- Santé
Aucune preuve que la maladie de Lyme soit d’origine militaire ; l’existence d’une forme chronique de cette maladie n’est pas établie à ce jour
À RETENIR
L’affirmation que la bactérie Borrelia responsable de la maladie de Lyme serait une arme bactériologique échappée d’un laboratoire militaire ne repose sur aucune preuve.
Les tests sérologiques sont peu efficaces aux stades très précoces de la maladie, mais efficaces pour aider à la diagnostiquer à des stades plus tardifs.
Une controverse existe entre les académies de médecine d’une part et certaines associations de patients associées à des “Lyme doctors” d’autre part, quant à l’existence d’une forme chronique de la maladie. Celle-ci n’est à ce jour pas démontrée.
ÉLÉMENT ANALYSÉ
Verdict :
Affirmation :
détail DU Verdict
Infondé :
Aucune preuve ne vient étayer l’hypothèse que la bactérie Borrelia, responsable de la maladie de Lyme, serait issue de la recherche militaire. Elle existait bien avant la découverte de la maladie et présente une diversité génétique qui exclut la possibilité qu’il s’agisse d’une bactérie modifiée échappée d’un laboratoire.
Preuves insuffisantes :
À ce jour, l’existence d’une maladie de Lyme chronique causée par la survie supposée de la bactérie Borrelia dans l’organisme après traitement n’est pas démontrée, et le bénéfice d’un traitement antibiotiques de longue durée sur les patients qui présentent des symptômes persistants n’est pas établi.
AFFIRMATION COMPLÈTE
Vérification
Qu’est-ce que la maladie de Lyme ?
La maladie de Lyme ou borréliose de Lyme est la maladie vectorielle (maladie transmise par un organisme vivant, le plus souvent un insecte ou arthropode) la plus fréquente dans l’hémisphère nord. Une épidémie d’arthrite survenue chez des enfants habitant à Lyme (Connecticut, États-Unis) en 1975, fait suspecter l’existence d’une maladie infectieuse inconnue[1]. En 1982, l’entomologiste médical helvéto-américain William Burgdorfer découvre son agent : une bactérie qui sera baptisée Borrelia burgdorferi (qui comprend plusieurs espèces)[2]. Les vecteurs de cette maladie sont plusieurs espèces de tiques du genre Ixodes, qui transmettent la bactérie par morsure.
Le diagnostic de la maladie de Lyme est complexe, car celle-ci se développe en plusieurs stades, avec des symptômes variés.
1. stade localisé précoce :
Un érythème migrant (tache rouge circulaire autour du point de morsure de la tique) qui survient de 3 à 30 jours après la morsure et s’étend pendant plusieurs semaines. Très caractéristique de la maladie de Lyme, il permet de la diagnostiquer avec un bon niveau de certitude. Il peut cependant être très discret ou absent, même si la maladie est bien présente. Lorsqu’il est identifié, le traitement à base d’antibiotiques se révèle efficace : une étude passant en revue les publications disponibles et combinant leurs résultats conclut à un taux d’échec de 4 % à 2 mois et 2 % à 12 mois[3]. L’érythème disparaît au bout de quelques jours à quelques semaines.
2. stade disséminé :
Si elle n’est pas traitée au premier stade, ou si le traitement est inefficace, la maladie de Lyme prend une forme disséminée, avec une variété de symptômes : neurologiques (atteinte des racines nerveuses, paralysie faciale…), articulaires (arthrite, au niveau des articulations), cutanés (lymphocytome borrélien : lésion de la peau), et plus rarement des troubles du rythme cardiaque ou des troubles ophtalmologiques. La plupart de ces symptômes ne sont pas spécifiques à la maladie de Lyme, ce qui complique beaucoup le diagnostic. Ils peuvent être provoqués par d’autres types d’infections bactériennes, ou par des maladies telles que la polyarthrite rhumatoïde ou la goutte. Là encore, le traitement repose sur des antibiotiques.
3. stade tardif :
Des troubles peuvent apparaître plusieurs mois à plusieurs années après la morsure de tique. Il s’agit notamment d’une lésion de la peau, l’acrodermatite chronique atrophiante, parfois associée à des neuropathies (lésions de certains nerfs). Malgré un traitement antibiotique, des séquelles peuvent subsister.
