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Les renouvelables limitent fortement les rejets de gaz à effet de serre, même si le recours aux énergies fossiles est parfois nécessaire pendant les pics de consommation

Posté le : 13 Déc 2024

À RETENIR

Entre 2005 et 2023, le déploiement des renouvelables a permis d’éviter le rejet de 19 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère, soit l’équivalent de la moitié de l’ensemble des émissions de l’humanité au cours de l’année 2023. Les éoliennes et les panneaux photovoltaïques émettent moins de gaz à effet de serre que les sources fossiles d’électricité comme le charbon ou le gaz. La production électrique renouvelable n’est pas suffisante pour répondre à toute la demande, notamment lors des pics hivernaux : si le recours aux fossiles est alors nécessaire, cela ne remet pas en cause l’intérêt de remplacer les technologies fossiles par les renouvelables. Chaque kWh d’électricité fossile remplacé par des sources renouvelables permet d’éviter le rejet de gaz à effet de serre. 

ÉLÉMENT ANALYSÉ

Trompeur

À cause des énergies renouvelables, il faut rouvrir les centrales à charbon.

Source : Twitter/X, Nicolas Dupont-Aignan, 13 Nov 2024

DÉTAIL DU VERDICT

Trompeur :

En hiver, les centrales à charbon peuvent pallier les pics de consommation électrique. Leur  redémarrage ne signifie pas que les renouvelables sont mauvais pour le climat : ils diminuent le rejet de gaz à effet de serre.

Erroné :

La substitution de la production électrique fossile par des sources renouvelables a permis d’éviter le rejet de 19 milliards de tonnes de CO2 en 2023.

AFFIRMATION COMPLÈTE

“À force de développer l’énergie éolienne, qui ne fonctionne pas quand il n’y a pas de vent, la France est obligé [sic] de rouvrir une centrale à charbon très polluante.”

Vérification

À l’approche de l’hiver, la consommation électrique des pays européens augmente pour notamment chauffer les bâtiments. En conséquence, certaines centrales à charbon reprennent du service, comme celle de Saint-Avold (France). Dans un communiqué sur Facebook, les équipes indiquent que la centrale “arrive en dernier recours pour faire l’équilibre entre les consommations et la production. C’est le cas lorsque les températures baissent (hausse des consommations) ou qu’il y a peu de vent (baisse de la production des éoliennes non pilotables).” En raison de l’utilisation des centrales à charbon, plusieurs personnalités publiques accusent régulièrement les énergies renouvelables d’être inutiles pour la transition énergétique. L’ancien député Nicolas Dupont-Aignan affirme sur Xà force de développer l’énergie éolienne qui ne fonctionne pas quand il n’y a pas de vent, la France est obligé [sic] de rouvrir une centrale à charbon très polluante.” L’animateur Mac Lesggy poste sur X : “D’où provient l’électricité [allemande] cette semaine […] : quand arrêtera-t-on cette folie climaticide des énergies “renouvelables” intermittentes ?” 

Ces affirmations visent à nier l’intérêt des énergies renouvelables pour limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES), à l’origine du changement climatique actuel. Comme nous le montrons dans cet article, ces affirmations sont trompeuses : la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables rejette beaucoup moins de GES dans l’atmosphère que les énergies fossiles comme le charbon. Pour chaque quantité d’électricité produite par des énergies renouvelables, plutôt que fossiles, le rejet de GES dans l’atmosphère est moindre. En France, le charbon n’a contribué qu’à la production de 0,17% de l’électricité en 2023.

DES ÉMISSIONS DE CO2 RECORDS LIMITÉES PAR LA PROGRESSION DES RENOUVELABLES

Les besoins en électricité sont en hausse à l’échelle mondiale : la production électrique mondiale augmente donc pour répondre à la demande (+2,4% en moyenne chaque année sur la période 2015-2019) d’après l’Agence internationale de l’énergie. En 2022, la production d’électricité et de chaleur a atteint des niveaux records en termes d’émissions de GES : 14,8 milliards de tonnes de CO2 ont été rejetées, soit 1,5% de plus qu’en 2021. Le charbon, la source la plus émettrice de GES, reste la principale source d’électricité dans le monde, représentant 35,2% de la production en 2023. 

