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La voiture électrique diminue l’empreinte carbone du transport routier dans la majorité des cas

Posté le : 22 Août 2024

Image by Vectorportal.com, CC BY

Le marché des voitures électriques prend de l’ampleur à travers le monde. Selon la dernière analyse de marché publiée par l’IFP Énergies nouvelles, les ventes de véhicules électriques représentent 16% des ventes de véhicules privés à travers le monde en 2023. Environ 15 millions de véhicules électriques sont vendus chaque année. Le secteur des transports est l’un des leviers d’atténuation du changement climatique : ce secteur est responsable d’environ 15% des émissions de gaz à effet de serre (GES) totales en 2019, rappelle le Groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique (GIEC) dans son dernier rapport[1]. Au sein de ce secteur, le transport routier est à l’origine de 69% des émissions de GES.

La voiture électrique fait l’objet de vives critiques et de désinformation sur les réseaux sociaux, notamment concernant son utilité pour réduire les émissions de GES en comparaison aux voitures thermiques. Auteur du livre “Voiture électrique: ils sont devenus fous !”, le journaliste François-Xavier Pietri indique par exemple sur le plateau de CNEWS : « J’ai découvert un certain nombre de choses complètement folles. D’abord le mensonge sur le bénéfice écologique de la voiture électrique. C’est l’Ademe, l’agence gouvernementale de l’environnement, qui nous dit qu’une voiture électrique naît avec un déficit écologique considérable. […] L’Ademe nous dit qu’il faut 5 ans avant qu’une voiture électrique n’arrive au même bilan carbone qu’une voiture thermique. Donc pendant 5 ans, vous faites pire qu’une voiture thermique.” L’auteur de cette affirmation reprend, de façon incomplète, les résultats d’une étude de l’Ademe parue en octobre 2022. En omettant les émissions de GES des autres étapes de vie d’une voiture, les détracteurs du véhicule électrique ne reflètent pas l’intérêt climatique des voitures électriques par rapport aux modèles thermiques, pourtant avéré dans une large majorité de pays dont la France.

EN FRANCE, UN BILAN CLIMATIQUE PLUS FAVORABLE POUR LES VOITURES ÉLECTRIQUES SELON L’ANALYSE DE CYCLE DE VIE

L’analyse du cycle de vie est le seul outil permettant de comparer les émissions de GES entre différents véhicules. Elle comptabilise les impacts environnementaux potentiels tout au long du cycle de vie du véhicule, de l’acquisition des matières premières à sa production, son utilisation, son traitement en fin de vie, son recyclage et sa mise au rebut, d’après la norme ISO 14044

Florian Knobloch, chercheur associé du Cambridge Centre for Environment, Energy and Natural Resource Gouvernance (Université de Cambridge), complète : 

L’analyse du cycle de vie permet d’avoir une vue d’ensemble : en plus des émissions directes de GES liées à l’usage, toutes les émissions indirectes sont intégrées (comme la production d’électricité). Ceci est particulièrement important pour les voitures électriques puisque toutes les émissions de GES sont indirectes – de leur production à la fabrication de l’électricité. Cela permet de comparer les voitures électriques aux voitures thermiques conventionnelles.

Figure 1 – L’analyse du cycle de vie considère les émissions produites lors des phases de fabrication, usage et fin de vie du véhicule. Celles liées à son approvisionnement en énergie sont également intégrées. Source : E4T 2040/IFPEN.

