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Le « syndrome des éoliennes » expliqué par l’effet « nocebo » ; l’impact des infrasons sur la santé n’est pas prouvé

Posté le : 27 Juin 2024

Key takeaway

Le syndrome éolien est étudié, mais recouvre des symptômes très divers et non spécifiques. La plupart des études sont cependant de qualité médiocre et concernent de petits effectifs. L’impact des infrasons sur la santé n’est pas démontré scientifiquement à ce jour.  Les scientifiques pensent que d’autres causes, comme l’effet nocebo (l’inverse du placebo), permettent d’expliquer le syndrome éolien.

Reviewed content

Infondé

Les éoliennes sont la cause d’une maladie (le syndrome éolien) qui empêche les gens de dormir et conduisent à des problèmes cardiovasculaires, cancers, acouphènes…

Source : Instagram, Sud Radio, Stéphane Bern, Fabien Bouglé, 10 Déc 2023

Verdict detail

Infondé :

À ce jour, aucune étude n’établit de lien entre l’émission d’infrasons par les éoliennes et des pathologies telles que acouphènes, problèmes cardiovasculaires ou cancers. Les troubles du sommeil ne concernent pas tous les riverains des parcs éoliens ; ils seraient plutôt le résultat d’un effet nocebo d’après la science, et non une conséquence directe du bruit des éoliennes.

Full Claim

“le syndrome éolien est reconnu, les gens ne peuvent plus dormir. C’est une maladie”; “Les infrasons conduisent à des problèmes cardiovasculaires, cancers, acouphènes, de sommeil, etc.”

Vérification

Un extrait vidéo posté sur Instagram d’une interview de Stéphane Bern, une autre par Sud Radio de Fabien Bouglé, auteur du livre Éoliennes : la face noire de la transition écologique, ainsi que de nombreux posts sur les réseaux sociaux, circulent et affirment que les éoliennes ont des effets négatifs sur la santé, alors que les énergies renouvelables sont en plein développement.

En France, selon RTE, les éoliennes ont assuré 10,3% de la production d’électricité en 2023, en troisième position derrière le nucléaire (64,8%) et l’hydraulique (11,9%).

Cette production a plus que doublé en dix ans, selon le ministère de la Transition énergétique. L’implantation des éoliennes en France a fortement progressé ces dernières années, en particulier dans les Hauts-de-France, le Grand Est, la Bretagne et la Normandie.

Depuis les années 2000, les opposants aux éoliennes ont questionné leur utilité et argumenté qu’elles avaient un impact sur la santé des personnes vivant à proximité, notamment avec la description dans un ouvrage pour le grand public, “Wind turbine syndrome: a report on a natural experiment” (Nina Pierpont, éditions K-selected books, 2009, non traduit en français) d’un « syndrome éolien » ou « syndrome des éoliennes ». 

Ce syndrome éolien est aujourd’hui étudié. En France, il fait l’objet d’un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) paru en 2016[1] et d’un autre de l’Académie de Médecine en 2017[2].

Ces deux rapports qui s’appuient sur une revue de la littérature scientifique mondiale soulignent qu’il n’est pas possible de conclure à un impact direct du bruit généré par les éoliennes sur la santé. En effet, l’ANSES constate le “faible nombre d’études réalisées sur cette question et leurs défauts méthodologiques”. La plupart portent sur de petits échantillons de personnes vivant à proximité d’éoliennes et reposent uniquement sur des questionnaires d’auto-évaluation de la qualité du sommeil notamment.   

Cependant, une étude de grande ampleur a été menée par Santé Canada, sur un effectif de 1 238 personnes habitant à des distances comprises entre 250m et 11,25km d’éoliennes, sous forme à la fois de questionnaires et de mesures objectives de la qualité de leur sommeil grâce à des actimètres de poignet, et de leur stress, par la mesure de la pression artérielle, du rythme cardiaque et par le dosage du cortisol (biomarqueur du stress)[3-5]. Selon les auteurs, aucune association n’a pu être établie entre l’exposition au bruit des éoliennes et un accroissement des troubles du sommeil ou du stress.

Concernant le syndrome éolien, il ne s’agit pas d’une « maladie » comme l’affirme Stéphane Bern, mais d’une série de divers symptômes possibles présentés par les riverains des éoliennes, tels que troubles du sommeil, céphalées, acouphènes, stress, hypertension artérielle, etc. Ils sont recensés notamment dans le rapport de l’Académie de médecine. Cependant, ces symptômes ne sont pas spécifiques aux personnes vivant à proximité des éoliennes[2].

