- Énergie
Près de la moitié de l’énergie consommée en France provient de combustibles fossiles, l’électricité ne fournit qu’un quart des besoins en énergie
à retenir
- 45 % de l’énergie consommée en France provient des combustibles fossiles (pétrole, charbon et gaz naturel), et 38,6% du nucléaire.
- L’électricité est une forme d’énergie (parmi d’autres) fournie au consommateur. La quasi-totalité de l’électricité produite en France est bas-carbone, mais l’électricité ne représente qu’un quart de la consommation finale d’énergie des Français. Le pétrole est la consommation finale la plus importante (39%).
- En 2023, 269 millions de tonnes de gaz à effet de serre ont été rejetées en France en raison de la combustion des énergies fossiles.
- En prenant en compte l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre, la France se classe à la 20ème place mondiale (parmi 208 États), et 3ème place en Union européenne.
contenu analysé
Verdict :
Affirmation :
La France est le pays émettant le moins de CO2 grâce au nucléaire.
détails du Verdict
Factuellement inexact :
La France est le 20ème pays le plus émetteur de gaz à effet de serre, parmi 208 États.
Erroné :
Attention à ne pas confondre énergie et électricité : l’électricité est une forme d’énergie consommée. La consommation finale d’énergie en France se fait majoritairement sous la forme de pétrole (39%), puis d’électricité (27%). La source principale d’énergie en France sont les combustibles fossiles, puis le nucléaire.
affirmation complète
« Quand vous regardez les cartes européennes de la pollution, vous avez le gros du CO2 qui arrive d’Allemagne. Ensuite, on est le pays au monde qui pollue le moins parce qu’on a de l’énergie nucléaire. »
Vérification
Employer des termes précis est indispensable pour ne pas mener à la désinformation. L’une des erreurs courantes est de confondre énergie et électricité. L’énergie est définie comme une capacité à agir. Elle satisfait aux besoins de l’humanité en fournissant du chauffage, de la mobilité, des objets, etc. L’énergie peut être produite à partir de la nature (énergies solaire, éolienne, hydraulique) ou contenue dans des produits énergétiques tirés de la nature (combustion du pétrole, gaz, bois). L’électricité est une forme d’énergie produite par l’humain à partir d’une source d’énergie : combustion du charbon dans une centrale électrique, fonctionnement d’une centrale nucléaire, etc.
Prenons l’exemple de la France. Pour leurs besoins quotidiens, citoyens et industries consomment un panel de formes d’énergies :
- électricité (éclairage, chauffage, procédés industriels, etc.) ;
- gaz (chauffage, cuisine, etc.) ;
- pétrole (voitures thermiques, etc.) ;
- ou encore bois (chauffage, production d’eau chaude, etc.).
Dans une interview le 17 février sur Sud Radio consacrée aux zones à faibles émissions, l’écrivain et cinéaste Alexandre Jardin affirme : « On est le pays au monde qui pollue le moins parce qu’on a de l’énergie nucléaire. » Cette affirmation est fausse. La France occupe la 20ème position du classement des émissions de gaz à effet de serre, parmi 208 pays[1]. Cela s’explique par une consommation importante d’énergies fossiles, pour le transport notamment. Si l’électricité consommée est faiblement carbonée grâce au nucléaire, elle ne fournit qu’un quart des besoins en énergie.
L’ÉNERGIE EN FRANCE PROVIENT PRINCIPALEMENT DES COMBUSTIBLES FOSSILES
À travers le monde en 2022, 81% de l’énergie consommée est produite à partir de sources fossiles (charbon, pétrole et gaz naturel) d’après l’Agence internationale de l’énergie (figure 1). En Europe la même année, ce chiffre s’élève à 70,5 %.
En France en 2023, le bouquet énergétique ou mix énergétique est composé à 45,2 % de sources fossiles (pétrole, charbon et gaz naturel), comme le montre la figure 2.
Ces sources primaires d’énergie sont ensuite transformées pour être mises à disposition des utilisateurs par combustion ou sous la forme d’électricité, voire sont plus minoritairement destinées à d’autres usages non-énergie (comme la pétrochimie). On parle alors de consommation finale. La différence entre la consommation primaire et finale s’explique par :
- la transformation des sources primaires pour l’usage : par exemple, le charbon est brûlé pour produire de l’électricité ;
- les pertes d’énergie lors de la transformation, du transport et de la distribution : notamment, une partie de l’énergie produite par les centrales nucléaires n’est pas transformée en électricité et est perdue.
Ainsi, la consommation finale d’énergie se fait principalement sous la forme de pétrole (38%) suivie de l’électricité (27%) (figure 3).
Source : Chiffres clés de l’énergie 2024/SDES
L’ÉLECTRICITÉ FRANÇAISE EST BAS-CARBONE MAIS NE COUVRE QU’UN QUART DES BESOINS
La France ne produit que 56% de l’énergie qu’elle consomme (en 2023), le reste – notamment les combustibles fossiles – étant importé. Le pétrole brut est importé d’Afrique subsaharienne, d’Amérique du Nord et du Moyen-Orient. Le gaz naturel provient des États-Unis, Norvège, Russie, Algérie, Qatar, Pays-Bas et Nigéria.
L’énergie produite sur le territoire repose principalement sur le nucléaire (72% en 2023), l’hydraulique et les renouvelables. Quant à l’électricité, 95% de l’électricité produite en France en 2024 repose sur des sources bas-carbone (nucléaire et renouvelables) (figure 4).