Plusieurs auteurs ont réalisé des analyses de cycle de vie pour les voitures électriques dans le but de les comparer aux voitures thermiques. Leurs hypothèses et choix influencent les estimations : type de véhicule étudié, région de production et d’usage du véhicule, type de conduite, durée de vie du véhicule, etc. Ces incertitudes sont reflétées dans les barres d’erreurs accompagnant les estimations. La plus grande part des variations dans les estimations s’explique par le mix électrique utilisé pendant la production et l’usage de la voiture électrique[2,3,4]

Pour la France, l’empreinte carbone d’une voiture électrique sur l’ensemble de sa durée de vie est estimée entre 40 et 110 grammes de CO2 équivalent (c’est-à-dire en intégrant tous les gaz à effet de serre rejetés) par kilomètre parcouru, selon le type de véhicule considéré et les études (voir figure 2 ci-dessous). Celle des voitures thermiques s’élève entre 140 et 325 g CO2e/km. Pour une même catégorie de véhicule, l’empreinte carbone des voitures électriques est 47 à 81% plus faible que celle des voitures thermiques, selon les estimations.

Figure 2 – Les analyses de cycle de vie établissent l’empreinte carbone des voitures. Elles varient selon le type de véhicule (les segments A, B, C, D ou E) ainsi que les hypothèses réalisées. Cette figure illustre les différentes estimations existantes pour la France, selon des articles scientifiques ou des études réalisées par des organisations indépendantes (FNH-ECF, Carbone 4, ICCT, T&E). Source : compilation Aurélien Bigo, mars 2023.

En France, en matière d’émissions de gaz à effet de serre (GES), le bénéfice de la voiture électrique par rapport à son équivalent thermique est avéré sur l’ensemble de sa durée de vie d’après les données scientifiques. L’argumentaire développé par François-Xavier Pietri ne se focalise que sur les cinq premières années de vie d’une voiture, ce qui n’est pas une méthode robuste pour comparer l’empreinte carbone de deux objets comme nous le détaillons ci-dessous.

LA FABRICATION REPRÉSENTE LA PLUS GRANDE PART DES ÉMISSIONS SUR TOUTE LA DURÉE DE VIE

En ne se focalisant que sur les premières années de vie, le journaliste donne une représentation erronée de l’impact carbone des voitures électriques : il est trompeur de ne pas réaliser une moyenne sur l’ensemble de vie du véhicule, comme le fait une analyse de cycle de vie. La majeure partie des émissions de GES d’une voiture électrique proviennent de sa fabrication. “Ces importantes émissions de production sont attribuées à la fabrication de la batterie, qui consomme beaucoup d’électricité et est généralement réalisée dans des pays où le mix électrique est très carboné”, expliquent Hung et ses collaborateurs en 2021[5]. Plus le poids et/ou l’autonomie du véhicule sont élevés, plus la taille de la batterie est grande et plus sa fabrication émet des GES en raison du coût énergétique. L’électricité nécessaire à la fabrication varie d’environ 1500 kWh pour une petite citadine (batterie de 37 kWh) à plus de 4000 kWh pour un gros SUV (batterie de 95 kWh). En France, ces auteurs estiment que la fabrication de la batterie représente en moyenne 73 % des émissions totales de GES d’une voiture électrique au cours de sa vie.

Figure 3 – Les émissions de GES en fonction des différentes étapes de cycle de vie de plusieurs véhicules en France en 2023. On constate la plus grande part liée à la fabrication des véhicules électriques, entièrement compensée par l’absence d’émissions de GES à l’usage et les faibles rejets liés à la fabrication d’énergie. Source : d’après Sacchi et al. 2022[6]

Les émissions liées à la fabrication des voitures électriques sont généralement plus élevées que celles d’une voiture thermique de taille équivalente[5]. Le terme de “dette carbone” est donc employé lors de la comparaison entre les deux types de véhicules. Ainsi, la “dette carbone” d’une voiture électrique est “remboursée” après avoir parcouru une certaine distance. Après 20 000 km, une petite citadine électrique devient plus intéressante qu’une compacte diesel en France en termes d’émission de GES d’après l’estimation de l’Ademe. Ce chiffre grimpe à 70 000 km pour une compacte embarquant une batterie de 60 kWh (ou 42 000 km par Sacchi et al. 2022[6]), et plus de 100 000 km pour un SUV équipé d’une batterie de 100 kWh. Notons que cette dernière comparaison ne confronte pas deux véhicules de taille équivalente : la dette carbone sera moins élevée si un SUV électrique remplace un SUV thermique. En France en 2022, les voitures particulières parcourent en moyenne près de 12 000 km par an.