Depuis sa découverte, la maladie de Lyme est l’objet de thèses complotistes, qui prétendent notamment qu’elle serait une arme biologique développée par les militaires. Mais la maladie a aussi fait l’objet de vifs débats entre d’un côté les médecins « conventionnels » et sociétés savantes comme la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF), et de l’autre des associations de patients, alliées à des « Lyme doctors », des médecins qui se sont auto-proclamés spécialistes dans le traitement de Lyme, et notamment de patients qui se considèrent atteints de formes longues de cette maladie.
Dans une interview donnée au média Tocsin début 2024, dont la vidéo a de nouveau été relayée sur X (anciennement Twitter) fin 2024, ainsi que dans un article publié dans la revue scientifique Archives of Microbiology & Immunology en décembre 2024, Christian Perronne, médecin infectiologue et Lyme doctor, avance plusieurs arguments sur la maladie de Lyme que nous allons vérifier. Il a été un des créateurs de la FFMVT (Fédération française contre les maladies vectorielles à tiques) qu’il a aussi présidée. En 2020, au plus fort de la pandémie de COVID, Christian Perronne s’était prononcé en faveur de l’utilisation de l’hydroxychloroquine pour traiter la maladie, une molécule qui s’est révélée inefficace pour cette application. Perronne a également tenu des propos erronés sur les vaccins anti-Covid.
Affirmation 1 (infondé) :
la maladie de Lyme est issue de la recherche militaire
Cette affirmation n’est pas nouvelle. Elle a été largement propagée aux États-Unis, notamment par Robert Kennedy junior, choisi par le président américain Donald Trump pour être secrétaire d’Etat à la santé. Pour appuyer son propos, Christian Perronne cite dans l’interview à Tocsin le livre « Bitten » (mordue), de Chris Newby paru en 2019 aux éditions Harper (non traduit en français), qui rapporte des propos attribués à William Burgdorfer selon lesquels il aurait travaillé sur des armes biologiques pour l’armée américaine pendant la Guerre froide. La bactérie Borrelia se serait ainsi échappée d’un laboratoire installé depuis 1954 sur Plum Island, non loin de la ville de Lyme.
Cependant, l’infectiologue et spécialiste des maladies à tiques Sam Telford de l’Université Tufts aux États-Unis a publié des arguments contre cette thèse dans le média The Conversation. Il indique notamment avoir retrouvé dans des échantillons de tiques collectés en 1945[4] et en 1896[5] la présence de la bactérie. Elle existait donc bien avant les années 1950.
De plus, Sam Telford souligne que la maladie de Lyme est une arme bactériologique peu probable, car au contraire de la peste, ou des fièvres hémorragiques, elle est très rarement létale et sa durée d’incubation est longue (environ une semaine), sachant également que tous les gens mordus par les tiques ne développent pas la maladie. Elle serait donc très peu efficace telle quelle sur le champ de bataille ou dans le contexte d’un conflit.
On peut toutefois faire l’hypothèse que la bactérie sauvage a été manipulée par la recherche militaire. Si c’était le cas, elle aurait été rendue plus transmissible et plus létale. Sam Telford indique cependant, références à l’appui, que des cas d’érythème migrant, aujourd’hui attribuables à la maladie de Lyme, ont été observés dans le Wisconsin dès 1969 et en Californie dès 1978, deux régions très éloignées du Connecticut où elle a été découverte. Il est improbable que la bactérie ait pu s’échapper accidentellement à trois endroits simultanément. De plus, une étude publiée en 2017 montre que les bactéries Borrelia de ces trois régions et plus largement du territoire des États-Unis présentent des différences génétiques notables[6]. Si une bactérie échappée d’un laboratoire et plus transmissible s’était largement répandue, on n’observerait pas une telle diversité génétique.
Affirmation 2 (trompeur) :
Il y a « des centaines de milliers de malades » en France, « des millions de malades en Europe »
Cette affirmation n’est pas étayée par des preuves. “Le dénombrement des malades de Lyme est malaisé du fait des difficultés de diagnostic et de systèmes de surveillance différents selon les pays, d’autant que la déclaration de la maladie n’est le plus souvent pas obligatoire” indique Yves Hansmann, praticien hospitalier au CHRU de Strasbourg, professeur à la faculté de médecine de l’Université de Strasbourg, et coordinateur du Centre de référence des maladies vectorielles à tiques de l’Est.
