• Climat

Faut-il s’interroger sur le rôle des humains dans le réchauffement, comme l’affirme Pascal Praud ? Les scientifiques connaissent déjà la réponse

Posté le : 27 Mar 2025

à retenir

  • Les facteurs naturels et humains influencent la température moyenne globale
  • Les modèles de climat ont montré qu’il était impossible de simuler les changements climatiques récents uniquement avec les facteurs naturels. Le réchauffement lié aux facteurs humains est estimé à 1,07°C entre 1850-1900 et 2010-2019. Celui lié aux facteurs naturels est négligeable.
  • Pour déterminer le poids de chacun de ces facteurs, les scientifiques ont adopté une démarche scientifique : ils ont testé la validité de différentes hypothèses.
  • Les modèles de climat ont montré qu’il était impossible de simuler les changements climatiques récents uniquement avec des facteurs naturels. Le poids des facteurs humains est très largement majoritaire pour les expliquer.
  • Cette expérimentation est validée par une relation physique bien connue entre les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et la hausse des températures mondiales par l’effet de serre. Les activités humaines rejettent des gaz à effet de serre.
  • Le réchauffement lié aux facteurs humains est estimé à 1,07°C entre 1850-1900 et 2010-2019. Celui lié aux facteurs naturels est négligeable.

contenu analysé

Trompeur

Nous avons le droit de nous interroger sur la responsabilité des activités humaines dans le réchauffement climatique.

Source : Europe 1, Pascal Praud, 20 Fév 2025

détails du Verdict

Trompeur :

Il est légitime de s’interroger sur les facteurs en cause dans le réchauffement climatique. Mais cela doit être fait selon une démarche scientifique rigoureuse. Les scientifiques ont déjà réalisé cet exercice et démontré sans équivoque la responsabilité des activités humaines.

affirmation complète

« Le réchauffement climatique, moi je veux bien en parler, mais on a le droit de s'interroger sur qui est responsable du réchauffement climatique. Est-ce l'Homme à 100%, ou pas ? On peut poser les questions. »

Vérification

En matière de climat, une rhétorique souvent rencontrée se focalise sur l’origine du changement climatique actuel. En particulier, certains affirment que les changements climatiques récents pourraient être liés à la variabilité naturelle, et non aux activités humaines. Cela omet l’état actuel des connaissances scientifiques, qui établit sans équivoque la responsabilité des activités humaines comme nous le rappelons dans cet article[1]. Sur Europe 1 le 20 février 2025, le journaliste Pascal Praud – auteur récurrent de désinformation sur le climat – questionne : « On a le droit de s’interroger sur qui est responsable du réchauffement climatique. Est-ce l’Homme à 100%, ou pas ? » Une question déjà soulevée par Marion Maréchal sur BFM TV comme le soulignait l’association Quota Climat sur X le 15 novembre 2024.

Cette question en apparence légitime trompe l’audience de Pascal Praud. Il est en effet légitime de se demander dans quelle mesure les activités humaines sont responsables de la hausse globale des températures. Mais pour répondre à cette question, un raisonnement scientifique reproductible doit être mis en œuvre. Les scientifiques se sont d’ailleurs posé cette question et y ont répondu en s’appuyant sur la démarche scientifique. Il est trompeur de suggérer que le journalisme peut répondre à cette question, comme le fait Praud : en faisant cela, il insinue que les opinions et les faits ont la même valeur, ce qui est faux puisque seule la démarche scientifique permet de produire des connaissances les plus fiables possibles.

LA DÉMARCHE SCIENTIFIQUE ET LA REVUE PAR LES PAIRS SONT À LA BASE DE LA PRODUCTION DES CONNAISSANCES

La démarche scientifique est la méthode utilisée par les scientifiques pour comprendre et expliquer le monde qui nous entoure, comme l’explique le Commissariat à l’énergie atomique sur son site internet :

« Elle se déroule en plusieurs étapes : à partir de l’observation d’un phénomène et de la formulation d’une problématique, différentes hypothèses vont être émises, testées puis infirmées ou confirmées ; à partir de cette confirmation se construit un modèle ou théorie. L’observation et l’expérimentation sont des moyens pour tester les différentes hypothèses émises. […] Elle repose sur la construction d’un raisonnement logique et argumenté. »

Une fois les connaissances produites, les scientifiques soumettent leurs résultats détaillés à des journaux scientifiques. La fiabilité de l’étude est évaluée par d’autres scientifiques experts du domaine, c’est le principe de la revue par les pairs (‘peer-review’ en anglais). C’est une différence majeure entre une opinion librement exprimée par une personne et des faits scientifiques.