Figure 4 – Les émissions de GES liées à la fabrication des voitures électriques sont plus élevées que celles d’une compacte diesel. Mais elles émettent moins de GES à l’usage, tout comme la fabrication de leur énergie. L’intérêt climatique des voitures électriques augmente au cours des kilomètres parcourus. Source : ADEME 2022.

Plusieurs outils développés par des scientifiques existent pour comparer l’empreinte carbone d’un véhicule électrique à son équivalent thermique, et obtenir une estimation propre à l’utilisation de chaque usager, par exemple :

UNE “DETTE CARBONE” COMPENSÉE PAR LES FAIBLES REJETS À L’USAGE

Si les voitures électriques – et notamment celles de petite taille – remboursent rapidement leur dette carbone en France, c’est grâce à leurs faibles rejets de GES à l’usage.

L’Ademe explique :

La substitution des carburants fossiles (hydrocarbures) par l’électricité permet de réduire considérablement les émissions de carbone à l’usage (d’un facteur 10 pour une recharge à partir d’électricité à faible contenu carbone comme c’est le cas en France). Au fil des kilomètres, cet avantage permet d’abord de “rembourser” la dette carbone initiale comparée à son équivalent thermique, puis de réduire fortement les quantités de gaz à effet de serre générées par la conduite du véhicule.

Sacchi et ses collaborateurs[6] aboutissent au même ordre de grandeur pour le cas d’une berline en 2023 en France (tel que présenté dans la figure 3) : la part des rejets de GES liée à l’usage (émissions directes et fabrication d’énergie) s’élève à près de 70% pour les berlines essence et diesel, contre 5% pour la berline électrique.

Figure 5 – La part de la production d’une voiture électrique dans son empreinte carbone varie de 20 à 87 % au sein de l’Union Européenne. Ces variations illustrent les différents mix électriques des États : plus l’électricité est carbonée, plus les rejets de GES liés à l’usage du véhicule sont importants. Cela diminue le poids de la fabrication dans les rejets de GES du véhicule tout au long de son cycle de vie. Source : Hung et al. 2021[5].

Quant à la fin de vie du véhicule, les rejets de GES liés au recyclage du châssis et de la carrosserie sont identiques pour les voitures thermiques et électriques. “ La différence se situe au niveau de la batterie, mais il est difficile d’avoir du recul car le recyclage ne semble pas avoir réellement démarré à grande échelle, commente Thomas Gibon, chercheur à l’Institut des sciences et technologies du Luxembourg. Les batteries ne sont pas immédiatement mises au recyclage mais réutilisées pour des usages moins exigeants comme le stockage stationnaire. La fin de vie réelle est ensuite couverte par les obligations légales de recyclage, fortement encouragé par la dernière directive européenne. Le résultat en termes d’empreinte carbone dépend de la méthodologie de calcul : on considère que le recyclage permet de s’affranchir de la production de matériaux vierges et il est commun d’en créditer les impacts. L’autre question est de savoir s’il faut distribuer les crédits sur chaque « vie » de la batterie, ou uniquement à sa première vie dans une voiture. Le bilan global reste favorable au véhicule électrique quoi qu’il arrive.