Aux États-Unis, le Center for Disease Control (CDC) annonce près de 63 000 cas rapportés annuellement (chiffres 2022) par la surveillance sanitaire, et estime à environ 476 000 le nombre de cas diagnostiqués et traités annuellement dans le pays. Le CDC précise que ce chiffre inclut probablement les patients dont les symptômes font suspecter une maladie de Lyme, sans certitude que cela soit cette maladie.
Pour l’Europe, une étude de revue systématique (évaluation critique d’un ensemble de travaux scientifiques, qui prend en compte notamment tous leurs biais) menée par des scientifiques sur la période 2005-2020, montre que la Belgique, la Finlande, les Pays-Bas, et la Suisse ont les incidences les plus élevées de la maladie de Lyme: plus de 100 cas pour 100 000 habitants par an[7]. Une autre étude menée sur les seuls systèmes nationaux de surveillance observe les incidences les plus élevées en Europe Centrale (Estonie, Lituanie, Slovénie) et en Suisse (plus de 100 cas par an pour 100 000 habitants) suivies de la France et la Pologne (40 à 80 cas pour 100000 habitants)[8]. À noter que certains des auteurs de ces deux études ont déclaré être affiliés aux laboratoires Pfizer, ce qui pourrait constituer un potentiel conflit d’intérêt. Cependant, les données utilisées dans ces travaux sont celles d’études déjà publiées et des services publics de veille sanitaire.
En France, les données de Santé publique France et du réseau sentinelle (plus de 1 200 médecins généralistes en France métropolitaine) indiquent que sur les 15 dernières années, la maladie fluctue entre 41 (2011) et 104 cas (2018) pour 100 000 habitants, soit 62 000 cas diagnostiqués annuellement en moyenne et environ 810 cas hospitalisés chaque année. Les régions les plus touchées se trouvent dans l’Est et le centre de la France.
La prévalence de la maladie de Lyme augmente en Europe et aux États-Unis. Le réchauffement climatique (la chaleur et l’humidité favorisant le développement des tiques), ainsi que l’action humaine sur les milieux naturels et la gestion de la faune sauvage (gibier) porteuse de cette maladie peuvent expliquer cette hausse[9,10]..
Dans tous les cas, les ordres de grandeur sont de quelques milliers à dizaines de milliers de malades par pays, États-Unis exceptés. Ces chiffres ne correspondent pas aux « centaines de milliers » de patients en France, « millions de patients » en Europe cités par Christian Perronne. Celui-ci inclut en effet les formes parfois baptisées « chroniques » (voir plus bas) dont l’existence fait l’objet de vifs débats entre médecins et associations de patients. Ainsi, l’association France Lyme déclare que « le nombre de malades en France est au moins deux fois plus important que celui avancé par le réseau Sentinelle. »
Il faut également faire attention à ne pas confondre les chiffres qui précèdent avec ceux de la « séroprévalence », c’est-à-dire la proportion de personnes qui ont rencontré la maladie : malades actuels, personnes infectées mais n’ayant jamais développé de symptômes, personnes guéries avec ou sans traitement. Dans tous les cas, l’organisme développe des anticorps contre Borrelia, qui peuvent être détectés longtemps après. Une étude passant en revue les publications disponibles et combinant leurs résultats conclut ainsi qu’une moyenne de 14,5% des habitants de la planète a été en contact avec Borrelia, l’Europe centrale dépassant 20%[11].
Affirmation 3 (erroné) :
les tests de sérologie sont inefficaces, et conçus pour ne dépister que 5% des patients
Les tests en question sont des tests sérologiques, qui ne détectent pas directement la bactérie Borrelia mais les anticorps produits par l’organisme contre celle-ci. En premier lieu, un test de type ELISA (test d’immuno-absorption enzymatique) est pratiqué. S’il est positif, un autre test dit Western Blot (identification de protéines spécifiques de Lyme) est effectué pour confirmation.
Dans l’article qu’il a publié dans la revue Archives of Microbiology & Immunology, Christian Perronne s’appuie sur un autre article scientifique pour prétendre que ces tests sont inefficaces. Il écrit : « Surtout, le test a été calibré a priori pour ne jamais trouver plus de 5 % de patients avec un test positif, ce qui est écrit en toutes lettres dans l’article de Assous et al.”
