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Les voitures sont une source de pollution de l’air, particulièrement en ville

Posté le : 7 Mai 2025

Les voitures polluent l’air que nous respirons en rejetant des gaz et particules. En cause ? La combustion du carburant pour les voitures thermiques (diesel ou essence), mais aussi l’usure des plaquettes de frein, des pneus et de la chaussée, et la circulation des véhicules qui remet en suspension les poussières accumulées sur les routes[1]. En France depuis début 2025, les grandes agglomérations ont l’obligation de mettre en place des zones à faibles émissions, les ZFE, dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités visant à améliorer la qualité de l’air. Les véhicules les plus polluants y sont interdits de circulation. 

Cette mesure alimente de nombreux débats, et les propos trompeurs ou faux sur la voiture individuelle sont nombreux, comme Science Feedback le montrait dans cet article. En avril 2025, des cas de désinformation à ce sujet ont été repérés dans le cadre du projet Climate Safeguards dans les chaînes françaises de télévision et radio. 

À RETENIR :

  • Le transport routier est la première cause d’émissions de CO2 en France, et la deuxième dans le monde.
  • Les normes et technologies ont permis de faire baisser les émissions de certains polluants depuis 30 à 40 ans.
  • Le transport routier reste une source majeure de polluants dans l’atmosphère : métaux lourds, oxydes d’azote et particules fines.
  • La pollution de l’air extérieur est responsable de plus de 4 millions de décès chaque année dans le monde. En France, près de 7 000 décès sont attribuables chaque année à l’exposition aux oxydes d’azote, émis principalement par les transports. 
  • Les centres urbains sont les zones les plus concernées par la pollution liée au trafic routier ; les véhicules récents et notamment électriques rejettent une quantité moindre de certains polluants (CO2 et oxydes d’azote notamment).

Les voitures, notamment thermiques et anciennes, sont une source majeure de pollution de l’air (figure 1). La pollution de l’air aggrave les symptômes de l’asthme, irrite le nez et la gorge, et surtout augmente les risques de pathologies respiratoires, cardiovasculaires, du système reproducteur, etc. D’après l’estimation de l’Organisation mondiale de la santé, la pollution de l’air extérieur est responsable de plus de 4 millions de décès chaque année dans le monde. Le secteur du transport routier est la première source d’émissions de CO2 – un des gaz à effet de serre responsable du changement climatique – en France. Les voitures récentes et notamment électriques sont une solution efficace pour réduire les émissions polluantes (excepté les particules fines, qui proviennent principalement de l’usure des matériaux).

Figure 1 – Les sources de pollution de l’air en France en 2022, pour les polluants majeurs. Le transport routier est la source principale d’oxydes d’azote, et contribue aussi à l’émission d’autres polluants. Source : Ademe.

IL EST FAUX D’AFFIRMER QUE LES VOITURES N’ÉMETTENT PAS DE PARTICULES FINES OU PEU DE CO2

Le journaliste Benjamin Cuq affirme sur Sud Radio le 10 avril : « Les voitures essence d’il y a 15 ans émettent […] un peu de dioxyde de carbone mais pas de particules fines, pas de polluants pour les enfants. » Cela est faux : le secteur du transport est la principale source de dioxyde de carbone (CO2) en France comme le montre la figure 2. Les émissions de CO2 du transport routier s’élèvent à 128 millions de tonnes en moyenne par an (sur la période 2018-2022). Soit 42% des émissions territoriales totales de CO2 en France en 2022, et 33% de l’ensemble des gaz à effet de serre (exprimé en CO2 équivalent). Dans le monde, le secteur du transport est le deuxième contributeur aux émissions de CO2, derrière la production d’énergie. Le CO2 est le principal responsable du réchauffement climatique récent[2] par le biais de l’effet de serre, comme nous l’avons déjà expliqué

Figure 2 – Les émissions de CO2 en France sont principalement liées aux secteurs des transports et des bâtiments. Source : Climate Watch 2024, Our World in data.

Quant aux particules fines, les voitures thermiques en rejettent bel et bien, comme le montrent le rapportage officiel européen et le projet de recherche EDGAR à l’échelle mondiale (figure 3). Parmi le secteur du transport, le trafic routier est même la principale source d’émissions de particules et carbone suie (le ferroviaire ou l’aviation y contribuent moins).