LA VOITURE ÉLECTRIQUE ÉMET MOINS DE GES DANS LA MAJORITÉ DES ÉTATS

L’empreinte carbone de la voiture électrique en France fait figure d’exemple grâce au mix électrique peu carboné du pays. L’intensité carbone – les rejets de GES par quantité d’électricité produite – s’élève à 56 gCO2e par kWh en France en 2023, contre 381 en Allemagne, 582 en Chine ou 713 en Inde. Dans son dernier rapport[1], le Groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique (GIEC) résume : “En raison de la diversité des sources d’énergie disponibles, les voitures électriques actuelles ont un large éventail d’impacts potentiels moyens sur toute leur durée de vie, allant de 60 à 180 gCO2e/km, pour de l’électricité produite à partir d’énergie éolienne et de charbon, respectivement. La capacité à réaliser d’importantes réductions d’émissions grâce à l’électrification des véhicules dépend donc fortement de la capacité de production d’électricité décarbonée […].”

Figure 6 – Synthèse des connaissances sur l’empreinte carbone des transports, pour une durée de vie des véhicules de 180 000 km. Les véhicules électriques sont annotés “BEV”. La zone ombrée bleue représente les émissions liées à la fabrication et fin de vie. La longueur des boîtes représente les rejets lors de l’usage du véhicule. L’emplacement des boîtes sur l’axe horizontal montre l’empreinte carbone totale de chaque type de véhicule. On constate que les véhicules électriques alimentés par électricité décarbonée ont la plus faible empreinte carbone. Source : dernier rapport du GIEC[1].

Mais les résultats sont clairs : la voiture électrique est largement bénéfique pour le climat. Florian Knobloch explique : “Il y a un consensus scientifique clair sur le sujet. En comparaison aux voitures thermiques conventionnelles, les voitures électriques réduisent presque toujours les émissions de GES. Les craintes que les voitures électriques puissent augmenter les émissions de GES sont infondées dans la plupart des régions du monde, même si l’électricité est fabriquée à partir de quantités importantes d’énergie fossile. Les seules exceptions sont les régions où l’électricité est principalement fabriquée à partir de charbon, un cas de figure de plus en plus rare en raison de la croissance rapide des énergies renouvelables.

Plusieurs équipes scientifiques ont récemment estimé l’empreinte carbone des véhicules électriques à travers le monde sur toute leur durée de vie. 

  • Dans un article publié en 2020, Knobloch et ses collègues[7] constatent qu’en 2015, en moyenne, les véhicules électriques émettent moins de GES en moyenne que les nouvelles voitures essence dans 53 des 59 régions étudiées, soit 95% du transport routier mondial. La différence varie de -70% de rejets dans les pays où l’électricité est très décarbonée (Islande, Suisse et Suède) à +40% dans les pays où l’électricité est générée à partir d’énergies fossiles (Estonie). 
  • Sacchi et collaborateurs en 2022 comparent[6] une voiture électrique de taille intermédiaire à une voiture hybride performante de même taille, alimentée par carburant fossile ou synthétique. En 2020 en Europe, seules les voitures électriques roulant en Estonie, Bulgarie et Pologne ne présentent pas d’avantage en termes d’émissions de GES. La différence n’est pas significative en Roumanie, Grèce et Chypre. Dans tous les autres pays européens, les voitures électriques diminuent l’empreinte carbone du transport routier.
  • En 2021, Hung et collaborateurs[5] mettent eux aussi en évidence l’intérêt des voitures électriques en Europe pour atténuer le changement climatique, hormis dans quelques pays comme la Pologne, la Serbie et la Macédoine.
Figure 7 – En haut, l’étude de Knobloch et al[7] illustre la différence entre les rejets de GES des voitures électriques par rapport aux voitures essence neuves. En vert, les émissions sont presque toujours réduites, en jaune elles réduites “en moyenne”, en rouge elles sont supérieures. En bas, Hung et al[5] montrent la différence de rejets de GES sur toute la durée de vie d’un véhicule électrique et de son équivalent thermique, pour une petite citadine et un SUV moyen.