L’article d’Assous[12] semble être interprété de manière erronée par Christian Perronne. Nous l’avons contacté pour qu’il explique son analyse et mettrons à jour ce texte le cas échéant. “L’article d’Assous indique en réalité que pour s’assurer de la qualité des tests, on accepte au maximum 5% d’erreur de diagnostic.”C’est ce que l’on appelle la ‘spécificité’ du test : il ne détecte pas des anticorps dans plus de 5 % des patients non infectés”, explique Yves Hansmann.
Cependant, la proportion de cas dépistés par les tests sérologiques varie selon le stade de la maladie, car il faut du temps pour que la réponse immunitaire se mette en place. L’interprétation des tests peut donc être délicate. Au stade de l’érythème migrant (quelques jours), moins de 50% des cas sont détectés par le test ELISA. Il n’est donc pas recommandé. Au-delà, et pour les formes neurologiques et articulaires c’est plus de 80% (97% dans le cas des formes acrodermatite par exemple) : le test détecte efficacement la maladie (figure 1).
Les seuls tests ne permettent cependant pas de faire la différence entre une maladie passée et éliminée et une maladie présente[13]. Une solution serait de détecter la bactérie directement dans l’organisme. Mais cette détection est malaisée car les prélèvements en contiennent peu. Il est toutefois possible de réaliser des tests PCR (Polymerase chain reaction) au Centre national de référence Borrelia de Strasbourg, pour confirmer certains diagnostics. Mais la sensibilité de ces tests est très variable selon l’échantillon biologique examiné (sérum sanguin, liquide cérébrospinal, urine, peau) et la forme de la maladie (érythème, neurologique, acrodermatite…). Un test PCR seul ne peut suffire pour diagnostiquer et prendre une décision de traitement de la maladie de Lyme[14,15].
Affirmation 4 (infondé) :
Il existe une maladie de Lyme chronique qui peut-être soignée par traitement antibiotique de longue durée
C’est le principal sujet de controverse entre les académies de médecine et certains patients regroupés en associations et soutenus par des « Lyme doctors » comme Christian Perronne.
Au sens médical, le qualificatif de “chronique” appliqué à la maladie de Lyme signifierait que la bactérie Borrelia subsiste et se maintient dans l’organisme après traitement par antibiotiques. Cette persistance possible a été étudiée en laboratoire chez l’animal, et chez l’humain. Une étude passant en revue les publications scientifiques indique que des cas de tolérance de Borrelia burgdorferi au traitement antibiotique et de persistance de la bactérie dans l’organisme ont été mis en évidence chez l’animal et chez l’humain, avec toutefois des interrogations sur leur potentiel infectieux réel et leur rôle dans la survenue de symptômes de longue durée [16]. Chez l’humain, une persistance a été remarquée pendant quelques mois, mais les bactéries prélevées n’ont pas été capables de réinfecter des souris[17]. Une étude, portant sur des prélèvements post-mortem chez un seul patient, traité pour Lyme dans le passé, a détecté des traces de Borrelia dans l’amygdale et la moëlle épinière, mais cette observation n’a pas été reproduite à ce jour[18].
Si la souffrance décrite par les patients n’est pas à mettre en doute, l’attribution de leurs symptômes à la maladie de Lyme n’est pas systématique et le bénéfice d’un traitement antibiotique long n’est pas démontré. Une équipe a ainsi étudié 301 patients dont plus de 90% avaient été exposés à des morsures de tiques, et présentaient des symptômes depuis au moins 4 semaines[19]. Le diagnostic de Lyme était présumé par les patients eux-mêmes ou les médecins généralistes ou spécialistes qu’ils avaient consultés. Près de 50% avaient reçu auparavant un traitement présomptif de la maladie (antibiotiques) de 34 jours en moyenne. Une approche “holistique” a été utilisée pour chaque patient : recueil de l’historique des symptômes, de l’histoire médicale, des traitements passés, tests de laboratoire, examens d’imagerie, ainsi que l’administration d’un traitement de 4 semaines d’antibiotique efficace contre Borrelia pour observer son effet sur les symptômes.
