Quels sont les thèmes de désinformation climatique détectés dans les programmes d’information TV et radio ?

Posté le : 10 Avr 2025

Comment est propagée la désinformation climatique en France aujourd’hui ? Dans le cadre du projet Climate Safeguards, plus de 128 cas de désinformation climatique avérés ont été repérés au premier trimestre 2025 dans les programmes d’information TV et radio en France. Soit en moyenne plus de 10 cas par semaine

L’analyse des discours met en évidence l’utilisation de rhétoriques bien connues pour décrédibiliser les solutions à la crise climatique dans les domaines de l’énergie et la mobilité. Pourtant, l’utilisation d’énergie est responsable des trois quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre et la décarbonation de ce secteur est cruciale (figure 1). D’autres s’attachent à nier la responsabilité des activités humaines dans le réchauffement climatique ou encore à déformer les sciences du climat.

Cette étude inédite réalisée conjointement par Data For Good, QuotaClimat et Science Feedback repose sur l’analyse des contenus des programmes d’information de 19 chaînes de télévision et de radio. Pour la première fois, Science Feedback analyse les thèmes et techniques rhétoriques de désinformation employés dans la télévision et la radio française dans le but de fournir à toutes et tous les clés pour résister à la désinformation.

Les chaînes et radios concernées

L’analyse se concentre sur les programmes d’information des chaînes couvertes par l’Observatoire des Médias sur l’Ecologie.

  • Télévision : TF1, France 2, France 3 Ile de France, M6, France 24, France Info Télévision, CNews, LCI, BFM TV, Arte.
  • Radio : France Info Radio, France Inter, France Culture, RFI, Europe 1, RMC, RTL, Sud Radio

DES AFFIRMATIONS ERRONÉES ET TROMPEUSES SUR LE BILAN CARBONE DES VOITURES ÉLECTRIQUES

La voiture individuelle est l’un des sujets de désinformation climatique les plus rencontrés. De nombreuses occurrences de désinformation surviennent dans les débats autour des zones à faibles émissions (ZFE) ou de projets d’interdiction de la vente de véhicules thermiques. 

Alors que le bilan carbone des voitures électriques est moindre que celui des voitures thermiques dans la majorité des pays, notamment en France, des affirmations infondées et trompeuses sont émises. Science Feedback a consacré un article de vérification à l’affirmation de Luc Ferry, et deux articles de décryptage de l’empreinte carbone de la voiture électrique.

Exemples de désinformation sur le sujet :

LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE PRÉSENTÉE COMME UNE SOLUTION INEFFICACE OU DANGEREUSE

L’autre majeur sujet de désinformation est l’énergie, en particulier les énergies renouvelables. Nous observons une instrumentalisation politique de la transition énergétique notamment par des porte-paroles du Rassemblement National au premier trimestre 2025. Alors qu’il est avéré que la substitution des énergies fossiles par des sources renouvelables évite le rejet de CO2 dans l’atmosphère, comme nous l’expliquons dans cet article, les énergies renouvelables sont souvent présentées de façon trompeuse comme une solution inefficace ou dangereuse.

Exemples de désinformation sur le sujet :

Par ailleurs, le nucléaire est brandi comme une excuse à l’inaction climatique en France. L’électricité française est en effet peu carbonée grâce au nucléaire, mais elle ne représente qu’un quart de l’énergie que nous consommons (figure 2). La majorité de l’énergie consommée est d’origine fossile, sous forme de carburant dans les véhicules par exemple. 

Figure 2 – La forme d’énergie consommée par les utilisateurs est appelée consommation finale. Les Français utilisent majoritairement l’énergie sous forme de pétrole et d’électricité. Les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel et charbon) fournissent 57% de l’énergie consommée. Source : Chiffres clés de l’énergie 2024/SDES

La combustion des fossiles rejette des gaz à effet de serre, comme nous le décrivons dans cet article : en 2023 en France, cela s’élève à 269 millions de tonnes de gaz à effet de serre. La confusion entre énergie et électricité, un mode de consommation d’énergie, entretient de façon exagérée l’idée que la France est un très bon élève. En prenant en compte l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre, la France est le 20ème pays le plus émetteur au monde, et le 3ème en Union européenne.

