- Climat
L’UE ne travaille pas sur une loi pour « saisir et détruire » les voitures anciennes dans le cadre de son programme climatique, contrairement à ce que prétend Silvano Trotta
À RETENIR :
La proposition de la Commission européenne se concentre sur des mesures réglementaires destinées aux fabricants et à l’industrie automobile ; elle ne vise pas les propriétaires de voitures ni les consommateurs. Accroître la circularité des pièces et matériaux automobiles devrait réduire le besoin de produire et d’acheminer de nouveaux matériaux, diminuant ainsi les émissions de gaz à effet de serre associées à la fabrication et au transport.
ÉLÉMENT ANALYSÉ
Verdict:
Claim:
DÉTAIL DU VERDICT
Inexact :
La proposition de la Commission européenne n’impose pas la saisie et la destruction des véhicules pour la simple raison qu’ils ne répondent pas à des critères environnementaux spécifiques. En réalité, elle décrit comment évaluer et recycler les véhicules qui ne sont ni réparables ni en état de circuler, dans le but de minimiser les dommages environnementaux.
AFFIRMATION COMPLÈTE
L’UE travaille sur une nouvelle loi pour SAISIR et mettre au rebut votre voiture si elle ne répond pas à ses critères. Tout cela fait partie de leur programme climatique.
Vérification
En juillet 2023, la Commission européenne a introduit une proposition de réglementation concernant les véhicules hors d’usage afin d’améliorer la circularité du cycle de vie des véhicules dans l’Union européenne (UE). Cette initiative vise à garantir que les véhicules soient utilisés à leur plein potentiel et que leurs composants soient recyclés ou réutilisés à la fin de leur cycle de vie.
Suite à cette annonce, de nombreuses affirmations ont émergé sur les réseaux sociaux, suggérant que la réglementation permettrait à l’UE de compromettre les droits relatifs à la propriété de véhicules, sous le prétexte de préoccupations climatiques et environnementales.
La nouvelle réglementation sur les véhicules en fin de vie cible l’industrie automobile, et non les consommateurs
Dans une publication sur les réseaux sociaux, Silvano Trotta, “un des meneurs du discours antirestrictions” selon Le Monde, affirme que l’UE pourrait « SAISIR et mettre au rebut votre voiture si elle ne répond pas à ses critères” et ajoute “tout cela fait partie de leur programme climatique ». Il s’agit d’une traduction d’une publication en anglais de Peter Imanuelsen, également connu sous le nom de « Peter Sweden », qui a régulièrement partagé des informations erronées sur le changement climatique selon le groupe Climate Action Against Disinformation.
En réalité, la proposition de la Commission européenne n’exige pas la saisie et la mise au rebut des véhicules s’ils ne répondent pas à certains critères climatiques et environnementaux. Elle fournit des directives pour recycler les véhicules qui ne sont ni réparables, ni en état de circuler, sans pour autant stipuler de conséquences spécifiques.
Trotta prétend dans sa publication que l’État pourrait imposer « combien de temps vous serez autorisé à posséder votre voiture », en expliquant qu’une mise au rebut serait obligatoire “si le coût de réparation de votre voiture dépasse la valeur de votre voiture” ou “si votre voiture n’a pas passé le contrôle régulier de l’UE pendant deux ans”. Cependant, ces dispositions ne s’appliquent pas à tous les propriétaires de véhicules, contrairement aux affirmations de Trotta. En effet, l’Annexe 1 de la proposition décrit une méthode pour évaluer la faisabilité économique d’une réparation de véhicule, mais celle-ci n’est prévue que pour les véhicules déjà considérés comme hors d’usage. De même, l’Annexe 1 précise qu’un véhicule peut être jugé hors d’usage s’il n’a pas réussi son contrôle technique pendant deux ans seulement dans le cadre d’une transaction de véhicule d’occasion.
Un autre document réagissant à la proposition de la Commission européenne est un article publié sur le site de The Epoch Times, un “outil de propagande au service d’un mouvement spirituel chinois” comme l’explique cet article de Radio France International. L’article affirme que tout propriétaire de voiture “devrait par exemple mettre la voiture à la casse sans délai et sous sa responsabilité pénale si elle est considérée comme une « épave » selon les critères [de la proposition] ». Cependant, ces affirmations sont exagérées, car la proposition n’introduit pas de responsabilité pénale, et la mention d’une remise du véhicule “dans les plus brefs délais” à l’article 26 concerne les véhicules qui sont déjà hors d’usage, et non des véhicules couramment utilisés par leurs propriétaires.