Et à l’avenir la situation devient de plus en plus favorable aux voitures électriques, en raison principalement d’une hausse de l’efficacité énergétique des véhicules (plus de kilomètres parcourus pour la même quantité d’énergie), d’une décarbonation de l’industrie manufacturière et d’une progression des énergies renouvelables. “Dans la plupart des publications, la conclusion est que la voiture électrique est aussi « propre » que l’électricité qu’elle utilise, au premier ordre (puisque évidemment il y a une « pénalité carbone » à la fabrication par rapport au véhicule thermique), détaille Thomas Gibon. La figure 6 de Sacchi et al. [ndlr : la figure 8 ci-dessous] montre l’empreinte d’une voiture électrique, d’une voiture hybride, et d’une voiture hybride à carburant synthétique, en fonction du mix électrique utilisé pour recharger le véhicule électrique et produire le carburant synthétique. C’est sans appel, avec exception des pays très carbonés en 2020 (Chine, Inde Pologne), mais dès 2030 la voiture électrique « gagne » à tous les coups face au carburant fossile.”

Figure 8 – Dans ce modèle, les auteurs projettent les émissions de GES d’une voiture moyenne électrique (BEV), hybride carburant fossile (HEV, fossil) et hybride carburant synthétique (HEV, synthetic). Hormis l’Inde, tous les pays bénéficient à l’avenir du passage à l’électrique. Source : Sacchi et al 2022[6]
Figure 9 – Dans cet autre modèle, les auteurs estiment l’intérêt de la voiture électrique par rapport aux voitures essence neuves (sur toute leur durée de vie) selon différents scénarios socio-économiques. Current traj. : les technologies bas-carbone poursuivent leur déploiement au rythme actuel. 2C scenario : les politiques publiques nécessaires au maintien du réchauffement sous la barre des 2°C sont mises en place. End-use only : la voiture électrique se déploie, mais la génération d’électricité n’est pas décarbonée. En vert, les émissions sont presque toujours réduites, en jaune elles réduites “en moyenne”, en rouge elles sont supérieures. Source : Knobloch et al. (2020)[7]

Le même constat est à nouveau réalisé par Knobloch et ses collaborateurs[7], qui calculent une réduction moyenne des émissions des véhicules électriques sur toute leur durée de vie de 20% en 2030 et 30% en 2050 par rapport à 2015. La voiture électrique devient à l’avenir plus intéressante qu’une voiture essence neuve dans quasiment tous les pays du monde (voir figure 9). En cas de mesures prises pour maintenir le réchauffement à 2°C (décarbonation des mix électriques par exemple), cela concerne tous les pays sans exception.

Soulignons enfin que différentes pistes sont évoquées pour réduire l’empreinte carbone des véhicules électriques. Par exemple, le retrofit des voitures thermiques : cela consiste à électrifier le parc automobile actuel pour ainsi réduire les émissions liées à la fabrication d’une voiture électrique neuve. En 2021, une étude de l’Ademe estime que l’électrification d’une citadine thermique réduit de 66% les émissions de GES en comparaison à la prolongation de la vie d’un véhicule diesel. C’est plus que la mise à la casse du véhicule pour l’achat d’une voiture électrique, qui réduit les émissions de 47%. Autorisé en France depuis mars 2020, le rétrofit reste encore très marginal.

CONCLUSION

La fabrication de voitures électriques représente la plus grande part de leur empreinte carbone en raison principalement de l’électricité nécessaire pour fabriquer les batteries dans des pays où le mix électrique repose sur des énergies fossiles. Plus la voiture électrique est petite, plus l’empreinte de fabrication est faible. Mais à l’usage, et ce d’autant plus que le mix électrique du pays est faible en carbone, les voitures électriques émettent peu de GES. Sur toute leur durée de vie, les rejets de GES des voitures électriques sont plus faibles que leur équivalent thermique dans de nombreux pays, à l’exception de ceux reposant beaucoup sur les énergies fossiles pour fabriquer leur électricité. À l’avenir, le déploiement des énergies renouvelables et la décarbonation de l’industrie manufacturière rendent la voiture électrique moins émettrice de GES que les voitures thermiques dans quasiment tous les pays du monde.