En France, 20 800 tonnes de PM2.5 (des particules fines de diamètre inférieur à 2,5 micromètres) ont été émises par le transport routier en 2022, soit près de 13% des émissions totales. La pollution de l’air aux particules fines est le premier facteur de risque pour la santé humaine[3]. En cause ? Elle augmente les risques de pathologies respiratoires, cardiovasculaires, du système reproducteur, etc. En France, 40 000 décès annuels sont attribuables à l’exposition aux PM2.5 et près de 7 000 décès attribuables à l’exposition au NO2. En Europe, les recommandations sanitaires relatives à la qualité de l’air ne sont pas toutes respectées, et 94% des populations urbaines européennes sont exposées à des niveaux non réglementaires de particules fines (PM2.5).

Figure 3 – En France en 2022, le transport routier a émis 20 800 tonnes de PM2.5 (des particules fines au diamètre inférieur à 2,5 micromètres). Cela représente près de 13% des émissions totales. Source : Air pollutant emissions, Agence européenne de l’environnement. 

LE TRANSPORT EST UNE SOURCE MAJEURE DE CUIVRE, ZINC, OXYDES D’AZOTE ET DIOXYDE DE CARBONE

Nicolas Daragon, maire de Valence, avance sur BFM TV le 8 avril : « 16% de la pollution totale vient des voitures, attaquons-nous aux 84 autres pourcents. » La majorité de certains polluants (particules fines, composés organiques volatils, dioxyde de soufre et l’ammoniac) provient en effet d’autres sources anthropiques, comme le montre la figure 1. Mais à notre connaissance, aucune étude sérieuse ne parle de « pollution totale » et il est trompeur d’affirmer que « 16% de la pollution totale vient des voitures ». Les rejets de différents polluants sont en revanche connus et officiellement rapportés, et cela par secteur industriel.

Les principaux polluants émis par les véhicules (voitures, monospaces, véhicules utilitaires sportifs, etc.) sont les oxydes d’azote (NO et NO2, appelés ensemble NOx), les particules fines (PM), les composés organiques volatils (COV), le monoxyde de carbone (CO) et les oxydes de soufre (SOx). En Europe, plus de 50% des particules générées par le trafic routier ne proviennent pas de l’échappement, mais de l’usure des freins, pneus, chaussée et de la remise en suspension. 

Une bonne nouvelle est à souligner : les émissions polluantes par véhicule individuel ont été considérablement réduites au cours des 30 à 40 dernières années (figure 4) grâce à des normes réglementaires plus strictes (les normes EURO) et aux progrès des technologies utilisées pour le traitement des gaz d’échappement (tels que les convertisseurs catalytiques)[4]. Le transport routier reste tout de même un secteur polluant important.

Figure 4 – En Union européenne, les émissions de polluants (toutes sources confondues) ont baissé ces dernières années. La diminution des émissions de CO (courbe bleu foncé), NOx (rouge) et COVNM (bleu clair) s’explique principalement par la baisse des émissions du transport routier. Source : Agence européenne pour l’environnement.

En France, les émissions de polluants atmosphériques et gaz à effet de serre sont répertoriées chaque année dans le rapport Secten. Le secteur du transport routier inclut les véhicules particuliers, utilitaires légers, poids lourds, bus, cars et deux-roues. Ce secteur est la source principale de cuivre et de zinc dans l’atmosphère en France, et une source majeure de NOx, chrome, CO2, plomb, et arsenic, comme le montre la figure 5. Réduire ses émissions permet donc de diminuer la pollution de l’air.

Figure 5 – Les substances émises par le secteur des transports sont présentées selon leur contribution au total national, en bleu. Ainsi, les transports (routier, ferroviaire, fluvial, maritime et aérien) ont émis 95% de la totalité du cuivre (Cu, barre de gauche) rejeté dans l’atmosphère en France en 2022. Source : rapport Secten 2024.

À l’échelle européenne, les résultats sont similaires : le secteur des transports (routier, ferroviaire, fluvial, maritime et aérien) contribue à la pollution de l’air, dans des proportions majeures pour les NOx, comme le montre la figure 6.