C’est exactement la démarche qu’ont suivi les scientifiques. Dans l’exemple qui nous intéresse, le phénomène observé est l’augmentation globale des températures à la surface de la Terre. La problématique est la suivante : qu’est-ce qui explique cette hausse des températures ?

LES MODÈLES DE CLIMAT MONTRENT QUE LES CAUSES NATURELLES NE PEUVENT EXPLIQUER LE RÉCHAUFFEMENT

Les hypothèses testées par les scientifiques sont issues de la connaissance du fonctionnement du climat. Le climat peut être influencé par[2] :

  • Des facteurs naturels. Les principaux facteurs naturels sont la variation de l’activité solaire, qui modifie la quantité d’énergie provenant du Soleil; et les grandes éruptions volcaniques qui émettent des particules fines dans la haute atmosphère, refroidissant ainsi la surface de la Terre. La variabilité interne du climat (par exemple les phénomènes El Niño) joue également un rôle.
  • Des facteurs humains. Les activités humaines – combustion d’énergies fossiles, utilisation des terres, agriculture, etc. – rejettent des gaz à effet de serre et des aérosols dans l’atmosphère. Les gaz à effet de serre piègent le rayonnement infrarouge, réchauffant le climat, comme Science Feedback l’explique dans cet article; et les aérosols réfléchissent la lumière, refroidissant la surface terrestre.

Pour tester la validité ou l’invalidité de ces hypothèses, des observations et expérimentations sont nécessaires. Comme l’explique le 6ème rapport de synthèse[1] du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC), des modèles numériques de haute qualité sont indispensables pour évaluer la contribution de ces différents facteurs. Les modèles numériques sont un ensemble d’équations numériques décrivant la physique du climat, ils sont réalisés sur des serveurs informatiques. Ils permettent de simuler le climat sur l’ensemble de la planète.

Un ensemble de simulations ont été réalisées en intégrant uniquement les causes naturelles de variation du climat (variations internes comme le phénomène El Niño, variation de l’activité du Soleil et émissions des grandes éruptions volcaniques)[2]. Comme le montre la figure 1, les résultats de ces simulations (en vert) sont très éloignés des observations réelles de températures (en noir). Cela permet d’invalider l’hypothèse suivante : ‘les facteurs naturels expliquent à eux seuls la hausse des températures observée’.

En revanche, lorsque les scientifiques simulent le climat en intégrant les effets des activités humaines, les résultats sont différents. La courbe rouge sur la figure 1 montre les résultats des simulations qui tiennent uniquement compte des gaz à effet de serre émis par les activités humaines. En bleu, les mêmes simulations tiennent uniquement compte de l’effet refroidissant des aérosols émis par les activités humaines. Et la courbe grise montre les résultats des simulations tenant compte des facteurs naturels et humains. Les scientifiques ont ainsi constaté que les facteurs humains ont un rôle prépondérant pour expliquer la hausse des températures.

Figure 1 – En employant des modèles climatiques, les scientifiques simulent l’effet des facteurs influençant les températures à la surface du globe. Le réchauffement observé (en noir) n’est reproduit que dans les simulations prenant en compte l’influence humaine. Les bandes colorées représentent les fourchettes obtenues par les nombreux modèles utilisés. Les lignes pleines indiquent la moyenne de l’ensemble des modèles. Source : 6ème rapport du GIEC[2]

LES ÉMISSIONS DE GES PAR LES ACTIVITÉS HUMAINES EXPLIQUENT LA HAUSSE DES TEMPÉRATURES MONDIALES

S’il est légitime de poser la question du rôle des activités humaines dans le réchauffement climatique, la méthode scientifique y répond sans ambiguïté : un tel réchauffement est impossible sans activités humaines. 

Il est alors possible de construire une théorie explicative basée sur des relations physiques bien connues, comme l’illustre la figure 2 ci-dessous :

  • Les émissions de gaz à effet de serre augmentent depuis 1850 en raison des activités humaines (panneau a en bas de la figure 2) ;
  • Cela a conduit à une hausse rapide des concentrations atmosphériques en gaz à effet de serre (panneau b) ;
  • Les températures globales à la surface de la Terre ont augmenté de 1,1°C entre les périodes 1850-1900 et 2011-2020 en raison du renforcement de l’effet de serre (panneau c) ;
  • La synthèse des informations issues des modèles de climat et des observations met en évidence que le réchauffement observé entre 1850-1900 et 2010-2019 est causé par les activités humaines (panneau d).
Figure 2 – La méthode scientifique repose sur un raisonnement logique et argumenté. Ici, la chaîne de causalité depuis les émissions liées aux activités humaines (panneau a) à la hausse des températures globales (panneau c) démontre la responsabilité de l’humanité dans le réchauffement climatique (panneau d). Source : 6ème rapport du GIEC[1]

