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Les travaux d’une équipe Bâloise ne montrent pas une multiplication par 800 des risques de myocardites chez les individus vaccinés par rapport à la population générale

Posté le : 30 Nov 2022

À retenir

De nombreuses études scientifiques montrent que les vaccins contre le COVID-19 réduisent efficacement le risque de mort ou de forme sévère de la maladie. Des travaux d’une équipe de chercheurs de Bâles ont montré que des méthodes plus sensibles de détection permettaient de mettre en évidence des cas bénins de myocardites qui étaient auparavant ignorés à cause de l’absence de symptômes. Le risque de myocardite nécessitant des soins médicaux est cependant plus élevé suite au COVID-19 qu’après la vaccination aux vaccins ARNm.

élément analysé

Inexact

"les résultats concluent à une incidence myocardique de 2,8%…”

Source : Réseau International, Anonyme, 26 Oct 2022

DÉTAIL DU Verdict

Déforme la source:

Les travaux de Müller et son équipe montre que l’incidence des myocardites associées à la vaccination est plus élevée qu’attendu lorsqu’on utilise une méthode de détection plus sensible au lieu de seulement compter les myocardites précisant de soins médicaux. En revanche, ces travaux ne comparent pas l’incidence de myocardite chez les vaccinés à l’incidence habituelle dans la population générale.

Exagère la portée d’un résultat scientifique:

Les travaux de Müller et son équipe sont, en soi, insuffisants pour modifier les recommandations vaccinales en cours. Leur recherche n’inclut pas de groupe contrôle ni ne mesure la concentration de référence des troponines chez les participants avant leur vaccination. Ces travaux n’établissent pas non plus dans quelles mesures ces myocardites bénignes se produisent également chez les patients atteints de COVID-19.

Vérification

Les résultats d’une équipe suisse ne montrent pas que les vaccins augmentent de 800 fois le risque de myocardites

Après le début des campagnes de vaccination contre le COVID-19, les agences de santé publique du monde entier ont commencé à détecter de rares cas de myocardite, un type d’inflammation du coeur, chez des personnes qui avaient reçu l’un des vaccins à ARNm autorisés contre le COVID-19.

Cette découverte a alimenté un certain nombre d’affirmations inexactes sur les risques des vaccins à ARNm, que Health Feedback a réfuté à plusieurs reprises. Les nouveaux résultats scientifiques sur les vaccins contre le COVID-19 et la myocardite régulièrement divulgués continuent cependant d’être relayés de manière déformée, ce qui a pour conséquence de jeter le doute sur la sécurité des vaccins.

Un exemple d’un tel cas de figure est l’affirmation selon laquelle une nouvelle étude d’une équipe suisse aurait montré que « les résultats concluent à une incidence myocardique de 2,8% parmi la population vaccinée. Les années précédentes, les hospitalisations pour myocardites ne représentaient que 0,0035% des patients admis à l’hôpital ». Une telle phrase suggère que les vaccins augmenteraient de 800 fois le risque de myocardites par rapport à la population des années précédentes, non vaccinée. Cette affirmation est accompagnée de jugement dramatique sur la portée sanitaire d’un tel résultat comme “C’est tout simplement un désastre sanitaire, une véritable boucherie” 

Toutefois, cette affirmation déforme et exagère les conclusions de l’équipe de chercheurs de l’université et de l’hôpital universitaire de Bâle. Tout d’abord, les résultats auxquels il est fait référence ont été communiqués lors d’une présentation de Christian Müller, professeur de cardiologie à l’université de Bâle, au congrès de la Société européenne de cardiologie en août 2022. Les résultats n’ont pas encore été publiés dans une revue à comité de lecture, et il est donc inexact de qualifier cet ensemble de résultats d' »étude ».

Deuxièmement, contrairement à ce qui est suggéré, les chercheurs n’ont pas comparé des personnes vaccinées à une population de référence des années précédentes, non-vaccinée. Comme nous l’expliquerons par la suite, ils ont en fait montré que l’utilisation d’une méthode plus sensible pour détecter la myocardite augmentait le nombre de cas de myocardite détectés, ce qui est peu surprenant. 