Feedback Des Scientifiques

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Thomas Gibon

Chercheur spécialiste des analyses de cycle de vie, Institut des sciences et technologies du Luxembourg

SF: La littérature scientifique est assez conséquente sur le sujet : si je souhaite résumer l’état des connaissances sur l’empreinte carbone actuelle de la voiture électrique, est-ce que la figure 10.4 du chapitre dédié dans le dernier rapport du GIEC est une bonne chose, même quelques années après sa publication ? Ou une publication/revue de littérature plus récente fait-elle référence ?

TG: Le rapport du GIEC est une très bonne référence, même si les publications sur le sujet vont bon train, avec des mises à jour fréquentes. L’avantage du GIEC c’est qu’il fait autorité et offre un bon aperçu de la littérature scientifique récente. Les publications de Romain sont très rigoureuses et détaillées, notamment celle-ci qui montre que les BEVs ont une empreinte inférieure à une voiture thermique dans la plupart des pays européens aujourd’hui, et dans tous dans un futur proche. Il y a aussi beaucoup d’outils intéressants, qui permettent de creuser un peu plus la question de l’empreinte carbone des BEVs, y compris celui que nous avons développé. Mais vous trouverez des choses très optimistes chez les pro-EVs (exemple : Transport & Environment) et très pessimistes chez le lobby des carburants (exemple : CONCAWE).

SF: Même question pour les projections futures de l’empreinte carbone de la voiture électrique. Quelle publication fait consensus ?

TG: Celle de Romain citée ci-dessus intègre les évolutions du mix énergétique et des performances des véhicules, avec des hypothèses réalistes et des analyses de sensibilité appropriées. Comme dans la plupart des publications, la conclusions est que la voiture électrique est aussi « propre » que l’électricité qu’elle utilise, au premier ordre (puisqu’évidemment il y a une « pénalité carbone » par rapport au véhicule thermique, à cause d’une fabrication plus énergivore et donc plus émettrice de carbone, notamment pour la batterie). La figure 6 montre l’empreinte d’une voiture électrique, d’une voiture hybride, et d’une voiture hybride à carburant synthétique, en fonction du mix électrique utilisé pour recharger le véhicule électrique et produire le carburant synthétique. C’est sans appel, avec exception des pays très carbonés en 2020, mais en 2050 le BEV « gagne » à tous les coups.

SF: Concernant les projections futures, le GIEC écrit « As manufacturing technology and capacity utilisation improve and globalise to regions with low-carbon electricity, battery manufacturing emissions will likely decrease. Cette affirmation est-elle bien/mieux contrainte aujourd’hui ?

TG: Oui, c’est vrai, notamment avec l’effort européen de construire des usines de batteries qui utiliseront de l’électricité relativement plus décarbonée que si ces batteries avaient été importées. Il faut bien noter par contre qu’il y a d’autres paramètres que l’électricité dans l’empreinte de la batterie, notamment sa chimie (lithium-nickel-manganèse-cobalt, lithium-fer-phosphate, …), ou alors les économies d’échelle qui permettent à des « gigafactories » de produire des batteries avec une empreinte relativement faible.

SF: Comment se compare l’empreinte carbone liée à la fin de vie des voitures électriques à celle des voitures thermiques ? Comment va-t-elle évoluer ? Le marché du recyclage va très probablement s’accélérer avec l’arrivée massive de voitures électriques sur le marché…