Mais grâce aux renouvelables, la croissance annuelle de génération d’électricité d’origine fossile (charbon, pétrole et gaz) a ralenti, passant de 3,5% en moyenne entre 2004 et 2013 à 1,3% entre 2014 et 2023, comme le montre la figure 1. Entre 2005 et 2023 à l’échelle mondiale, la production d’électricité à partir des énergies éolienne et solaire – plutôt qu’à partir d’énergies fossiles – a permis d’éviter le rejet de 19 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère, ce qui représente plus de la moitié de l’ensemble des émissions de CO2 de l’humanité au cours de l’année 2023. Et cela malgré l’intermittence des renouvelables, c’est-à-dire la variation saisonnière de la production en fonction de la météo. Il est donc faux d’affirmer comme Mac Lesggy que l’électricité renouvelable est “climaticide” : elle permet de limiter les émissions de GES. Sans les renouvelables, le recours aux énergies fossiles serait plus important pour répondre aux besoins de la population.

Figure 1 – La production mondiale d’électricité augmente au cours du temps. Le déploiement des renouvelables (en vert et bleu) permet en partie de répondre à la demande en hausse, tout en limitant la croissance de l’électricité d’origine fossile (en noir). Source : Global electricity review 2024, Ember

LES ÉMISSIONS DE CO2 LIÉES À LA PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ ET DE CHAUFFAGE SONT EN BAISSE EN EUROPE GRÂCE AUX RENOUVELABLES

Concernant l’Europe, la production totale d’électricité a augmenté de 9% entre 2000 et 2022. Après avoir connu un pic en 2015, les émissions de CO2 liées à la production d’électricité et de chauffage (ces deux industries sont considérées comme un même secteur par l’Agence internationale de l’énergie) diminuent depuis. Sur la figure 2, on observe sur la même période une diminution de la production d’électricité à partir de fossiles (en bas en dégradé de gris) et une augmentation de l’électricité d’origine renouvelable, notamment éolienne et photovoltaïque (en haut en dégradé de vert). Le mix électrique européen est ainsi de moins en moins émetteur de GES : la part des sources thermiques fossiles est passée de 40% en 2013 à 29% en 2023. Quant aux énergies éolienne et solaire, leur part dans la production d’électricité a augmenté de 9% à 26% sur la même période.

Figure 2 – La production annuelle d’électricité a augmenté de 9% entre 2000 et 2022. Les émissions de CO2 liées (courbe en pointillés noirs) diminuent depuis 2015. Sur la même période, la part des fossiles (en dégradé de gris) dans la production d’électricité diminue tandis que les renouvelables (notamment l’éolien et le photovoltaïque en dégradé de vert) augmentent. Source : Agence internationale de l’énergie

Cela se vérifie également pour l’Allemagne, où le déploiement des renouvelables est rapide et les émissions de CO2 diminuent fortement (figure 3). En France (voir figure 4), la production d’électricité d’origine fossile stagne en raison de la hausse du recours au gaz naturel, même si le charbon est aujourd’hui anecdotique dans le mix français (0,17 % de la production en 2023). La production d’électricité et de chauffage est sensiblement de moins en moins émettrice de GES. Les émissions liées à la production d’électricité seule ont atteint 16,1 millions de tonnes de CO2 équivalent en 2023, “leur niveau le plus faible depuis le début des années 1950 (y compris lorsque le volume de production était bien moins important)d’après le gestionnaire du réseau électrique RTE.

Figure 3 – En Allemagne, le recours à l’électricité d’origine fossile diminue au profit de l’électricité renouvelable. En parallèle, les émissions de CO2 du secteur diminuent. Source : Agence internationale de l’énergie

Figure 4 – En France, le recours à l’électricité d’origine fossile stagne. Le recours au charbon et pétrole baissent, tandis que l’utilisation de gaz naturel augmente. Les émissions de CO2 liées à l’électricité et au chauffage diminuent faiblement. Source : Agence internationale de l’énergie

Contrairement aux affirmations sur les réseaux sociaux, que ce soit en Allemagne, France ou Europe, malgré la hausse de la demande, les émissions annuelles de CO2 du secteur de l’électricité et chauffage diminuent, de façon concomitante avec la baisse du recours aux fossiles et le déploiement des éoliennes et panneaux photovoltaïques.