La myocardite est une inflammation du muscle cardiaque. Cela peut endommager sa structure et entraver sa capacité à pomper le sang. Les infections bactériennes ou virales, notamment par le SARS-CoV-2, sont une cause fréquente de myocardite. La survenue d’une myocardite provoquée par la COVID-19 est généralement associée à un pronostic défavorable, ce qui signifie que le patient a plus de risque de subir de graves complications de la maladie[1,2].

Les vaccins à ARNm contre le COVID-19 ont également été associés à la myocardite en de rares occasions. Toutefois, les données cliniques recueillies jusqu’à présent indiquent que le risque de développer une myocardite nécessitant des soins médicaux est plus faible après la vaccination qu’après le COVID-19 lui-même[3-7].

Pour comprendre pourquoi l’affirmation d’un risque de myocardites 800 fois plus élevés chez les personnes vaccinées par rapport à la population générale est inexacte, nous devons d’abord expliquer en quoi consiste la recherche menée à l’Université de Bâle mentionnée ci-dessus et comprendre ce qui la distingue des études publiées précédemment.

Dans ce travail, les scientifiques ont suivi de manière prospective l’état cardiaque des personnes ayant reçu une injection de rappel de vaccins COVID-19 à ARNm. Cela contraste avec les études publiées déjà disponibles, qui s’appuyaient généralement sur les dossiers médicaux ou les données des assurances de santé pour détecter ces cas[5,7].

La faiblesse des études précédentes est qu’elles ne peuvent détecter que les cas de myocardite qui nécessitent une attention médicale. Ces études ne sont donc pas en mesure de détecter d’éventuels cas de myocardites associées à la vaccination suffisamment bénins pour ne pas nécessiter de soins médicaux.

L’équipe dirigée par Müller a donc voulu combler cette possible lacune en détectant les lésions cardiaques grâce à des mesures de la troponine sanguine quelques jours après une injection de rappel de COVID-19. La troponine est un type de protéine que l’on trouve dans le muscle cardiaque. Lorsque le cœur est endommagé, la troponine passe dans le sang et peut être détectée par une analyse de sang.

Une troponine élevée dans le sang peut se produire pour de nombreuses raisons, qui peuvent être graves ou bénignes, comme une crise cardiaque, une insuffisance cardiaque, une insuffisance rénale, une myocardite, une transplantation cardiaque et même un exercice physique intense[8]. Une fois éliminées les autres explications plausibles il est possible de faire l’hypothèse qu’un taux élevé de troponine après l’injection de rappel est susceptible d’avoir été causé par la vaccination, ce qui pourrait suggérer une lésion cardiaque légère.

Les chercheurs ont constaté que 2,8 % des personnes testées présentaient au troisième jour après la vaccination un taux de troponine supérieur au taux considéré comme normal. Dans une interview publiée par l’Université de Bâle, Müller a déclaré que ce chiffre était 800 fois plus élevé que les 0,0035% rapportés par les études précédentes sur les myocardites associées à la vaccination. Müller n’a pas fourni de source pour ce chiffre de 0,0035%, mais il se situe dans la fourchette des incidences rapportées dans la littérature scientifique[3].

Contrairement à ce qui est affirmé, cette multiplication par 800 résulte de la comparaison de l’analyse de l’équipe de Müller sur des personnes vaccinées avec des études antérieures portant également sur des personnes vaccinées mais utilisant de méthodes de détections concentrées sur les cas plus graves. Il ne s’agit donc pas de comparer des personnes vaccinées à la population générale, non vaccinée, des années précédentes.

Dans son interview, Müller explique : « L’observation antérieure et passive des cas graves a permis de conclure que sur 1 000 000 de personnes vaccinées, environ 35 développent une inflammation du muscle cardiaque. Dans notre étude, nous avons trouvé des preuves de lésions légères et temporaires des cellules du muscle cardiaque chez 22 des 777 participants, soit 2,8 % au lieu des 0,0035 % attendus ».