TG: Le recyclage du châssis et de la carrosserie d’une voiture électrique a lieu exactement de la même façon que pour une voiture thermique ; la différence majeure étant évidemment la batterie, mais là encore, il est difficile d’avoir du recul. La raison est que les batteries ne sont pas immédiatement mises au recyclage, mais réutilisée pour des usages moins exigeants, comme le stockage stationnaire par exemple. Chez Renault, la batterie est considérée hors d’usage mobile lorsqu’elle n’a plus que 70% de sa capacité initiale, mais elle est réutilisée pour le stockage réseau. La fin de vie « réelle » de la batterie est ensuite couverte par les obligations légales de recyclage. La dernière directive européenne va encourager fortement le recyclage des différents matériaux de batterie (voir détail ici). Pour ce qui est de l’empreinte carbone, le résultat dépend de la méthodologie de calcul, mais on considère que le recyclage permet de s’affranchir de la production de matériaux vierges, et il est commun d’ainsi créditer des impacts. L’autre question est de savoir s’il faut distribuer les crédits sur chaque « vie » de la batterie, ou uniquement à sa première vie dans une voiture. Le bilan global reste favorable au véhicule électrique quoi qu’il arrive. Et je ne sais pas si on a assez de recul, mais le recyclage semble ne pas avoir réellement démarré à grande échelle grâce/à cause de la longévité des batteries (qui est mieux qu’espérée), comme l’indique cet article. Mais je ne pense pas qu’on ait assez de données pour l’affirmer avec certitude.

SF: Quel impact des infrastructures nécessaires au rechargement des voitures électriques sur l’ACV d’une voiture électrique ? Je pense au développement de moyens de production d’électricité, mais aussi au renforcement du réseau de distribution, l’installation de stations de recharge… Quelle part de l’empreinte totale cela représente-t-il ?

TG: C’est un aspect qui est souvent négligé dans les études, parce qu’il est difficile d’attribuer une cause à la construction d’une centrale ou 1 km de réseau haute tension, c’est une part de l’empreinte minime aujourd’hui, mais qui devrait augmenter dans le futur. Je ne peux pas répondre avec certitude.

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Florian Knobloch

Chercheur associé spécialiste de l’analyse des cycles de vie, Cambridge Centre for Environment, Energy and Natural Resource Gouvernance, Cambridge University

SF: What’s the point of life cycle analysis when it comes to the carbon footprint of electric cars? (The argument of the high manufacturing footprint is often put forward by detractors of electric cars.)

FK: A life-cycle assessment allows you to look at the full picture: You do not only calculate the direct greenhouse gas emissions in the use phase (such as from fossil fuel combustion), but also all indirect emissions (such as from electricity generation), including the whole production chain and also waste processing. This is particularly important for products such as electric cars, where all greenhouse emissions are indirect – either from producing the cars themselves, or from generating the electricity. On this basis, it is therefore possible to compare electric cars to conventional petrol cars: Under which circumstances can electric cars reduce overall emissions, and by how much?

SF: Is there a scientific consensus on the climate benefits of electric cars today?

FK: Yes, there is a clear scientific consensus on the climate benefits of electric cars. Compared to conventional petrol cars, electric cars will almost always reduce greenhouse gas emissions, even when including all indirect emissions from producing the cars and batteries. Fears that electric cars could actually increase carbon emissions are unfounded in almost all parts of the world – even if electricity generation still involves substantial amounts of fossil fuel. The only exceptions are places where electricity generation is still mostly based on coal – which are increasingly hard to find, due to the fast growth of renewable electricity generation. 

SF: What do we know about the climate benefits of electric cars in the future? Are the projections well constrained?  

FK: In our 2020 paper, we have shown that even under the electricity generation mix of 2015, driving an electric car is better for the climate than conventional petrol cars in 95% of the world. The main difference between 2015, now and the future is the electricity mix: Since electric cars run on electricity, their climate benefit directly increases with every additional solar panel and wind mill which is added to the grid. Since 2015, renewables electricity generation has grown considerably all around the world – much faster than what we had modelled in our scenarios. As a result, the climate benefit of electric cars is also growing much faster than expected. Petrol-powered cars, on the other hand, can hardly become more efficient. This makes the electrification of cars an absolute no-brainer. 

RÉFÉRENCES

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