Finalement, le diagnostic de la borréliose de Lyme a été confirmé chez 29 patients guéris après le traitement antibiotique de 4 semaines (9,6%) et considéré comme possible chez 9 autres patients guéris (2,9%). Sur les 243 patients dont le diagnostic est négatif, les maladies sont d’origine psychologique chez 76 patients (31,2%), musculo-squelettique chez 48 patients (19,7%), neurologique chez 37 patients (15,2%) ou autre chez 82 patients (33,7%). Le traitement antibiotique n’a eu aucun effet sur les symptômes dans 80% des cas. Les auteurs concluent que la maladie de Lyme est surdiagnostiquée et surtraitée.
Une autre étude, à haut niveau de preuve, a été menée sous forme d’un essai randomisé en double aveugle (ni les médecins ni les patients ne connaissent les traitements administrés, qui sont tirés au sort)[20]. Les 280 patients présentant des symptômes attribués à la maladie de Lyme ont été répartis en trois groupes, qui se sont vu tout d’abord prescrire un traitement antibiotique de deux semaines. Puis, pendant douze semaines, le premier groupe a reçu un traitement antibiotique (doxycycline), le deuxième groupe un traitement combinant un autre antibiotique et un anti-inflammatoire-antalgique (clarithromycine et hydroxychloroquine) et le troisième groupe un placebo. L’étude a évalué chez les patients la qualité de vie liée à la santé à la fin du premier traitement antibiotique, puis du second (ou placebo). Aucun bénéfice significatif n’a été constaté dans aucun des trois groupes. Les auteurs concluent que les traitements antibiotiques de longue durée ne sont pas utiles chez les patients présentant des symptômes persistants. Il faut noter que le risque d’effets secondaires de ces traitements antibiotiques augmente avec le temps de traitement.
Conclusion
L’origine militaire de la bactérie responsable de la maladie de Lyme ne repose sur aucune preuve. Elle est contredite par le fait que son agent, la bactérie Borrelia, existait bien avant l’apparition de cette rumeur et que sa diversité génétique est trop importante pour être le fait d’une bactérie sauvage transformée qui se serait répandue.
Le recensement des malades de Lyme est complexe car les systèmes de surveillance sont hétérogènes. Ils ne se comptent cependant pas par “centaines de milliers” ou “millions”.
Les tests sérologiques sont peu efficaces aux stades très précoces de la maladie, (quelques jours après une morsure de tique), mais efficaces pour aider à la diagnostiquer à des stades plus tardifs (maladie de Lyme neurologique ou acrodermatite atrophiante notamment).
Une controverse existe entre les académies de médecine d’une part et certaines associations de patients associées à des “Lyme doctors” d’autre part, quant à l’existence d’une forme chronique de la maladie. Celle-ci n’est à ce jour pas démontrée. Le bénéfice de traitements antibiotiques longs pour traiter des symptômes persistants n’est pas établi.
Feedback des scientifiques
Yves Hansmann
Praticien hospitalier, CHRU de Strasbourg, professeur à la faculté de médecine, Université de Strasbourg, Centre de référence des maladies vectorielles à tiques de l’Est
SF: Existe-t-il une maladie de Lyme chronique ?
YH: Non, on ne peut pas l’affirmer aujourd’hui. Lyme est une maladie infectieuse dont on élimine l’agent, la bactérie Borrelia, avec des antibiotiques. Si la maladie n’est pas traitée pendant plusieurs années, des symptômes neurologiques ou cutanés peuvent apparaître et se maintenir. On traite avec des antibiotiques. Les tests PCR deviennent alors négatifs. Cependant, certaines personnes traitées continuent à manifester des symptômes. La question : ‘la bactérie est-elle restée dans l’organisme ?’ est légitime. Une étude, portant sur des prélèvements post-mortem chez un seul patient, traité pour Lyme dans le passé, a détecté des traces de Borrelia dans l’amygdale et la moëlle épinière, mais cette observation n’a pas été reproduite à ce jour[18].
SF: Quelle proportion de patients sont concernés ?
YH: Dans 80% des cas, les symptômes disparaissent après traitement antibiotique. Il reste 20% des patients avec des symptômes persistants, neurologiques par exemple. Lyme a probablement été le déclencheur de ces manifestations. Mais les traitements à base d’antibiotiques n’apportent rien à ces patients, et aucune raison éthique ne peut les justifier. Par ailleurs, les antibiotiques pris sur une longue durée peuvent avoir un effet néfaste sur la flore microbienne.
SF: Que proposer à ces patients ?