Par conséquent, les résultats de l’équipe de Müller ne comparent pas la fréquence à laquelle les personnes vaccinées développent une myocardite par rapport aux personnes non vaccinées, contrairement à ce qui est suggéré.

Health Feedback a tenté d’entrer en contact avec Müller afin de commenter cette affirmation, mais nous n’avons pas reçu de réponse au moment de la publication.

Par ailleurs, ces travaux présentent plusieurs limites qui empêchent de tirer de nouvelles conclusions sur la sécurité des vaccins ou sur les recommandations d’utilisation.

Tout d’abord, ces recherches n’incluent pas de groupe de contrôle sans vaccin de rappel. Elle ne comporte pas non plus de mesure du niveau de base de troponine dans le sang avant la vaccination. Par conséquent, il n’est pas possible de savoir si les taux de troponine étaient déjà élevés chez certaines personnes avant la vaccination.

Ensuite, les données publiées montrent que le risque de myocardite est plus élevé pendant le COVID-19 qu’après la vaccination. Il est difficile de savoir dans quelle mesure les conclusions de Müller et al. modifient notre compréhension actuelle de ces risques. Comme Müller l’a expliqué dans l’interview à l’Université de Bâle, leur travaux ne portent pas sur l’incidence de la myocardite chez les patients sous COVID-19. Par conséquent, nous ne disposons pas de suffisamment d’informations pour comparer les patients COVID-19 aux personnes vaccinées.

Ce que ces résultats nous disent c’est que l’utilisation d’une méthode de détection des myocardites plus sensible conduit les chercheurs à détecter davantage de myocardites, ce qui est conforme aux attentes. Il est plausible que l’utilisation de la même approche chez les patients atteints de COVID-19 augmente également le nombre de cas de myocardites détectés et, par conséquent, amène les chercheurs à signaler une incidence beaucoup plus élevée qu’attendue de myocardite associée à COVID-19.
Comme l’a souligné Müller lors de l’interview, « il s’agit de symptômes légers et on ignore quelles sont les conséquences médicales de ces myocardites légères. Par conséquent, ces résultats ne suffisent pas à modifier les recommandations actuelles en matière de vaccination. Müller souligne d’ailleurs que les vaccins contre le COVID-19 ont apporté de grands bénéfices en matière de santé publique. Il déclare: « Sans ce développement, les dégâts de la pandémie auraient été de plusieurs ordres de grandeur plus élevés. Les vaccins ont sauvé des millions de vies. »

References:

  1. Castiello et al. (2022) COVID-19 and myocarditis: a systematic review and overview of current challenges. Heart failure review.
  2. Buckley et al. (2021) Prevalence and clinical outcomes of myocarditis and pericarditis in 718,365 COVID-19 patients. European Journal of Clinical Investigation.
  3. Heymans & Cooper (2021) Myocarditis after COVID-19 mRNA vaccination: clinical observations and potential mechanisms. Nature reviews cardiology.
  4. Boehmer et al. (2021) Association Between COVID-19 and Myocarditis Using Hospital-Based Administrative Data — United States, March 2020–January 2021. Morbidity and mortality weekly review.
  5. Wong et al. (2022) Risk of myocarditis and pericarditis after the COVID-19 mRNA vaccination in the USA: a cohort study in claims databases. The lancet.
  6. Voleti et al. (2022) Myocarditis in SARS-CoV-2 infection vs. COVID-19 vaccination: A systematic review and meta-analysis. Frontiers in cardiovascular research.
  7. Pantone et al. (2022) Risk of Myocarditis After Sequential Doses of COVID-19 Vaccine and SARS-CoV-2 Infection by Age and Sex. Circulation.
  8. Korff et al. (2006) Differential diagnosis of elevated troponins. Heart.

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