L’obligation de mettre un véhicule au rebut concerne donc deux types de situations. D’abord les véhicules dont un propriétaire veut se débarrasser. Ensuite, les véhicules en fin de vie qu’un propriétaire ne souhaite pas remettre en état d’usage suite “une évaluation technique individuelle […] afin de déterminer si le statut technique du véhicule est suffisant pour obtenir un certificat de contrôle technique”, selon la proposition. Les véhicules anciens, mais toujours en état d’usage, ne sont donc pas concernés par les critères mentionnés dans l’article. Les critères concernent plutôt les véhicules accidentés ou dangereux à l’usage.
La réglementation réduirait-elle réellement les émissions de dioxyde de carbone ?
L’une des principales affirmations, répétées à plusieurs reprises, dans la publication de Peter Imanuelsen, relayée et traduite en partie par Silvano Trotta, est que la réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2) n’est qu’un prétexte pour cette proposition « visant à vous priver de votre liberté et à contrôler votre vie ».
En réalité, il est très probable que cette nouvelle réglementation permette de réduire les émissions de dioxyde de carbone comme prévu. La circularité accrue des pièces et matériaux automobiles réduira la nécessité de produire et d’expédier de nouveaux matériaux, diminuant ainsi les émissions de gaz à effet de serre associées à la fabrication et au transport. Ce type de politique d’économie circulaire est d’ailleurs reconnu par les scientifiques comme une « approche efficace pour atténuer les émissions industrielles de gaz à effet de serre » dans le résumé de la dernière évaluation (en anglais uniquement) du GIEC à l’intention des décideurs politiques.
L’affirmation d’Imanuelsen ne tient pas compte du rôle très important des véhicules routiers dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre. En 2019, les émissions directes de gaz à effet de serre du secteur des transports représentaient 23 % des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie, selon la dernière évaluation du GIEC[1]. Plus important encore, environ 70 % des émissions directes du secteur des transports provenaient des véhicules routiers (voir la catégorie « Route » dans la Figure 2).
Bien que la plupart des émissions de CO2 se produisent lorsqu’une voiture est conduite, la réduction des émissions lors de la phase de fabrication représente tout de même une opportunité importante, étant donné l’ampleur des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports. Selon l’Agence allemande de l’environnement (document en allemand), la phase de fabrication d’un véhicule thermique, ayant roulé au total de 168 000 km, représente 15 % des émissions de CO2 dans son cycle de vie (64 % pour la phase d’utilisation, 17 % pour la production de carburant et 4 % pour l’élimination et l’entretien).
La Commission européenne a estimé que la réglementation proposée entraînerait une réduction annuelle d’émissions de 12,3 millions de tonnes d’équivalent CO2 en 2035. Pour mettre cette réduction en perspective, on peut la comparer à l’évitement d’environ 24 millions de vols entre Paris et Helsinki par an, qui émettent environ 0,5 tonne d’équivalent CO2 par passager en classe Premium Economy, selon le calculateur d’émissions de vol de myclimate.
Conserver une voiture ancienne n’est pas si bénéfique pour le climat
Dans la publication virale d’Imanuelsen, partiellement traduite en français par Silvano Trotta, il affirme également que « la réparation d’une voiture existante avec des pièces détachées est de loin la meilleure chose à faire si l’on se soucie des émissions de carbone ». Toutefois, le remplacement d’un vieux véhicule inefficace par un véhicule électrique entraîne une réduction des émissions de dioxyde de carbone. Bien qu’il y ait une augmentation des émissions de CO2 lors de la production d’un véhicule électrique et de sa batterie, le véhicule électrique commence à compenser ces émissions après avoir parcouru environ 32 000 à 51 000 kilomètres au Royaume-Uni, comme l’illustre le tableau ci-dessous, selon une analyse de Carbon Brief.
Cette analyse révèle qu’un conducteur typique au Royaume-Uni, remplaçant un vieux véhicule thermique par un nouveau véhicule électrique, compensera les émissions initiales de CO2 dues à l’achat du véhicule électrique en environ quatre ans. La durée précise de cette compensation carbone dépend de plusieurs facteurs, incluant l’efficacité énergétique de la voiture remplacée, le kilométrage annuel du conducteur et la taille de la batterie du nouveau véhicule électrique.
Globalement, conserver une ancienne voiture thermique n’est pas plus bénéfique pour le climat que de la remplacer par un véhicule électrique, en particulier lorsque ce véhicule électrique est léger et équipé d’une batterie plus petite, contrairement à l’affirmation d’Imanuelsen.
Enfin, la proposition de la Commission européenne doit encore franchir plusieurs étapes importantes avant de pouvoir être mise en application. Au cours de ce processus, la proposition peut être modifiée et sera soumise à l’examen du Parlement européen et des États membres. Selon les termes de la proposition, il est reconnu que la mise en œuvre pourrait prendre jusqu’à huit ans.
Références:
- 1 – IPCC (2022) Chapter 10: Transport. Dans: Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change. Contribution of Working Group III to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change