2 entre 1850 et 2022. Les émissions territoriales de la France représentent 2,2% du total, plaçant la France à la 8ème position du classement. Source : Global carbon project[5]

La responsabilité est l’un des facteurs de coopération des citoyens via le sentiment d’équité. Comme l’expliquent deux chercheuses en sciences cognitives et comportementales dans The Conversation, « les citoyens sont prêts à faire des efforts, seulement si ces efforts sont proportionnels aux bénéfices retirés et s’ils sont en adéquation avec leur part de responsabilité. » Reste à trancher la situation de départ : est-ce le monde pré-industriel ou la situation actuelle ? Dans le premier cas, le cumul des émissions compte et la France a une plus grande part de responsabilité. Le deuxième cas fait peser une moins grande part de responsabilité sur la France.

Une autre façon d’adresser la question d’équité est de regarder les émissions par habitant. Selon la base de données EDGAR, elles s’élèvent en moyenne à 6,8 tonnes de CO2e par an par habitant à travers le monde en 2022, et ce chiffre tombe à 6,5 pour la France en ne considérant que les émissions territoriales. L’empreinte carbone des Français – tenant aussi compte des importations – s’élève à 9,2 tonnes de CO2e par personne d’après le Haut conseil pour le climat. Le GIEC souligne les disparités entre les régions : « En 2019, environ 35% de la population vit dans des pays émettant plus de 9 tonnes de CO2e par habitant, alors que 41% vivent dans des pays émettant moins de 3 tonnes de CO2e par habitant. » Autre observation : « Les 10% des ménages les plus riches contribuent à 34 à 45% des émissions globales de GES liées à la consommation, alors que les 50% les moins riches contribuent à 13 à 15%. »[1]

Cette question de la responsabilité est une part intégrante des négociations climatiques internationales. Le principe juridique de « responsabilités communes mais différenciées et capacités respectives » est intégré dans la Convention-cadre des nations unies sur les changements climatiques. Dans The Conversation, des économistes soulignent : « L’essentiel de l’effort de réduction d’émissions incombe bien aux pays développés les plus riches, et aux classes les plus aisées de certains pays émergents et en développement. […] La réduction des inégalités et le renforcement du lien social constituent le chemin le plus sûr vers les objectifs de la COP21.»

L’importance de la coopération internationale

Dans Global Sustainability[2], les auteurs soulignent les conséquences de ce ‘whataboutism’ : « Cela minimise ou élude les points d’entrée à court terme pour l’engagement et la politique climatique, y compris les avantages considérables obtenus par des entités multiples agissant ensemble à toutes les échelles. » L’action collective et la coopération internationale sont considérées par le GIEC comme des leviers essentiels à l’atténuation, avec un haut niveau de confiance. « La coopération internationale est un catalyseur essentiel pour atteindre des objectifs ambitieux d’atténuation du changement climatique, d’adaptation et de développement résilient au climat »[1], écrit le GIEC dans son dernier rapport.

Les accords internationaux aident à stimuler les investissements pour réduire les émissions de GES. Par exemple, des études ont quantifié les retombées du Protocole de Kyoto : une réduction statistiquement significative des émissions de GES est constatée[6]. Selon la synthèse du GIEC[7], les émissions de CO2 évitées sont de l’ordre de 3 à 50%, selon les études. La coopération internationale permet aussi d’accélérer l’innovation et les investissements dans les technologies bas-carbone, comme les énergies renouvelables ou les véhicules électriques. Le GIEC note : « La coopération internationale en matière de développement et transfert de technologies, accompagnée d’un renforcement des capacités, d’un partage des connaissances et d’un soutien technique et financier, peut accélérer la diffusion mondiale des technologies d’atténuation. »

Les conséquences de la hausse des émissions de GES 

Sans action globale de réduction des émissions de GES, la température moyenne de la surface du globe va continuer à augmenter. Les dernières projections du GIEC[1] illustrent les retombées, particulièrement marquées dans la zone intertropicale et les pôles : hausse de la température du jour le plus chaud de l’année, intensification de la sécheresse des sols ou encore hausse des précipitations extrêmes dans les zones continentales. Les risques pour les populations et la biodiversité augmentent à mesure que la température moyenne globale augmente, et donc pour chaque tonne supplémentaire de CO2 rejetée.

Figure 4 – Selon le niveau de réchauffement global, le niveau des retombées sur le climat augmente. De haut en bas : la température du jour le plus chaud de l’année, le changement annuel moyen de l’humidité totale du sol dans la colonne, et le changement de précipitations du jour le plus humide de l’année. Source : IPCC[1]

L’argumentaire soutenu par Marion Maréchal (« il est inutile de réduire les émissions de gaz à effet de serre des petits émetteurs comme la France ») est erroné. L’ensemble des petits émetteurs (moins de 2% des émissions totales) représente 39,2% des émissions globales de gaz à effet de serre. Si l’ensemble de ces pays ne diminuent pas leurs émissions en raison du même argumentaire, les gaz à effet de serre continueront à s’accumuler dans l’atmosphère et le réchauffement climatique s’amplifiera à l’échelle mondiale.

RÉFÉRENCES :

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