LA BAISSE DE L’INTENSITÉ EN ÉMISSIONS CONTREBALANCE LA HAUSSE DE LA PRODUCTION ÉLECTRIQUE MONDIALE

Pour une même quantité d’énergie électrique produite, les sources renouvelables rejettent moins de GES que les sources fossiles. Les centrales à charbon par exemple brûlent du charbon pour alimenter les turbines générant l’électricité. Cette combustion libère le carbone, constituant principal du charbon, sous forme de gaz CO2. À l’inverse, c’est la force du vent qui fait tourner les pales des éoliennes pour alimenter l’alternateur produisant l’électricité.

Cette différence est mesurée par le facteur d’émission, c’est-à-dire le rapport entre la quantité d’électricité produite et les GES émis (l’unité est le gramme de CO2 par kWh). Plus le facteur d’émission est élevé, plus la production émet des GES. Comme Science Feedback le notait déjà dans un précédent article, les technologies renouvelables présentent des facteurs d’émission beaucoup plus faibles que les sources non renouvelables. Il s’élève en moyenne à 13g de CO2 équivalent (c’est-à-dire tous GES confondus) par kWh pour les éoliennes et 43g CO2e/kWh pour le photovoltaïque contre 486 pour le gaz naturel ou 1001 pour le charbon (voir figure 5)[1]. Ce facteur tient compte de l’ensemble des GES, depuis la production de la technologie (fabrication de l’éolienne; fabrication de la centrale et extraction du charbon), son utilisation (combustion du charbon; rotation des pâles de l’éolienne) et jusqu’à son démantèlement. Ces résultats sont clairs : le solaire et l’éolien sont bien moins émetteurs de GES que leurs équivalents fossiles, même en prenant en compte l’ensemble du cycle de vie.

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Figure 5 – Les facteurs d’émissions (en g CO2e/kWh) sont bien moindres pour les sources renouvelables d’électricité (‘Electricity generation technologies powered by renewable resources’) que celles non renouvelables (‘Electricity generation technologies powered by nonrenewable resources’). Source : National Renewable Energy Laboratory[1]

Les facteurs d’émissions des renouvelables sont tellement plus faibles que ceux des fossiles que le déploiement des renouvelables permet de limiter les rejets de CO2, et cela malgré une hausse de la production électrique mondiale. Si le déploiement des renouvelables est suffisamment rapide, ou si la croissance de la demande en électricité ralentit (on parle de sobriété), il est même possible de réduire les émissions totales du secteur. C’est ce que l’on observe en Europe (figure 2).

Pour comparer les rejets de GES en mettant de côté l’impact de la demande en électricité, il est possible de regarder un autre indicateur : l’intensité en émissions de la production électrique. L’intensité en émissions désigne la quantité de GES rejetée (en g CO2e) par une région pour produire 1 kWh d’électricité. Dans son bilan électrique 2023, RTE écrit :

Dans l’ensemble des pays européens, on constate une baisse constante de l’intensité carbone de la production d’électricité qui se poursuit depuis plusieurs années, résultat direct des politiques de décarbonation des mix énergétiques et notamment de la croissance des énergies renouvelables.

À l’échelle mondiale, l’intensité en émissions diminue depuis les années 2010, mais moins vite que la hausse de la demande : les émissions totales augmentent donc (voir figure 6).

Figure 6 – L’intensité en émission de l’électricité diminue depuis les années 2010 à l’échelle mondiale grâce au déploiement des renouvelables. Les émissions totales de CO2 continuent à augmenter à cause de la hausse de la demande. Source : Ember.

En Europe et en Allemagne, l’intensité en émissions diminue plus fortement depuis les années 2000 grâce à la hausse du recours aux renouvelables comme le montre la figure 7. La production électrique européenne est donc de moins en moins émettrice de GES grâce aux renouvelables.