YH: Ces patients sont en errance. Ils présentent des troubles fonctionnels, de véritables symptômes, sans qu’on puisse identifier une cause organique claire. Ils reprochent souvent au corps médical le fait de s’entendre dire que leur maladie est seulement “psychosomatique”. Ce reproche est justifié. Il faut mettre en place pour ces patients à la fois une prise en charge des symptômes, une activité physique adaptée et un accompagnement psychologique. Mais nous ne pouvons confirmer une maladie de Lyme que nous ne détectons pas. C’est ce qui rend parfois le dialogue avec certaines associations de patients difficile.
SF: Sur quoi porte la recherche sur la maladie de Lyme aujourd’hui ?
YH: Sur l’amélioration des techniques diagnostiques, comme l’identification de peptides protéiques et de séquences d’ADN spécifiques de Borrelia, ou encore les tests PCR. Avec les centres de référence, nous constituons des cohortes de patients pour réaliser des études descriptives, qui nous fourniront des statistiques sur la maladie. Enfin, nous allons focaliser nos observations sur ces patients qui présentent ces symptômes de longue durée.
Références :
- 1 – Mead et al. (2024) Lyme Disease Surveillance and Epidemiology in the United States: A Historical Perspective. The Journal of infectious diseases
- 2 – Burgdorfer et al. (1982) Lyme Disease—a Tick-Borne Spirochetosis? Science
- 3 – Torbahn et al. (2018) Efficacy and Safety of Antibiotic Therapy in Early Cutaneous Lyme Borreliosis JAMA Dermatology
- 4 – Persing et al. (1990) Detection of Borrelia burgdorferi DNA in Museum Specimens of Ixodes dammini Ticks Science
- 5 – Marshall et al. (1994) Detection Of Borrelia Burgdorferi Dna In Museum Specimens Of Peromyscus The Journal of Infectious Diseases
- 6 – Walter et al. (2017) Genomic insights into the ancient spread of Lyme disease across North America Nature Ecology & Evolution
- 7 – Burn et al. (2023) Incidence of Lyme Borreliosis in Europe: A Systematic Review (2005–2020) Vector-borne and zoonotic diseases
- 8 – Burn et al. (2023) Incidence of Lyme Borreliosis in Europe from National Surveillance Systems (2005-2020) Vector-borne and zoonotic diseases
- 9 – Voyiatzaki et al. (20XX) Climate Changes Exacerbate the Spread of Ixodes ricinus and the Occurrence of Lyme Borreliosis and Tick-Borne Encephalitis in Europe-How Climate Models Are Used as a Risk Assessment Approach for Tick-Borne Diseases International journal of environmental research and public health
- 10 – Gilbert (2021) The Impacts of Climate Change on Ticks and Tick-Borne Disease Risk Annual review of entomology
- 11 – Yan et al. (2022) Global seroprevalence and sociodemographic characteristics of Borrelia burgdorferi sensu lato in human populations: a systematic review and meta-analysis BMJ global health
- 12 – Assous. (2007) Méthodes du diagnostic biologique au cours des différentes manifestations de la borréliose de Lyme Médecine et maladies infectieuses
- 13 – Aguero-Rosenfeld et al. (2005) Diagnosis of Lyme Borreliosis Clinical microbiology reviews
- 14 – Guérin et al. (2023) Lyme borreliosis diagnosis: state of the art of improvements and innovations BMC Microbiology
- 15 – Dessau et al. (2018) To test or not to test? Laboratory support for the diagnosis of Lyme borreliosis: a position paper of ESGBOR, the ESCMID study group for Lyme borreliosis Clinical microbiology and infection
- 16 – Cabello et al. (2022) Borreliella burgdorferi Antimicrobial-Tolerant Persistence in Lyme Disease and Posttreatment Lyme Disease Syndromes mBio
- 17 – Marques et al. (2014) Xenodiagnosis to Detect Borrelia burgdorferi Infection: A First-in-Human Study Clinical infectious diseases
- 18 – Gadila et al. (2021) Detecting Borrelia Spirochetes: A Case Study With Validation Among Autopsy Specimens Frontiers in neurology
- 19 – Haddad et al. (2018) Holistic Approach in Patients With Presumed Lyme Borreliosis Leads to Less Than 10% of Confirmation and More Than 80% of Antibiotic Failures Clinical infectious diseases
- 20 – Berende et al. (2016) Randomized Trial of Longer-Term Therapy for Symptoms Attributed to Lyme Disease NEJM