D’AUTRES INDICATEURS CONFIRMENT LA CAUSE HUMAINE DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES RÉCENTS

Pour s’assurer de la validité de leur théorie, les scientifiques ont étudié de nombreux autres indicateurs. Ils démontrent sa validité, comme l’explique le GIEC[2] :

« L’effet dominant des activités humaines est visible non seulement dans le réchauffement de la température de surface du globe, mais aussi dans la structure combinant réchauffement de la basse atmosphère et refroidissement de la stratosphère, dans le réchauffement de l’océan, dans la fonte de la glace de mer et dans de nombreux autres changements observés. »

À cela s’ajoute le rythme particulièrement rapide du réchauffement. Alors que de nombreuses données témoignant des climats passés (anneaux de croissance des arbres, glace des glaciers, sédiments) montrent des variations des températures, le réchauffement récent a inversé une lente tendance au refroidissement. La rapidité du réchauffement est inhabituelle et atteint des niveaux sans précédent depuis plus de 2000 ans (figure 3).

Figure 3 – Les changements de températures à la surface du globe sont reconstruits à partir des archives paléoclimatiques entre les années 1 et 2000 (courbe grise). Plus récemment (1850-2020), elles ont été directement mesurées (courbe noire). La barre verticale à gauche montre les variations de températures estimées au cours de la période la plus chaude depuis au moins 100 000 ans (elle s’est produite il y a environ 6500 ans). Alors que ces périodes chaudes ont été causées par des causes naturelles, on constate que le réchauffement actuel les dépasse. Source : 6ème rapport du GIEC[3]

+1,07 °C DEPUIS LE DÉBUT DE L’ÈRE INDUSTRIELLE EN RAISON DES ACTIVITÉS HUMAINES

Les études scientifiques ont permis d’évaluer le rôle des facteurs naturels et humains dans les changements climatiques récents. Deux méthodes sont utilisées : la première repose sur l’utilisation des modèles de climat, alimentés des observations climatiques, comme nous l’avons expliqué auparavant (figure 4b). La deuxième s’appuie sur la compréhension physique de l’effet des molécules atmosphériques sur le climat (figure 4c). Les scientifiques calculent le forçage radiatif – c’est-à-dire l’influence du composé sur le climat global – de chaque composé émis par les activités humaines (gaz à effet de serre, aérosols, etc).

Figure 4 – Deux méthodes sont utilisées pour évaluer les facteurs contribuant au réchauffement climatique observé (panneau a). La première utilise des modèles de climat (panneau b) et la deuxième s’appuie sur la compréhension physique de l’effet des molécules atmosphériques sur le climat (panneau c). Les barres verticales rouges témoignent d’un effet de réchauffement des composés, tandis que les barres bleues montrent un refroidissement. Les lignes verticales noires montrent les fourchettes probables. On constate que l’influence humaine totale (panneau b) est égale au réchauffement observé (panneau a). Source : 6ème rapport du GIEC[3]

Ces études montrent que la fourchette probable de l’augmentation de la température à la surface du globe due à l’ensemble des activités humaines entre 1850–1900 et 2010–2019 est de 0,8 °C à 1,3 °C, avec une meilleure estimation de 1,07 °C[3].

CONCLUSION


Pour affirmer que les activités humaines sont responsables des changements climatiques récents, les scientifiques ont adopté une démarche scientifique. Les modèles de climat ne peuvent simuler le climat récent en prenant uniquement en compte les facteurs naturels. En revanche, lorsque les activités humaines sont ajoutées, le modèle est en mesure de reproduire le réchauffement mesuré depuis le début de l’ère industrielle. Des relations physiques bien connues entre les concentrations de gaz à effet de serre et la hausse des températures mondiales permettent d’établir une théorie explicative. Les activités humaines rejettent des gaz à effet de serre, provoquant une hausse rapide de leur concentration atmosphérique. Le réchauffement lié aux facteurs humains est estimé à 1,07°C entre 1850-1900 et 2010-2019. Celui lié aux facteurs naturels est négligeable.

Le journaliste Pascal Praud trompe son audience en affirmant que la question de la part de responsabilité de l’humanité dans le réchauffement climatique est légitime. Pour y répondre, il faut employer une méthode scientifique, comme l’ont fait les scientifiques. Attention à ne pas mettre sur le même plan opinion et faits. Les connaissances scientifiques sont construites en mettant en œuvre une démarche scientifique et une validation par les pairs, contrairement aux opinions.

Science Feedback a sollicité la rédaction d’Europe 1. L’article sera mis à jour si de plus amples informations nous sont communiquées.

Cet article a été écrit dans le cadre du projet Climate Safeguards, une collaboration entre Science Feedback, QuotaClimat et Data for Good.

Références :

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