Figure 7 – L’intensité en émission de l’électricité diminue en Europe et en Allemagne (‘Germany’), ce qui permet d’expliquer la baisse des émissions de CO2 malgré une hausse de la production électrique. Source : Ember

AUGMENTER LA PART DES RENOUVELABLES EST UN LEVIER MAJEUR D’ATTÉNUATION DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

À l’échelle mondiale, la production d’électricité et de chaleur est la principale source d’émissions de GES. En 2021, le secteur a rejeté 16,3 milliards de tonnes de GES, soit environ un tiers des émissions totales. Dans son dernier rapport de synthèse paru en 2022[2], le Groupement intergouvernemental d’experts sur le changement climatique (GIEC) indique clairement que limiter le réchauffement global à 1,5°C voire 2°C nécessite des réductions rapides, importantes et immédiates des émissions de GES. Cela inclut une transition des énergies fossiles vers des sources d’énergies décarbonées comme les renouvelables, ainsi que des mesures sur la demande et l’amélioration de l’efficacité. Cela ne fait aucun doute : les renouvelables sont un levier majeur d’atténuation du changement climatique.

Le GIEC[2] écrit :  

Avec un haut niveau de confiance, la réduction des émissions de GES dans l’ensemble du secteur de l’énergie nécessite des transitions majeures, notamment une réduction substantielle de l’utilisation globale des combustibles fossiles, le déploiement de sources d’énergie à faibles émissions, le passage à des vecteurs énergétiques alternatifs, ainsi que l’efficacité énergétique et les économies d’énergie.

IL EST TROMPEUR DE SE FOCALISER SUR LA SAISON HIVERNALE POUR ÉVALUER L’IMPACT DES RENOUVELABLES

Nicolas Dupont-Aignan et Mac Lesggy se focalisent sur la saison hivernale pour juger de l’impact des renouvelables sur les rejets de GES. Cette rhétorique est trompeuse : ils occultent le reste de l’année. Une fois rejeté, le CO2 reste présent dans l’atmosphère pendant des décennies, peu importe la saison à laquelle il a été rejeté. Comme le montre de très nombreuses études scientifiques[3], c’est l’accumulation du CO2 – un gaz à effet de serre – dans l’atmosphère qui est le principal responsable du réchauffement climatique aujourd’hui observé, comme Science Feedback l’a déjà expliqué à plusieurs reprises. Il est donc plus pertinent de regarder les moyennes annuelles pour mesurer l’impact de la production d’électricité sur le climat. 

Les pics de consommation hivernaux peuvent être associés à des pics de production d’électricité d’origine fossile. On observe par exemple sur la figure 8 une hausse du recours au thermique fossile en hiver par rapport à l’été en France en 2023. La production éolienne est plus élevée en hiver, à l’inverse de l’électricité d’origine solaire. Mais les énergies renouvelables ont généré plus d’électricité que le thermique fossile en France en 2023, toutes saisons confondues. Même en Allemagne ces dernières années, la production hivernale d’électricité a parfois été dominée par les énergies renouvelables (début 2020 et début 2022, voir figure 9).

Figure 8 – La composition du mix électrique français varie au cours de l’année 2023, notamment en fonction des conditions météorologiques. Source : RTE

Figure 9 – La part de la production électrique issue des renouvelables (en violet) varie au cours de l’année en fonction des conditions météorologiques. La courbe bleue foncée représente la production électrique issue des sources conventionnelles fossiles, sa tendance est à la baisse au fil des ans. Source : Destatis

CONCLUSION

Le déploiement des moyens de production d’électricité d’origine renouvelable – comme les éoliennes et les panneaux photovoltaïques – a permis de ralentir la croissance annuelle de la génération d’électricité d’origine fossile à travers le monde (de +3,5% en 2004-2013 à +1,3% en 2014-2023). Cette substitution de l’électricité fossile par les renouvelables a évité le rejet de 19 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère entre 2005 et 2023, soit l’équivalent de la moitié de l’ensemble des émissions de l’humanité au cours de l’année 2023. Si certaines régions ont toujours recours aux fossiles, comme les centrales à charbon, pour parfois pallier l’insuffisance de production des renouvelables, cela ne remet pas en cause l’intérêt de remplacer les technologies fossiles par les renouvelables. En émettant moins de gaz à effet de serre par kWh d’électricité produite, les sources de production renouvelables contribuent à diminuer les émissions du secteur le plus émetteur de GES dans le monde.

Note :

Science Feedback a sollicité Nicolas Dupont-Aignan le 13 décembre dans le but d’obtenir des informations scientifiques sur lesquelles ce dernier appuie ses propos.

RÉfÉrences :

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