L’exposition au bruit des éoliennes est modérée

Une des causes le plus souvent invoquées par les riverains pour expliquer ces symptômes est le bruit généré par les pales des éoliennes. Celles-ci émettent dans les fréquences basses audibles (100 à 20 Hz) et les infrasons (moins de 20 Hz), qui sont inaudibles, sauf à très forte intensité[6].

Comme pour toutes les autres sources de bruit, un lien entre l’intensité du bruit audible des éoliennes et celle de la gêne ressentie est clairement établi[7]. En France, la réglementation impose une distance minimale de 500m entre un parc éolien et les premières habitations. Une modélisation a permis d’estimer le nombre de personnes potentiellement exposées au bruit des éoliennes en France et l’intensité de cette exposition. Il ressort qu’environ 1% de la population française est exposée à ce bruit (chiffres 2017, en cours de réactualisation), dont une grande majorité à moins de 40 dB(A)[8] soit, sur une échelle des décibels, le bruit qui règne dans un bureau paisible (le décibel A, noté dB(A), est la mesure du bruit par un sonomètre, à laquelle on applique une pondération permettant de tenir compte de l’audition humaine qui, dans les conditions d’exposition faible ou modérée au bruit de la vie quotidienne, est plus sensible aux sons médiums qu’aux aigus et aux graves).

En comparaison, 15% de la population française est exposée, de nuit, à un bruit de trafic routier supérieur à 40 dB(A)[8]. Dans le domaine des infrasons émis par les éoliennes, aucun dépassement des seuils d’audibilité n’a été constaté par des mesures in situ[1]. Il existe par ailleurs de nombreuses sources d’infrasons issues de l’activité humaine (trafic routier, électroménager de type lave-linge ou réfrigérateur) ou naturelles (vent, vagues). Selon des mesures comparatives effectuées par le Ministère de l’Environnement, du Climat et de l’Energie de l’Etat fédéral du Baden-Wurtemberg (Allemagne), la contribution des éoliennes à ce “bruit de fond” n’est pas significative. 

Concernant les effets sur le sommeil, une méta-analyse de 15 études, menées principalement en Europe et aux États-Unis, révèle que 34% des personnes riveraines d’éoliennes interrogées présentent des troubles du sommeil, ce qui est comparable à la prévalence dans la population générale – 23% à 56% selon les pays[9]. Cependant, les 15 études reposant uniquement sur des questionnaires subjectifs, une relation de causalité n’a pu être établie entre les troubles du sommeil et le bruit des éoliennes. La qualité de ces études apparaît comme faible d’après les auteurs de la méta-analyse[9].

Une autre revue de la littérature souligne également le petit nombre d’études consacrées notamment aux effets des infrasons, et leur caractère non-conclusif[10]

D’autres auteurs soulignent que les études portent essentiellement sur le sommeil. Quant aux autres symptômes, neurologiques, endocriniens, cardiovasculaires… notamment attribués aux infrasons, les études ne sont pas disponibles ou ne permettent pas de conclure. Aucun lien de causalité n’a été établi[11].

Un effet “nocebo”

Si les symptômes ressentis par les riverains ne sont pas à mettre en doute, l’hypothèse actuellement avancée par les travaux scientifiques recensés pour les expliquer est celle de l’effet « nocebo »[2,3]. À l’inverse de l’effet placebo, il consiste en l’induction psychologique d’un effet indésirable. La crainte d’être exposé au bruit des éoliennes et à d’autres nuisances génère les mêmes symptômes qui pourraient être provoqués par le bruit. Une étude néo-zélandaise menée en double aveugle a exposé 54 personnes à 10 minutes d’infrasons de manière réelle ou factice. Ensuite, on leur a présenté des informations notamment issues d’Internet, faiblement ou fortement affirmatives quant au fait que les infrasons puissent provoquer des symptômes. Le groupe ayant reçu les informations fortement affirmatives a présenté des symptômes divers (maux de tête, vertiges, palpitations…), que les personnes aient été exposées aux infrasons réels ou factices[12]. Si l’étude ne concerne qu’un échantillon limité, l’influence de certains contenus véhiculés via les réseaux sociaux sur le syndrome éolien est à considérer.

Conclusion

À ce jour, la science n’a pas établi de relation de causalité entre le bruit des éoliennes, notamment dans les basses fréquences, et la santé des personnes vivant à proximité. D’autres études, comme celle du projet RIBEolH, sont en cours sur des effectifs plus importants et avec des mesures objectives. Cependant, la présence d’éoliennes peut générer un agacement chez certaines personnes. Aujourd’hui, les effets sur la santé déclarés par les personnes vivant à proximité des éoliennes sont plus probablement attribués à la manifestation physique d’un état de gêne qu’au bruit que feraient les éoliennes.

Références:

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