Figure 6 – Les rejets de quelques polluants sont présentés pour l’UE 27 en 2022. L’axe vertical montre les quantités émises pour chaque polluant, au total pour l’UE. En orange, la contribution du secteur des transports est représentée. Source : d’après les données de l’Agence européenne de l’environnement.

L’AIR EST PARTICULIÈREMENT POLLUÉ EN VILLE ET PAR LES VOITURES ANCIENNES ET THERMIQUES

Derrière ces chiffres se cachent certaines disparités liées au type de véhicule, à la localisation… Le transport routier impacte particulièrement la qualité de l’air des centres urbains, où le trafic est important. En analysant 11 millions de mesures à travers le monde, une équipe anglaise confirme que le trafic routier reste la source principale de NO2 et une source significative de particules fines dans les villes européennes[5]. Une autre étude basée sur les données économiques à travers le monde révèle les contrastes entre les centres urbains des différents continents (figure 7)[6].

Figure 7 – Les contributions de différents secteurs économiques à la pollution de l’air sont représentées pour les zones urbaines de différentes régions, en 2015. Elles sont calculées sur la base des données économiques des différents secteurs d’activités. Le transport (toutes mobilités comprises) est en bleu : il est un important contributeur aux émissions de CO2, NOx et CO. Source : Crippa 2021[6]

Concernant le type de véhicule, l’âge et le type de carburant influencent les rejets de polluants. Des données recueillies dans l’agglomération de Poznań (Pologne) montrent sans équivoque une augmentation des émissions avec l’âge de voitures à moteur diesel[7] :

  • NOx : jusqu’à + 61% pour les véhicules dont le kilométrage est compris entre 86 000 et 317 000 km par rapport à ceux dont le kilométrage est inférieur à 86 000 km. 
  • CO : – 23% pour les voitures récentes (- 86 000 km) par rapport à celles au kilométrage compris entre 86 000 et 160 000 km.
  • CO2 : -182% pour la même comparaison (véhicule récent vs ancien).

De la même façon, une autre étude compare 149 modèles de voitures Euro 5 et 6 fonctionnant au diesel, à l’essence ou hybrides (figure 8)[8] :

  • CO2 : +13 à 66% pour les voitures essence vs diesel.
  • NOx : -86 à 96% pour les voitures essence vs diesel.
  • les voitures hybrides améliorent les émissions par rapport aux voitures thermiques.
Figure 8 – Parmi 149 modèles de voitures, les émissions de polluants varient : chaque croix représente une mesure. Les voitures essence (gasoline) rejettent moins de NOx en moyenne, mais parfois plus de CO2. Les voitures diesel rejettent moins de CO2 mais parfois plus de NOx. Les voitures hybrides sont moins polluantes. Source : O’Driscoll 2018[8].

Les voitures électriques sont la catégorie la moins polluante. En comparaison aux voitures thermiques, le bilan des voitures électriques est meilleur que les voitures thermiques en termes de pollution, comme nous l’écrivons dans un précédent article :

  • Les voitures électriques n’émettent pas de NOx ou de composés organiques volatils ;
  • Elles émettent beaucoup moins de CO2 sur toute leur durée de vie, et aucun à l’usage ;
  • Les voitures électriques rejettent environ la même quantité de particules fines que les voitures thermiques neufs actuels (moins de particules de frein, mais plus de particules pneus-chaussées et de remise en suspension).

CONCLUSION

Les voitures, notamment thermiques et anciennes, sont une source majeure de pollution de l’air en rejetant des particules et des gaz. Le secteur du transport routier est la première source d’émissions de CO2 en France. Depuis une trentaine d’années, les émissions de certains polluants baissent grâce aux nouvelles normes et technologies (CO, NOx, COV, SOx et particules fines notamment). Mais les transports continuent à être une source majeure de cuivre, zinc, oxydes d’azote ou encore plomb dans l’atmosphère. Les voitures récentes et notamment électriques sont une solution efficace pour réduire les émissions polluantes, sauf pour les particules fines.

Science Feedback a sollicité les rédactions de Sud Radio et BFM TV. L’article sera mis à jour si de plus amples informations nous sont communiquées.

Cet article a été écrit dans le cadre du projet Climate Safeguards, une collaboration entre Science Feedback, QuotaClimat et Data for Good.

RÉFÉRENCES

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