L’électricité que la France consomme rejette donc une quantité faible de gaz à effet de serre par rapport aux autres pays : une centrale nucléaire rejette 0,0037 tonnes de CO2e pour produire 1 MWh (une unité d’énergie). Une centrale à charbon en rejette près de 300 fois plus (1,96 t CO2/MWh).
Mais comme nous l’avons expliqué, l’électricité ne couvre que 27% de la consommation finale d’énergie des Français. Or les émissions de GES liées à l’énergie dépendent du niveau de consommation mais aussi du mix énergétique. Il est trompeur de ne se focaliser que sur le nucléaire et d’omettre les émissions liées à la combustion des fossiles pour le transport par exemple, comme le fait Alexandre Jardin. Cela exclut la réalité des différentes sources d’énergies utilisées et l’impact de leur consommation. En France en 2023, 269 millions de tonnes de CO2e (une unité comptabilisant le potentiel de réchauffement de l’ensemble des gaz à effet de serre) ont été rejetées par la combustion de fossiles d’après l’Agence internationale de l’énergie. Cela représente près des trois quart des émissions de gaz à effet de serre recensées sur le territoire national, comme Science Feedback le détaille dans cet article.
LA FRANCE EST LE 20ÈME ÉTAT LE PLUS ÉMETTEUR DE GAZ À EFFET DE SERRE AU MONDE, ET LE 3ÈME EN UNION EUROPÉENNE
En plus d’omettre les sources fossiles d’énergies, Alexandre Jardin affirme que la France est le pays « le moins pollueur au monde », ce qui est faux. D’après la base de données EDGAR de la Commission européenne[1], qui produit une estimation harmonisée pour l’ensemble des pays, les émissions de gaz à effet de serre du territoire s’élèvent à 385,5 millions de tonnes de CO2e en 2023. La France est ainsi le 20ème pays le plus émetteur de GES, parmi les 208 États comptabilisés dans la base de données. En Union européenne, la France se classe à la troisième place, derrière l’Allemagne et l’Italie (figure 5).
Enfin, un autre argument trompeur pourrait ici être avancé : ce classement comptabilise les GES rejetés par l’ensemble des activités humaines. C’est-à-dire qu’il intègre les émissions liées à l’usage d’énergie, mais aussi à l’agriculture par exemple qui rejette du méthane. Mais même si nous nous focalisons uniquement sur les rejets de GES liés à l’énergie, le classement reste inchangé : en France en 2023, 269 millions de tonnes de CO2e ont été rejetées par la combustion de fossiles d’après l’Agence internationale de l’énergie. Ce chiffre s’élève à 542 Mt CO2e pour l’Allemagne et 289 Mt CO2e pour l’Italie. L’énergie est responsable des trois quarts des émissions globales de gaz à effet de serre, soit 34 milliards de tonnes de CO2e en 2022.
L’atténuation du changement climatique fait régulièrement l’objet de désinformation. L’argument de la production d’électricité nucléaire est souvent utilisé pour justifier une inaction de la part de la France. Une autre rhétorique régulièrement rencontrée par l’équipe de Science Feedback est l’argument du « à quoi bon ». Elle s’appuie sur la part de responsabilité de la France dans les émissions mondiales de GES, soulignant « comme nos émissions ne représentent que moins de 1% des émissions mondiales, cela ne sert à rien d’agir ».
Science Feedback a déjà consacré un article d’Éclairage à ce sujet. En 2023, la France représente 0,75% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (figure 6). Cumulés, l’ensemble des pays émettant moins de 2% des émissions globales représentent 37,6% du total. Réduire les émissions de GES des petits émetteurs est crucial pour atténuer le changement climatique. De plus, les gaz à effet de serre (et notamment le CO2) persistent et s’accumulent dans l’atmosphère. Chaque tonne de CO2 évitée a un impact direct sur le niveau de réchauffement climatique global.
CONCLUSION
Le mix énergétique français, c’est-à-dire les différentes sources d’énergie utilisées, repose à 45,2 % sur les combustibles fossiles (pétrole, charbon et gaz naturel) et 38,6% sur le nucléaire. Ces sources d’énergie sont transformées pour les mettre à disposition des utilisateurs : les Français consomment ainsi leur énergie majoritairement sous la forme de pétrole (38%). Si la quasi-totalité de l’électricité produite en France est bas-carbone, l’électricité ne fournit qu’un quart des besoins en énergie des Français. Attention à ne pas confondre le mix énergétique du mix électrique, l’électricité n’étant qu’une forme d’énergie parmi d’autres.
Résultat, en France en 2023, 269 millions de tonnes de CO2e ont été rejetées en raison de la combustion des énergies fossiles. Lorsqu’on comptabilise l’ensemble des rejets de gaz à effet de serre, la France se classe à la 20ème place mondiale (parmi 208 États), et à la 3ème place en Union européenne.
Science Feedback a sollicité la rédaction de Sud Radio. L’article sera mis à jour si de plus amples informations nous sont communiquées.
Cet article a été écrit dans le cadre du projet Climate Safeguards, une collaboration entre Science Feedback, QuotaClimat et Data for Good.
Références :
- 1 – Crippa et al. (2024) GHG emissions of all world countries. Publications Office of the European Union