Exemples de désinformation sur le sujet :

LA RESPONSABILITÉ DE LA FRANCE ET DES ACTIVITÉS HUMAINES AMOINDRIE VOIRE NIÉE

Ce discours sur l’énergie s’inscrit dans une rhétorique plus large dédiée à nier ou amoindrir la responsabilité de la France dans le réchauffement climatique, comme nous l’expliquons dans cet article

Si les émissions de gaz à effet de serre du territoire représentent 0,72% des émissions mondiales de CO2 en 2023, est-ce une excuse à l’inaction ? Nous avons déjà consacré un article à ce sujet : la réponse est non, puisque chaque rejet de CO2 évité permet de limiter la hausse de sa concentration atmosphérique. De plus, près de 40% des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont liées aux États faiblement émetteurs, qui ont donc un rôle important dans l’atténuation.

Exemples de désinformation sur le sujet :

Certains vont encore plus loin en questionnant la responsabilité des activités humaines dans le réchauffement climatique. Les scientifiques ont pourtant démontré sans équivoque la responsabilité des activités humaines en employant une démarche scientifique rigoureuse, comme nous le détaillons dans cet article

Exemples de désinformation sur le sujet :

NIER LES SCIENCES DU CLIMAT OU PICORER CERTAINES DONNÉES POUR TROMPER LE PUBLIC

Un dernier outil de désinformation s’attache à nier les sciences du climat. Cette rhétorique est minoritaire, et utilisée par quelques personnalités. Par exemple, dans une émission d’une heure sur Sud Radio qui lui est entièrement dédiée, François Gervais – un physicien à la retraite auteur de livres niant les faits scientifiques – énonce de nombreuses informations fausses ou trompeuses. Nous avons déjà expliqué comment le CO2 réchauffe la Terre par l’effet de serre ou encore pourquoi le verdissement de la planète ne signifie pas que la hausse du CO2 est une bonne nouvelle.

François Gervais sur Sud Radio le 29 janvier :

Une autre technique employée est celle du « picorage » : elle consiste à insister sur une donnée précise pour en déduire une conclusion. Certains utilisent des données météo ponctuelles pour en tirer des conclusions sur le climat, ce qui est trompeur, et d’autres dénigrent l’effet de serre du CO2 au prétexte de sa faible concentration dans l’atmosphère, une analyse erronée.

LE RÔLE DES MÉDIAS DANS LA STRATÉGIE DE DÉSINFORMATION D’ACTEURS IDENTIFIÉS

Ces dernières semaines, Science Feedback a publié plusieurs vérifications concernant ces affirmations trompeuses ou fausses. Malgré nos sollicitations, à notre connaissance, aucune des rédactions concernées n’a rétabli les faits auprès des auditeurs. Sud Radio représente 45% de la désinformation relative identifiée dans les chaînes d’information (figure 3).

Figure 3 – Score de désinformation climatique normalisé par volume d’information monitoré. Le score correspond au nombre de cas de désinformation détectés au premier trimestre 2025 divisé par le volume horaire monitoré. Il permet de comparer la désinformation en s’affranchissant des différents volumes horaires considérés pour les chaînes (qui varie entre 25 et 119h par semaine). 

Climate Safeguards mesure et étudie la désinformation climatique à la télévision et à la radio. Il repose sur un algorithme d’IA dont les résultats sont ensuite validés par des experts. Science Feedback, QuotaClimat et Data for Good ont reçu une subvention de JournalismAI Innovation Challenge. La démarche consolidée et les résultats définitifs sur le périmètre français, publiés par l’Observatoire des Médias sur l’Ecologie et appuyée par Science Feedback, seront disponibles au dernier trimestre 2025. 

La désinformation climatique est un outil stratégique déployé par des acteurs identifiés (économie carbonée, économie de l’attention, ingérences étrangères, extrême-droite et groupes complotistes) pour favoriser leurs intérêts convergents – car alignés sur l’entrave de l’action environnementale.

Comme le révèle une étude récente du Reuters Institute citée par Parlons Climat, la consommation d’informations climatiques est élevée en France : 60% des français consomment au moins une info climat par semaine, les médias restant leur première source d’information.

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